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« La Cour européenne permet l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement »

RTBF, 13 Février 2024

Récemment, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme a attisé les débats en validant l'interdiction de l'abattage rituel sans étourdissement en Flandre et en Wallonie. L'abattage rituel, souvent réalisé sans étourdissement préalable de l'animal, suscite des préoccupations éthiques, notamment en ce qui concerne le bien-être animal. Nous allons donc tenter d’analyser l’arrêt afin de comprendre comment la cour a tranché la question.

Ruben Ngan-be et Maya Barakat, étudiants en droit, UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles et ULB // sous la supervision de Christine Guillain et Jogchum Vrielink professeurs à l’UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 3 mai 2024.

Qu’est-ce que l’abattage rituel ? 

L’abattage rituel est une pratique religieuse importante pour les musulmans et les juifs. Il existe des règles strictes à respecter pour que l’abattage soit considéré comme halal ou casher. Il y a des similitudes entre les deux religions tels que : l’abattage doit être effectué par un individu qualifié et pratiquant la religion, l’animal doit être en bonne santé et ne pas souffrir de blessures. L’animal doit également être égorgé à l’aide d’un couteau aiguisé, d’un seul mouvement afin de minimiser la souffrance de celui-ci et enfin, il faut laisser l’animal se vider de son sang avant d’être dépecé. Il y a également des invocations religieuses qui doivent être prononcées lors de l’abattage.  

Sans ces « conditions », la viande ne peut pas être considérée comme étant halal ou casher.  Que signifie l’étourdissement à la lumière de ces règles religieuses ? Il y a de nombreuses autorités et croyants musulmans qui acceptent l’étourdissement réversible avant l’abattage, tel que l’étourdissement électrique ou par percussion. Il est cependant rare de trouver des croyants ou autorités juives qui approuvent cette pratique. Cette disparité découle de l’interprétation juive selon laquelle les animaux doivent être « sans blessure » au moment de l’abattage, ce qui rend les pratiques d’étourdissement préalablement à l’abattage strictement interdites. Toutefois, certaines autorités musulmanes en Belgique rejettent également chaque étourdissement, y compris les requérants devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).   

Précédents juridiques  

En 2019, des organisations représentatives des communautés musulmanes de Belgique ainsi que des autorités religieuses nationales et provinciales de la communauté musulmane turque et marocaine de Belgique, des ressortissants belges de confession musulmane et des ressortissants belges de confession juive qui résident en Belgique, ont déposé une demande d’annulation du décret flamand et du décret wallon devant la Cour constitutionnelle. Les décrets en question ont été adoptés, en 2017 et en 2018, par les régions flamande et wallonne. Ces derniers mettent fin à l’autorisation de l’abattage rituel d’animaux sans étourdissement, introduisant ainsi une obligation d’étourdissement réversible. La région de Bruxelles-Capitale n’est pas concernée et reste pour l’heure la seule en Belgique autorisant cette pratique.  

La Cour Constitutionnelle a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement en Flandre. En 2020, la CJUE a déclaré que les États membres étaient libres d’imposer des règles supplémentaires pour protéger les animaux lors de l’abattage rituel, à condition de respecter la liberté religieuse. À la suite de cela, la Cour constitutionnelle belge a rejeté les recours contre les décrets contestés, estimant qu’ils n’enfreignaient pas la liberté religieuse ni le principe d’égalité et de non-discrimination. 

Les requérants, des ressortissants belges, musulmans et juifs, ainsi que des associations représentatives d’autorités nationales et provinciales des communautés musulmanes, ont dès lors décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. Ils continuent de protester contre les décrets adoptés, en 2017 et en 2018, par les régions flamande et wallonne.  

Les ressortissants invoquaient, plus particulièrement, que l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement allait à l’encontre de leur rituel religieux et violait par conséquent l’article 9 consacrant la liberté religieuse de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le gouvernement belge a soutenu que l’interdiction était justifiée par l’objectif de protection du bien-être animal. Il a également fait valoir que l’interdiction était proportionnée à cet objectif, compte tenu des alternatives disponibles, telles que l’étourdissement réversible. 

Les ressortissants invoquaient également que ces décrets violaient le principe d’égalité et de non-discrimination, en ce qu’ils traitaient de manière similaire les croyants juifs et musulmans soumis à des préceptes alimentaires religieux et les personnes qui ne sont pas soumises à ces mêmes préceptes. Le point sur la violation du principe d’égalité et de non-discrimination soulevé par les requérants peut être développé comme suit : 

  • Traitement similaire sans justification raisonnable : Les requérants soutiennent que les croyants juifs et islamiques sont traités de façon similaire à ceux qui ne suivent pas de préceptes religieux spécifiques en matière alimentaire, sans justification raisonnable. Ils considèrent cela comme une discrimination injustifiée.  
  • Traitement similaire entre les croyants juifs et islamiques : ils affirment que le décret ne fait pas de distinction entre les pratiques rituelles juives et islamiques, malgré leurs différences religieuses, ce qui ne tient pas compte de leurs particularités. 
  • Traitement différencié entre les pratiques religieuses et d’autres méthodes d’abattage : ils font valoir qu’il y a une disparité de traitement entre les personnes qui abattent des animaux pour des pratiques religieuses et celles qui les tuent pour d’autres raisons, comme la chasse, sans justification raisonnable, constituant ainsi une discrimination.  

Analyse de l’affaire 

L’arrêt de la CEDH est une décision importante qui aura des implications pour les pratiques religieuses en Belgique et dans d’autres pays européens. L’arrêt reconnaît l’importance de la liberté de religion, mais souligne que les États peuvent prendre des mesures pour protéger le bien-être animal, même si ces mesures affectent des pratiques religieuses. 

