Le projet de la loi sur l’immigration illégale a été présenté à la Chambre des communes du Royaume-Uni le 7 mars dernier. Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a déclaré, lors d’une conférence de presse tenue à cette occasion, que les personnes qui arrivent de manière irrégulière sur le territoire, ne pourraient plus demander l’asile, ni bénéficier de protections “contre l’esclavage moderne. Vous ne pouvez pas faire de demandes fallacieuses liées aux droits humains et vous ne pouvez pas rester”.
Rishi Sunak a précisé que la future loi permettrait de placer toutes les personnes arrivant illégalement au Royaume-Uni en détention (le gouvernement prévoit la construction de nouveaux centres), puis de les renvoyer dans leur pays s’il est sûr ou, le cas échéant, dans un pays tiers considéré comme sûr, tel le Rwanda. La future loi obligera le ministre de l’Intérieur à prendre des mesures pour expulser toute personne entrée illégalement au Royaume-Uni, sans autorisation d’entrée ou de séjour et qui ne vient pas directement d’un endroit où elle craint d’être persécutée. La dernière condition implique que le migrant n’ait pas traversé un “État sûr”, listée dans la loi, avant d’arriver sur le sol britannique. C’est, par exemple, le cas des migrants qui traversent la Manche pour arriver au Royaume-Uni, étant donné qu’ils passent par la France, un État listé comme sûr dans la loi. Un projet qui a suscité des réactions … Depuis 2018, le Royaume-Uni fait face à un afflux de réfugiés. Le nombre de personnes, qui arrivent par bateaux traversant la Manche, a augmenté ces dernières années jusqu’à atteindre plus de 45 000 migrants en 2022. L’immigration illégale est devenue un enjeu essentiel de la société britannique que le Premier ministre entend combattre. Le projet de loi a néanmoins été vivement critiqué par plusieurs associations internationales. Yasmine Ahmed, directrice britannique de Human Rights Watch, a ainsi déclaré qu’ “interdire aux gens de demander l’asile est illégal, inapplicable et profondément inhumain”. Steve Valdez-Symonds, directeur des droits des réfugiés et des migrants auprès d’Amnesty International au Royaume-Uni, estime quant à lui qu’il “Il n’y a rien de juste, d’humain, voire de praticable dans ce plan, et il est franchement effrayant de voir des ministres tenter de supprimer les protections liées aux droits humains pour un groupe de personnes qu’ils ont choisi comme bouc émissaire de leurs propres échecs”. Enfin, le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies a également fait part de son inquiétude: “cette législation, si elle est adoptée, reviendrait à bannir l’asile, c’est-à-dire qu’elle supprimerait le droit de demander l’asile au Royaume-Uni pour les personnes qui arrivent de manière irrégulière, quelles que soient la légtimité et la pertinence de leur demande, et sans tenir compte de leur situation personnelle”. Mais qu’en est-il juridiquement ? Les propos tenus par Rishi Sunak semblent incompatibles avec la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 , un accord international adopté par l’Organisation des Nations unies qui définit les droits des réfugiés dans le monde entier. La Convention définit un réfugié comme étant une personne qui fuit son pays parce qu’elle craint “avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”. En refusant de prendre en considération les personnes entrées illégalement sur son territoire, le Royaume-Uni refuse de considérer un réfugié tel qu’il est défini par la Convention et manque ainsi à ses obligations internationales. Par ailleurs, la Convention sur les réfugiés établit un principe fondamental, celui du “non-refoulement » en stipulant que les réfugiés ne peuvent pas être renvoyés dans un pays où leur vie ou leur liberté est menacée. Cependant, le gouvernement affirme que son plan d’envoi des réfugiés vers des pays, comme le Rwanda, respecte le droit international, en arguant que ce pays est considéré comme un pays sûr. Enfin, le fait de renvoyer tous les migrants vers leurs pays d’origine ou vers un pays comme le Rwanda pourrait être considéré comme une expulsion collective, une pratique strictement interdite par l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention européenne des droits de l’Homme de 1963 qui impose un examen individuel et différencié de chaque demande d’asile. La problématique soulevée ici n’est pas neuve. Pour rappel, le 13 avril 2022, le gouvernement britannique a conclu, avec le Rwanda, un protocole d’accord de partenariat en matière d’asile prévoyant que les demandeurs d’asile dont les demandes ne seraient pas examinées par le Royaume-Uni pourraient être transférés au Rwanda. Aucun réfugié n’a pour l’instant été expulsé vers le Rwanda en raison des procédures judiciaires en cours. Ce fut également le cas du Danemark qui adopta en 2021 une loi permettant de conclure un accord pour qu’un pays tiers, hors de l’Union européenne, accueille les demandeurs d’asile et examine leur dossier. Cette externalisation du traitement des demandes d’asile pose donc d’épineuses questions au plan juridique.
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