Fabian Maingain (DéFI) défend l’idée qu’il faudrait imposer le Covid Safe Ticket (CST) dans les lieux de culte à Bruxelles, à l’instar de l’Horeca et de l’évènementiel. À première vue, cette mesure paraît efficace et cohérente au vu des autres secteurs impactés, mais elle mène en réalité à un conflit avec d’autres droits fondamentaux, spécialement la liberté de religion et la protection de la vie privée. Il faut donc en vérifier la proportionnalité.
Les limitations à la liberté de religion doivent être proportionnées…
La liberté d’exercer sa religion de façon collective, consacrée par l’article 19 de la Constitution, est considérée en Belgique comme un droit fondamental, et les limites à cette liberté sont contrôlées par les juges. Ainsi, le Conseil d’État peut réaliser un examen approfondi des mesures qui portent atteinte à la liberté de religion, comme par exemple l’obligation de présenter un CST pour accéder aux lieux de culte.
Au début de la pandémie, le Conseil d’État a validé les diverses mesures prises par les autorités pour lutter contre la propagation du virus, en ce compris celles qui portaient atteinte à la liberté de religion. Mais avec l’évolution de la pandémie, son contrôle est devenu plus strict. Ainsi, le 8 décembre 2020, le Conseil d’État a décidé que les mesures sanitaires limitaient à ce point la liberté de religion (pas d’assouplissements contrairement à d’autres secteurs, pas de possibilité de célébrer une fête religieuse avec les autres fidèles…) qu’elles en étaient devenues excessives par rapport à l’objectif de protection de la santé publique. Cette décision explique en outre que l’exercice collectif de la liberté de religion doit être interprété de la manière dont les fidèles d’une religion l’entendent, notamment pour des célébrations requérant le respect d’un certain rituel. Le Conseil d’État précise à cette occasion qu’il ne peut se substituer aux croyants et se prononcer sur l’interprétation ou l’importance des célébrations et rituels religieux. D’autres affaires à la même période rejettent cependant l’argument de la liberté de religion, jugeant d’autres restrictions (notamment la limitation à 15 personnes par célébration) nécessaires “pour préserver la santé publique dans le cadre de la pandémie de coronavirus”. En cette matière, tout est donc affaire de proportionnalité : il faut prendre toutes les mesures nécessaires, mais strictement et uniquement les mesures nécessaires.
L’adoption d’une nouvelle mesure limitant la liberté de religion, comme l’imposition d’un CST pour accéder aux lieux de culte, doit donc être proportionnée à l’objectif sanitaire poursuivi. Un des critères d’appréciation de la proportionnalité consiste à se demander si aucune autre mesure ne peut être prise pour atteindre l’objectif de protéger la santé publique, qui serait moins attentatoire à la liberté de religion. On pourrait soutenir que la poursuite des gestes barrières et le port du masque suffisent à garantir la protection de la santé publique dans les lieux de culte (article 20, 13° et 14° et article 22, §1er, alinéa 2 de l’arrêté royal du 28 octobre 2021). L’utilité du CST semble d’ailleurs surtout justifiée là où la distanciation et/ou le port du masque ne sont pas possible (comme dans les salles de sport ou les restaurants). L’imposition d’un CST dans les lieux de culte, où la distanciation et le port du masque sont possibles, n’est donc pas manifestement nécessaire, surtout eu égard à l’évolution moins préoccupante de la pandémie, même s’il est vrai qu’à Bruxelles la situation sanitaire reste plus grave que dans les deux autres régions (Flandre et Wallonie), justifiant peut-être des mesures plus attentatoires aux libertés publiques.
…tout comme les limitations au droit à la protection des données personnelles
L’argument de la proportionnalité est par ailleurs repris par l’Autorité de Protection des Données (APD), soucieuse du droit au respect de la vie privée, lorsque celle-ci vérifie la compatibilité du Covid Safe Ticket avec les principes fondamentaux de la protection des données personnelles. L’APD insiste à son tour, dans un avis du 12 juillet 2021, sur le fait que l’utilisation du CST doit être proportionnée aux objectifs poursuivis. Cela signifie qu’aucune autre mesure moins attentatoire au regard du droit à la protection de la vie privée ne suffirait à atteindre le même objectif. Pour imposer le CST, il faut donc démontrer l’insuffisance de la distanciation sociale ou du port du masque, qui sont des mesures actuellement en vigueur dans les lieux de culte bruxellois, on l’a déjà écrit.
Dans le même avis, et à propos de la proportionnalité de la mesure, l’APD insiste également “sur la nécessité d’être particulièrement attentif au risque réel de créer un « phénomène d’accoutumance« , ce qui pourrait nous amener à accepter, dans le futur, que l’accès à certains lieux (y compris des lieux de la vie quotidienne) soit soumis à la divulgation de la preuve que la personne concernée n’est pas porteuse de maladies infectieuses (autre que le Covid) ou qu’elle n’est pas atteinte d’autres pathologies. L’Autorité attire l’attention sur l’importance d’éviter que la solution mise en place pour autoriser l’accès à certains lieux ou à certains événements entraîne un glissement vers une société de surveillance.”
Contacté par nos soins, Fabian Maingain n’a pas répondu à nos sollicitations.
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