La Cour a jugé qu’en  « adoptant les décrets litigieux qui ont eu pour effet d’interdire l’abattage des animaux sans étourdissement préalable dans les régions flamande et wallonne, tout en prévoyant un étourdissement réversible pour l’abattage rituel, les autorités nationales n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation dont elles disposaient ». Elle ajoute que la mesure est justifiée et proportionnée par rapport au bien-être animal. 

La Cour a également jugé que l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement n’était pas discriminatoire à l’égard des musulmans et des juifs car l’interdiction était justifiée par l’objectif de protection du bien-être animal et a donc conclu à la non-violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacrant l’interdiction de discrimination. 

Contrôle de la Cour européenne des droits de l’Homme  

Le contrôle de la Cour suit un raisonnement né d’une jurisprudence constante. Pour qu’une ingérence à la liberté de religion soit compatible avec la Convention européenne des droits de l’Homme, elle doit être prévue par la loi, son but doit être légitime et l’ingérence doit être nécessaire et proportionnée dans une société démocratique.  

Prévue par la loi  

Premièrement, l’ingérence est belle et bien prévue par la loi, plus précisément, à travers l’article 15 du décret flamand pour la Région flamande et l’article 15, § 1 du décret wallon pour la Région wallonne. Par conséquent, cette loi est accessible et prévisible.  

But légitime  

Ensuite, l’article 9 de la Convention énumère les différents buts légitimes d’ingérence.  Dans ce cas, il s’agit de déterminer si la protection du bien-être animal peut être considérée comme l’un de ces buts légitimes.  

Bien que la Convention ne mentionne pas explicitement la protection du bien-être animal comme but légitime, la CEDH a reconnu que la protection des animaux est une question d’intérêt général protégée par la Convention. La Cour admet que la prévention de la souffrance animale peut justifier une restriction à la liberté de religion au nom de la protection de la morale. La Cour estime que la notion de « morale publique » ne se limite pas à la protection de la dignité humaine, mais englobe également le bien-être animal. Elle souligne que la Convention doit être interprétée à la lumière des conditions de vie actuelles et des valeurs contemporaines, et que la protection du bien-être animal est devenue une préoccupation croissante dans les sociétés démocratiques. Ainsi, la Cour reconnaît que la protection du bien-être animal peut être un objectif légitime au sens de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme.  

Nécessité dans une société démocratique 

La nécessité dans une société démocratique exige que toute restriction des droits fondamentaux, y compris la liberté religieuse, soit justifiée par des motifs impérieux et proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis par les autorités. 

Concernant l’ingérence dans la liberté de religion, l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme garantit le droit à la liberté de religion, mais reconnaît que cet exercice peut être soumis à certaines limitations pour des motifs légitimes tels que la protection des droits et libertés d’autrui, la sécurité publique, l’ordre public, la santé publique ou la morale publique. Cependant, toute ingérence dans cet exercice doit être nécessaire dans une société démocratique, c’est-à-dire qu’elle doit répondre à un besoin social impérieux et être proportionnée au but légitime poursuivi. 

Marge d’appréciation des autorités nationales  

Les autorités nationales disposent d’une marge d’appréciation pour évaluer les besoins et contextes locaux, en particulier dans les questions de politique générale et les rapports entre l’État et les religions. Cela signifie que les tribunaux internationaux, tels que la CEDH, accordent généralement une certaine déférence aux décisions des autorités nationales, sauf en cas de violation flagrante des droits garantis par la Convention. 

Dans le cas d’espèce, la protection du bien-être animal est présentée comme un objectif légitime relevant de la « morale publique », qui peut justifier une restriction à la liberté de religion. Les législateurs ont cherché à trouver un équilibre entre la protection du bien-être animal et la liberté de pratiquer sa religion, en introduisant des mesures alternatives telles que l’étourdissement réversible pour l’abattage rituel.    

Discrimination 

En ce qui concerne la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, la Cour analyse les trois arguments des requérants : 

La situation des pratiquants juifs et musulmans souhaitant consommer de la viande issue de l’abattage rituel diffère de celle des chasseurs et pêcheurs qui tuent des animaux. La Cour considère que le contexte de mise à mort est significativement différent.  

Les requérants avaient également soutenu que le décret ne prend pas en compte les différences religieuses entre les pratiques rituelles juives et islamiques, ce qui néglige leurs particularités distinctes. La Cour européenne des droits de l’Homme, tout comme la Cour constitutionnelle belge, estime que la différence entre les préceptes alimentaires des communautés juive et musulmane ne justifie pas une considération distincte des croyants de ces religions par rapport à la mesure contestée en termes de liberté religieuse. 

Contrairement aux allégations des requérants concernant la discrimination injustifiée où ceux-ci allèguent que les croyants juifs et islamiques sont traités de manière similaire à ceux qui n’ont pas de préceptes religieux spécifiques en matière alimentaire, sans justification raisonnable, la Cour constate, avec le gouvernement belge, que les pratiquants juifs et musulmans ne sont pas traités de la même manière que ceux qui ne suivent pas de préceptes alimentaires religieux. En effet, les décrets contestés prévoient une méthode alternative d’étourdissement lorsque la mise à mort se fait selon des rituels religieux spécifiques, garantissant que l’animal ne soit pas tué par ce processus. 

Conclusion  

Après avoir examiné attentivement les mesures adoptées par les autorités nationales belges, au regard des différents arguments invoqués par les requérants, la Cour européenne des droits de l’Homme conclut que ces mesures ne dépassent pas la marge d’appréciation accordée aux États membres. En conséquence, il n’y a pas violation de l’article 9 ni de l’article 14 de la Convention dans ce cas spécifique.

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Un propriétaire se voit condamné par la Région bruxelloise en raison de l’inoccupation de son bien

Le Soir, 8 novembre 2023

Le 8 novembre 2023, un propriétaire a été condamné en raison de l'inoccupation de son bien immobilier. Après avoir ignoré un avertissement de la Région de Bruxelles-Capitale, la décision de condamnation a été prise par les autorités régionales. La secrétaire d'État Nawal Ben Hamou a exprimé son soutien face à cette mesure, soulignant ainsi l'importance de répondre aux avertissements officiels dans le cadre des régulations immobilières en vigueur.

Lucia Naredo et Emmanuelle Galassi, étudiantes en droit à l’UCLouvain et à l’UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles, sous la supervision de Nicolas Bernard, professeur à l’UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles, le 15 avril 2024.

En période où les logements se font rares, la secrétaire d’État Nawal Ben Hamou (PS) entend lutter contre les logements inoccupés. Le principal objectif est de remettre des biens sur le marché de la vente ou de la location afin de donner à toutes les personnes la chance de s’en procurer un. Parmi les instruments juridiques à disposition, existe une action en cessation (art. 23 du Code bruxellois du logement), c’est-à-dire une procédure judiciaire qui permet de faire cesser une infraction nuisant aux intérêts communs et, pour les biens inoccupés, de contraindre le propriétaire à mettre fin à la vacance de son logement. L’infraction immobilière peut ainsi cesser, par exemple, lorsque le propriétaire a repris l’occupation de son bien, l’a vendu ou l’a mis en location. Il est intéressant de préciser qu’une des particularités de l’action en cessation est qu’elle peut être lancée par une association. En effet, les associations visées à l’article 134 dudit Code, qui ont pour objectif la défense du droit au logement, peuvent accomplir des missions telles que fixées dans le Code bruxellois du logement. Une autre particularité de l’action en cessation est que le juge peut assortir sa condamnation d’une astreinte.  

Cette action est prévue depuis 2009 dans le Code bruxellois du logement, mais, peu de condamnations ont été prononcées jusqu’à présent. La condamnation récente d’un propriétaire mérite dès lors qu’on se penche sur la problématique de l’inoccupation immobilière.  

Qu’est-ce que l’inoccupation immobilière et à partir de quand y a-t-il infraction ? 

L’interdiction de l’inoccupation immobilière en droit belge, comme dans d’autres pays, trouve son origine dans la volonté de lutter contre la pénurie de logements et d’encourager l’utilisation efficace des biens immobiliers. L’inoccupation immobilière est néfaste tant pour des raisons sociales qu’économiques. Des mesures législatives et réglementaires ont dès lors été introduites pour prévenir et réduire le nombre de vacances immobilières, favorisant ainsi une meilleure utilisation des ressources immobilières.  

La compétence du logement a été régionalisée. Il appartient de ce fait aux autorités régionales de légiférer en la matière. Pour la Région de Bruxelles-Capitale, c’est le gouvernement bruxellois qui met en place les mesures relatives à l’inoccupation immobilière. 

Au sens de l’article 19/2 du Code bruxellois du logement, un logement inoccupé est “l’immeuble qui n’est pas occupé conformément à sa destination en logement depuis plus de douze mois consécutifs”. Le Code nous précise donc que pour que les services publics puissent agir, l’inoccupation doit durer au minimum douze mois de manière consécutive. L’infraction immobilière démarre de ce fait à partir de la fin du douzième mois d’inoccupation. 

L’article 19/3 du Code bruxellois du logement nous donne les critères de présomption d’inoccupation, à savoir les logements : 1° qui ne font l’objet d’aucun titre de résidence principale ; 2° ou aucun bail d’habitation n’a été enregistré ; 3° qui ne disposent pas du mobilier indispensable à son occupation ; 4° ou la consommation d’eau et d’électricité sont inférieur à une certaine valeur par an ; 5° qui ne peuvent pas être mis en location depuis plus de douze mois ; 6° déclarés inhabitables depuis plus de douze mois ; 7° ayant fait l’objet d’un procès-verbal d’infraction urbanistique suite à une modification illicite de la destination. 

Comment se déroule la constatation de l’infraction ?  

Selon l’article 20 du Code bruxellois du logement, il y a quatre étapes pour qu’un propriétaire soit considéré en infraction. 

Tout d’abord, le propriétaire sera confronté à la constatation de l’inoccupation, où un agent du Service régional des logements inoccupés repère les infractions après une plainte ou de sa propre initiative. Il est important de noter que ces agents doivent respecter des plages horaires spécifiques, entre 8 heures et 20 heures, et prévenir les propriétaires avant leur visite.  

Une fois l’infraction présumée constatée par procès-verbal, le Service régional des logements inoccupés envoie un avertissement au propriétaire. Si après 12 mois, le logement est toujours inoccupé, la Région bruxelloise informe les propriétaires qu’ils sont en infraction. Le propriétaire du logement inoccupé dispose de 3 mois pour la contester, à partir de l’envoi de l’avertissement. Le propriétaire peut ainsi indiquer que le bien n’était pas inoccupé ou que l’inoccupation était justifiée pour des raisons indépendantes de sa volonté ou pour un cas de force majeure, voire pour des raisons liées à la réalisation de gros travaux. En résumé, lorsqu’un propriétaire a un bien qui reste inoccupé plus de 12 mois, il ne sera pas d’office sanctionné. Il a toujours la possibilité de démontrer qu’il y avait de bonnes raisons que son bien immobilier soit inoccupé. Dans ce cas-là, l’action en cessation prendra fin n’ayant plus d’objet. Néanmoins, si après le délai de 3 mois, le propriétaire n’a pas contesté l’infraction qu’on lui reproche, il se verra imposer une amende administrative. Une fois l’amende envoyée, le propriétaire peut dans un délai de 30 jours, introduire un recours. Le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué à cette fin devra, dans un délai de trente jours à dater de la réception du recours, se prononcer sur l’inoccupation et l’imposition d’une amende. Si aucune décision n’est prise, l’amende ne pourra pas être imposée.    

Une fois l’amende imposée, le service régional des logements inoccupés contrôle la situation du logement jusqu’à son occupation. De ce fait, une fois l’occupation constatée, l’infraction cesse. 

Quelques chiffres  

Le nombre d’habitations inoccupées est difficile à chiffrer mais certains estiment qu’il existe environ vingt mille logements inoccupés en Région bruxelloise. D’après une recherche de la VUB et de l’ULB, entre 17 000 et 26 000 propriétés seraient inoccupées. Il s’agit d’estimations car l’administration régionale n’a pas encore vérifié ces chiffres.  

La ministre du Logement Nawal Ben Habou avait mandaté en 2021 des chercheurs de l’ULB et de la VUB pour cibler la vacance immobilière. Trois ans plus tard, après avoir vérifié les données sur le terrain, les résultats sont là. On estime en 2024 qu’en Région bruxelloise 4 500 logements sont vacants sur le marché immobilier et ainsi en infraction. Cette estimation sera réévaluée dans cinq ans.   

En date du 30 octobre 2023, sur les dossiers ouverts pour logements inoccupés en Région de Bruxelles-Capitale, 214 propriétaires ont fait l’objet d’une amende administrative à la suite d’un avertissement de la Région bruxelloise, auquel ils n’ont pas répondu. De ces 214 propriétaires ayant fait l’objet d’une amende, nous n’avons pas trouvé d’informations sur le nombre de propriétaires qui ont été condamnés.    

Ces infractions semblent de plus en plus fréquentes alors que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale avait comme objectif, durant cette législature, de lutter contre les inoccupations immobilières. De plus, celui-ci prévoyait une meilleure identification des logements inoccupés afin de mieux pouvoir agir. La condamnation suite à la vacance immobilière est donc importante car pour la première fois, la Région bruxelloise elle-même a introduit l’action (et non plus uniquement une association ou une commune), ce qui laisse espérer une montée en puissance de l’outil. Toutefois, notons que l’action en cessation n’épuise pas la gamme des outils de lutte contre la vacance des logements inoccupés.  

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Maisons de détention : une alternative aux prisons?

La Libre, le 13 novembre 2023

Après la Flandre et Bruxelles, place à la Wallonie ! C’est à Jemeppe-sur-Sambre en province de Namur et à Grivegnée à Liège que seront construites les deux prochaines maisons de détention. Celles-ci s'ajouteront aux deux maisons de détention déjà actives à Forest et à Courtrai et les cinq autres prévues en Flandre.

Léa Sessa, étudiante en droit à l'UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeur à l'UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 11 avril 2024.

L’implantation de maisons de détention est un phénomène de plus en plus répandu en Belgique. En tout, sept nouvelles maisons devraient ouvrir leurs portes en plus des deux maisons déjà actives à Forest et à Courtrai. Mais quelle est leur origine ?  Qu’est-ce qu’une maison de détention concrètement ? Et quelle différence avec la prison et les maisons de transition ? 

Quelle est leur origine ? 

Avant 2022, les personnes condamnées à une peine de moins de trois ans ne l’exécutaient généralement pas dans un établissement pénitentiaire. Les condamnés bénéficiaient le plus souvent d’une libération provisoire sans conditions, entrainant de l’insécurité tant chez les victimes que chez les condamnés. En effet, selon l’ancien ministre de la Justice, les victimes voyaient les condamnés échapper à l’exécution de leur peine pouvant amener ceux-ci à continuer à commettre des délits jusqu’à ce que l’ensemble de leurs peines non-exécutées dépasse trois ans. Depuis le 1er septembre 2023, les peines de prison inférieures à trois ans sont systématiquement exécutées, ce qui n’a pas amélioré la situation des prisons, surpeuplées depuis des années, faisant de la Belgique le 4e pays d’Europe avec la surpopulation carcérale la plus élevée. Avec la création des maisons de détention, l’objectif est de remédier à la surpopulation carcérale et, sur le long terme, de remplacer les prisons par des maisons de détention, outre l’élargissement des peines alternatives. 

Qu’est-ce qu’une maison de détention ?  

Une maison de détention est un établissement permettant d’accompagner des personnes condamnées à de courtes peines de prison, afin de faciliter leur réinsertion dans la société. Ces maisons sont des établissements implantés en zone urbaine, permettant d’accueillir 20 à 60 personnes, qui recevront un accompagnement personnalisé dans le but de faciliter la recherche d’un travail et de retrouver une place active dans la société, tout en diminuant les risques de récidive.  

Qui peut intégrer une maison de détention ? 

Pour intégrer une maison de détention, une stricte sélection est faite par la directrice et le service psychosocial de l’administration pénitentiaire. Cette sélection est limitée aux personnes condamnées à une peine de prison de moins de trois ans, présentant un faible risque de sécurité. Les auteurs de terrorisme et les délinquants sexuels en sont exclus. Les critères pris en compte concernent tant la durée et la nature de la condamnation, que l’état psychologique du potentiel résident. La personnalité de l’auteur, sa dépendance à des substances toxiques, sa nature violente, … peuvent constituer de potentielles clauses d’exclusion pour le service psychosocial. Enfin, le détenu doit marquer son accord et présenter une volonté d’intégrer la maison de détention, les places étant limitées. Si un résident ne s’adapte pas, ne réalise pas d’efforts pour favoriser sa réinsertion ou se comporte mal, celui-ci sera renvoyé en prison 

Quelle est la différence avec une prison ? 

Comme mentionné plus haut, une maison de détention est d’avantage axée sur la dimension de réinsertion que sur la répression. Bien que les détenus, ou plutôt les “résidents”, disposent d’une certaine autonomie, des règles similaires à celles des prisons encadrent ces maisons de détention. Les résidents ne peuvent pas sortir sans autorisation et restent suivis et contrôlés régulièrement. En dehors des déplacements au sein de la maison, les déplacements à l’extérieur restent limités à des conditions très strictes.  

Cependant, les résidents peuvent demander une autorisation de sortie afin de déposer des curriculums vitae ou se rendre à un rendez-vous en vue de préparer leur sortie. L’accent est également mis sur l’autonomie, les résidents sont ainsi tenus de faire les tâches ménagères comme la cuisine ou le nettoyage. Les portes des chambres restent ouvertes une grande partie de la journée et les résidents peuvent se déplacer librement au sein de la maison.  

Les résidents sont suivis personnellement et quotidiennement par des accompagnateurs de détention. Un des points primordiaux de la relation résident-accompagnateur est la confiance et la bonne entente, qui favorise l’évolution dans un environnement sain. Les accompagnateurs sont également habillés en civil comme les résidents, contrairement aux agents de surveillance des prisons qui sont en uniforme. L’équipe d’accompagnateurs est composée d’une direction, d’un personnel administratif et médical assurant un suivi en continu.   

A ne pas confondre avec une maison de transition ! 

Bien que les deux termes soient assez semblables, il est important de ne pas confondre maison de détention et maison de transition, car celles-ci ne poursuivent pas le même objectif. 

Introduite par la loi du 11 juillet 2018, la maison de transition est définie à l’article 9/2 §1 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté. Le placement d’un détenu dans une maison de transition est une modalité d’exécution de la peine privative de liberté qui doit répondre à certaines conditions énoncées à l’article 9/3 de cette même loi. L’objectif des maisons de transition semble, de premier abord, assez similaire aux maisons de détention : permettre aux détenus de retrouver leur place dans la société en leur octroyant une autonomie progressive, en les accompagnant dans la recherche d’un emploi, … Mais quelle est la différence ? Alors que les maisons de détention accueillent les personnes condamnées à de courtes peines de prison (moins de trois ans), les maisons de transition accueillent, quant à elles, des détenus séjournant en prison et qui y sont transférés afin d’y purger la fin de leur peine. 

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De la poursuite à la tragédie : l’affaire Ouassim et Sabrina et le débat sur la proportionnalité  

Le Soir, le 5 décembre 2023

Plus de cinq ans après l’accident, la justice s’est penchée sur l’Affaire « Ouassim et Sabrina ». En décembre dernier, les trois policiers concernés ont comparu devant le tribunal de police de Bruxelles qui les a condamnés pour homicide involontaire à des peines d’emprisonnement, considérant que les actes qu’ils ont posés et qui ont entrainé la mort des deux jeunes, ne respectaient pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Emilie Dabire et Aubane Lekime, étudiantes en droit à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, le 11 avril 2024.

Chronologie d’une poursuite fatale  

Durant la soirée du 9 mai 2017, un jeune couple est décédé à la suite d’une course-poursuite avec la police. Ouassim Toumi conduisait une moto sur laquelle sa compagne, Sabrina El Bakkali, était passagère. Constatant que ces derniers ne portaient pas les équipements adéquats et que la moto roulait trop vite, deux policiers ont tenté de les interpeller, en vain. Face à ce refus d’obtempérer, les agents se sont lancés dans une course-poursuite atteignant une vitesse de 141 km/h. Un de leurs collègues a décidé de leur prêter main forte en positionnant son véhicule à la sortie d’un tunnel au moment où la moto s’apprêtait à passer. Les deux véhicules sont entrés en collision, entraînant le décès immédiat de Ouassim Toumi. Sa compagne, quant à elle, a été emmenée à l’hôpital mais a succombé à ses blessures par la suite.  

De nombreuses personnes, en particulier les familles des deux victimes, ont considéré que le comportement des policiers avait été excessif, qu’ils avaient agi de manière disproportionnée, et que leur intervention n’était pas conforme à la loi. La question de la proportionnalité a été largement débattue tout au long du procès, lequel a débuté le 7 novembre dernier. Le 5 décembre 2023, le jugement a été prononcé. Les lignes qui suivent tentent de résumer ce jugement extrêmement motivé (110 pages), en se penchant plus explicitement sur les critères légaux n’ayant pas été respectés par les policiers, sur leur responsabilité et leur condamnation. 

Entre devoir et excès : analyse des interventions policières  

Le critère de légalité

Le critère de légalité consiste à évaluer si l’objectif poursuivi est conforme à la loi. Dans le cas présent, l’objectif est jugé conforme au critère de légalité, comme le souligne la juge, puisqu’en vertu du Code de la route, la constatation d’infractions autorise la police à effectuer un contrôle du véhicule ainsi que du conducteur et du passager. En effet, les inspecteurs ont procédé à un contrôle en raison de la vitesse inappropriée, de l’absence d’équipement adéquat de la part des deux individus sur la moto, et en raison du manque “d’indicateur de direction” lors d’un virage, comme le précise le procès-verbal des inspecteurs de police. Ces éléments constituent effectivement des infractions au Code de la route. Par conséquent, le critère de légalité est rempli en l’espèce. 

Le critère de subsidiarité

Le critère de subsidiarité évalue si une alternative moins risquée et moins préjudiciable existe pour parvenir au même résultat.  Selon le Manuel “Poursuite et Interception” du Comité P, ce critère est à prendre en compte avant l’entame d’une course poursuite. A titre informatif, le Comité P, ou plus précisément le Comité Permanent de contrôle des services de police, joue le rôle d’organe de contrôle externe des “services de polices” en Belgique.  

Dans le cas présent, le numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule a été enregistré et son propriétaire identifié dès le début de la poursuite. Ces informations cruciales d’identification auraient dû permettre d’adopter une approche moins intrusive et moins dangereuse pour atteindre l’objectif visé, notamment par la rédaction d’un procès-verbal et la réalisation d’une enquête ultérieure, incluant la convocation du propriétaire de la plaque pour une audition en vue d’identifier le conducteur et le passager. 

Dans la mesure où une alternative moins dangereuse était envisageable pour parvenir au même résultat, le critère de subsidiarité n’a pas été rempli selon le tribunal de police. 

Le critère de proportionnalité 

Le principe de proportionnalité joue un rôle central dans l’analyse juridique lorsqu’il est question d’évaluer la “licéité d’une action ou d’une abstention” au regard des normes qui protègent les droits et libertés.  

Cette notion a été au cœur de l’affaire Ouassim et Sabrina, où le tribunal de police a considéré l’ampleur des conséquences d’une course-poursuite engagée par des fonctionnaires de police comme démesurée par rapport à l’infraction commise par le conducteur. Ladite infraction se limitait à un port de chaussures inadaptées à la conduite d’une moto, à une vitesse que les policiers ont qualifiée “de vive allure”, bien que cela n’ait pas été prouvé par des éléments objectifs, et au fait d’avoir omis d’utiliser son clignotant à une seule reprise. 

Le tribunal de police a souligné que diverses options s’offraient aux policiers, suggérant ainsi qu’une démarche plus rationnelle aurait pu être envisagée par ceux-ci. En effet, il appartient aux services de police de faire un choix “qui ne défie pas la raison”. 

En l’espèce, il apparaît que l’exigence du caractère raisonnable, fondamentale au principe de proportionnalité, n’a pas été respectée.  

Selon le jugement, les directives préconisées par le Manuel “Poursuite et Interception de véhicules” du Comité P mettent en avant une approche mesurée, préconisant une évaluation intelligente des avantages et des risques avant toute intervention.   

Les moyens de contrainte employés sont-ils raisonnables et proportionnels ?  

La circulaire du ministre de l’Intérieur du 2 février 1993 rappelle que l’usage de la force doit être précédé d’un examen de trois critères (fondamentaux) : sa légalité, sa nécessité et sa proportionnalité, mettant en avant l’importance de considérer des alternatives moins contraignantes.  

En l’occurrence, les infractions initiales mineures impliquant une moto et non une voiture, et la présence d’une passagère, soulignent davantage le manque de proportionnalité de la réaction policière. D’autant plus que la plaque d’immatriculation avait été relevée, offrant la possibilité d’une intervention ultérieure moins périlleuse, comme expliqué supra (cfr. critère de subsidiarité). La course-poursuite a non seulement mis en danger les agents impliqués, mais également les autres usagers de la route, révélant un défaut d’appréciation dans le respect du principe de proportionnalité tel que prévu par l’article 37 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police (LFP), tel qu’interprété par la jurisprudence.  

Quand la justice parle : retour sur les responsabilités et la condamnation                  

Entre éthique et légalité : qui porte le poids de la faute ?   

Les articles 418 à 420 du Code pénal sanctionnent celui qui par défaut de prévoyance ou de précaution aura causé un homicide. Au vu des préventions sur lesquelles les policiers ont été jugés, c’est à l’article 418 du Code pénal qu’il fallait s’en remettre pour savoir si leur responsabilité pénale était engagée ou non. Cet article requiert trois conditions : une faute, un dommage consistant en un homicide ou des coups et blessures, et un lien de causalité entre la faute et le dommage. 

Le juge a le pouvoir d’apprécier la faute in concreto, c’est-à-dire au cas par cas. Celui-ci doit donc analyser si les auteurs de cette faute ont enfreint la loi ou un devoir général de prudence et de précaution.  Pour ce faire, il doit se demander si une personne normalement prudente et diligente exerçant la même fonction et ayant le même degré de qualification que les auteurs du dommage aurait agi de la même manière que ces derniers, tout en tenant compte des circonstances concrètes. 

Dans le cadre de l’affaire Ouassim et Sabrina, le tribunal s’est notamment référé aux règles de l’art en matière policière et aux principes que les policiers doivent respecter. Certains d’entre eux figurent dans des documents du Comité P. Dans un de ses rapports d’enquête, ce dernier mentionne, tout d’abord, le fait que “lors d’une poursuite, le principe général est le suivant : ne jamais poursuivre à tout prix, mais se limiter à suivre la voiture de façon intelligente. Il faut évaluer l’équilibre entre le but recherché d’une part et les risques de la poursuite d’autre part. Les intervenants doivent être conscients des conséquences de cette situation stressante provoquant une poussée d’adrénaline qui risque de modifier la vision du tunnel et la perception des distances, … Quand les risques deviennent trop élevés il faut arrêter la poursuite, sinon le policier peut être appelé à se justifier”. 

Ensuite, le Comité P précise qu’une poursuite doit être une solution de dernier recours dans des circonstances exceptionnelles car “les risques sont souvent trop élevés et les conséquences disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi par l’intervention policière” et qu’elle ne doit pas constituer une plus grande menace pour la sécurité des personnes que le comportement de la personne poursuivie.  

Dans son rapport, le Comité P ajoute également que pour entamer une course-poursuite d’un véhicule suspect, il faut être vigilant, préparé (en ayant une bonne formation) et juger adéquatement la situation en évaluant les risques et en ne mettant pas en péril la vie ou la sécurité de personnes. Cette évaluation des risques doit se faire en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction commise ou du comportement adopté et de la nécessité d’intercepter la personne, des conditions climatiques et routières, de la présence de piétons, de la densité de circulation et de l’existence de zones à risques, de la présence de passagers à bord du véhicule suspect et des caractéristiques des deux véhicules impliqués.  En outre, le Comité P note que la tentative d’échapper à une arrestation ne constitue pas un facteur pour déterminer la gravité du crime ou la nécessité d’une arrestation immédiate.  

Enfin, le tribunal a également dû se référer à la loi sur la fonction de police et plus particulièrement aux articles 1 et 37 dont les critères ont été analysés précédemment.  

Les trois conditions étant remplies, les policiers ont tous été tenus pénalement responsables. Ils ont tenté d’y échapper en invoquant le fait qu’ils n’avaient jamais été formés sur la poursuite des véhicules. Le tribunal a toutefois estimé que “l’absence de formation spécifique en la matière ne saurait constituer une cause de justification”, notamment car la formation initiale des policiers inclut à la fois un module sur la loi sur la fonction de police et un module sur la gestion de la violence, incluant l’interception des véhicules.   

Cette responsabilité pénale se matérialise par leur condamnation. 

Il découle de cette responsabilité pénale une responsabilité civile, laquelle se matérialise par la condamnation de l’assureur des véhicules de police à payer une somme d’argent à certains membres de la famille Toumi en guise de réparation des dommages moraux desquels ils ont été victimes. Toutefois, cette réparation n’est pas intégrale, car le tribunal a estimé la responsabilité civile des policiers à seulement 40%, tandis que Ouassim Toumi a été considéré responsable à 60%. En effet, lorsqu’une victime a elle-même commis une faute qui a contribué à son propre dommage, le juge peut opter pour un partage de responsabilité. 

Et la condamnation alors ? 

Alors qu’il est très rare que des policiers soient poursuivis et condamnés dans ce type de dossier, les trois inspecteurs ont été déclarés coupables d’homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution avec la circonstance que la mort est une conséquence d’un accident de la circulation. En vertu des articles 418 et 419 du Code pénal, l’inspecteur qui avait positionné son véhicule à la sortie du tunnel a été condamné à 10 mois d’emprisonnement, dont la moitié avec sursis. Le conducteur de la voiture qui a initié la course-poursuite a, quant à lui, été condamné à 8 mois d’emprisonnement, dont la moitié avec sursis et son coéquipier à 5 mois d’emprisonnement dont la moitié avec sursis. Ils ont, par ailleurs, tous été condamnés à payer une amende assortie d’un sursis de trois ans. Le sursis assorti à leurs peines respectives se justifie par le fait qu’aucun d’entre eux n’a d’antécédents judiciaires.  

Face à cette décision, plus de 300 policiers ont décidé de manifester devant le palais de justice quelques jours après que le jugement ait été prononcé car ils ont le sentiment que celui-ci est injuste. De plus, la défense et le parquet ont interjeté appel.  

Les familles des victimes, et de manière plus générale les personnes qui luttent contre les violences policières, considèrent, quant à elles, que ce jugement est positif en raison de sa valeur symbolique même si les peines sont jugées minimes par rapport aux faits commis par les policiers (sachant que les peines prévues par la loi peuvent atteindre 5 ans d’emprisonnement et 2000 euros d’amende). 

Ce jugement n’inaugure pas pour autant une nouvelle orientation jurisprudentielle étant donné l’affaire Adil qui marque un réel contraste avec l’affaire Ouassim et Sabrina. En effet, dans cette affaire, la chambre du conseil a prononcé un non-lieu, à savoir qu’elle a décidé de ne pas renvoyer l’affaire devant le tribunal de police, pour un débat au fond. L’avocat de la famille a annoncé son intention d’interjeter appel de cette décision. 

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Cessez-le feu à Gaza : nouveau véto américain à l’ONU, l’opportunité d’un rappel des règles en la matière

Le Courrier international, 21 février 2024

Au Conseil de sécurité de l’ONU, le mardi 20 février 2024, les États-Unis ont opposé leur véto à un projet de résolution présenté par l’Algérie et réclamant un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza. C’est la troisième fois qu'ils bloquent une résolution similaire depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas. La situation humanitaire à Gaza reste catastrophique, avec près d'un million et demi de palestiniens massés dans la ville de Rafah, laquelle est menacée d'assaut par Israël. Malgré les appels à l’action par la communauté internationale, les États-Unis ont refusé de soutenir une résolution immédiate en faveur du cessez-le-feu, préférant proposer un texte alternatif. Mais quel est le rôle du Conseil de sécurité des Nations Unies ? En quoi consiste précisément ce droit de véto dont les Américains disposent ?

Bastien Henry de Frahan, étudiant en droit à l’Université UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeur à l’UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 6 avril 2024.

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU : 

Le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) est un des organes majeurs de l’ONU. Créé par la Charte des Nations unies, il est investi de la mission cruciale du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Il est composé de quinze membres, cinq permanents bénéficiant du droit de véto – à savoir la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie – et dix membres non permanents élus par l’Assemblée Générale pour des mandats de deux ans. Ce Conseil se réunit au quartier général des Nations unies à New-York, et siège de manière permanente afin de faire face à toute menace qui pourrait compromettre la stabilité mondiale. Ce maintien de la paix internationale fait partie des quatre objectifs fondamentaux de l’ONU énoncés à l’article premier de la Charte des Nations unies. 

Tous les membres de l’ONU (193 pays) se sont engagés à respecter et à appliquer les décisions du Conseil de sécurité. Contrairement à d’autres organes de l’ONU qui formulent des recommandations, le Conseil de sécurité est le seul organe autorisé à prendre des décisions contraignantes pour les États membres. Ces décisions, appelées résolutions, sont considérées comme juridiquement contraignantes en vertu de l’article 25 de la Charte des Nations unies. Lorsque des conflits émergent, le Conseil de sécurité s’efforce d’abord de favoriser des solutions pacifiques en encourageant le dialogue entre les parties concernées. En cas d’escalade des hostilités, il peut intervenir en ordonnant des cessez-le-feu, en déployant des forces de maintien de la paix (casques bleus) ou encore en imposant des sanctions économiques. 

Tout au long de son action, le Conseil de sécurité cherche à cibler les responsables des politiques contraires aux normes internationales tout en préservant les populations civiles et les secteurs économiques innocents. Son rôle et ses pouvoirs sont définis en détail dans différents articles de la Charte des Nations unies. 

VOTE ET DROIT DE VÉTO 

Comme écrit ci-dessus, le Conseil de sécurité de l’ONU peut prendre des décisions obligatoires et contraignantes pour ses États membres. Un exemple concret de résolution qui pourrait être adoptée en cas de conflit est l’imposition d’un « cessez-le-feu ». Le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte alors des résolutions avec une majorité de 9 voix sur 15, intégrant celles des membres permanents. On parle de vote affirmatif, vote classique avec une décision adoptée à la majorité des suffrages. 

Cependant, l’article 27 de la Charte des Nations unies prévoit aussi que seuls les 5 membres permanents bénéficient d’un droit de vote particulier : le droit de veto. Il suffit qu’un seul membre permanent émette un vote négatif - droit de véto – pour qu’un projet de résolution soit rejeté.  

Même si un membre permanent exerce son droit de véto en émettant un vote négatif seul contre tous les autres membres, permanents ou non, le projet de résolution ne sera pas adopté.  

Le 20 février dernier, dans le contexte actuel du conflit Israélo-Palestinien, l’Algérie a présenté au Conseil de Sécurité un projet de résolution demandant un « cessez-le-feu humanitaire immédiat qui doit être respecté par toutes les parties ». Ce projet a reçu le soutien de 13 membres du Conseil de Sécurité (sur les 15 membres qui le composent), avec une abstention du Royaume-Uni et un vote “contre” des États-Unis, tous deux membres permanents. Bien que la majorité des 15 États membres du Conseil de sécurité aient approuvé ledit projet de résolution, les États-Unis ont empêché son adoption exerçant leur droit de véto. 

Il convient encore de préciser que l’absence ou l’abstention d’un membre permanent lors d’un vote ne constitue pas un vote négatif et n’empêche donc pas l’adoption d’une résolution. Cela s’est notamment produit le lundi 25 mars 2024, lorsque la résolution 2728 a été votée au Conseil de sécurité de l’ONU .  Elle stipule un cessez-le-feu entre Israël et le groupe islamiste palestinien Hamas, avec des conditions spécifiques pour le mois de Ramadan. La résolution a été approuvée par 14 membres du Conseil de sécurité des Nations unies, sans opposition, tandis que les États-Unis se sont abstenus. La résolution a donc été valablement approuvée. De plus, le droit de véto ne peut pas porter sur des questions de procédure : il ne peut donc pas être utilisé pour empêcher qu’un projet de résolution soit examiné par le Conseil.  

En conclusion, le droit de véto représente pour les cinq États membres permanents un “mécanisme de blocage” au sein du Conseil de sécurité, empêchant toute intervention qui serait contraire à leurs intérêts propres. La puissance de ce droit de véto est donc considérable, mais sa légitimité fait tout de même face à de nombreuses critiques. 

LA LÉGITIMITÉ DU DROIT DE VÉTO FACE AUX CRITIQUES 

L’exercice du droit de véto au sein du Conseil de sécurité des Nations unies fait l’objet de controverses qui suscitent de nombreux débats depuis la création de l’Organisation en 1945. Voici quelques critiques fréquemment soulevées à l’égard du droit de véto :  

  • Obstruction à l’action collective et anti-démocratique 

Le droit de véto permet à un seul membre permanent du Conseil de sécurité de bloquer tout projet de résolution, même si la majorité des membres, permanents et non permanents de l’ONU le soutient, conduisant à une paralysie du Conseil et à une incapacité à répondre efficacement aux crises internationales : la crédibilité et l’efficacité de l’ONU en tant qu’organe du maintien de la paix sont ainsi compromises. 

Selon Amnesty International, les cinq membres permanents du Conseil ont déjà utilisé leur droit de véto à de multiples reprises pour “promouvoir leur intérêt politique ou leur intérêt géopolitique au-delà de l’intérêt de protéger les civils”.  

  • Inégalité entre les membres du Conseil de Sécurité 

Le fait que seuls cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni) possèdent un droit de véto, est souvent critiqué comme étant une manifestation d’inégalité dans les relations internationales. En effet, ces cinq pays exercent une influence disproportionnée sur les projets de décisions du Conseil, tandis que les autres membres de l’ONU, même s’ils sont élus pour des mandats temporaires, n’ont pas le même pouvoir de décision. D’autant plus qu’aujourd’hui, ces 5 membres permanents ne représentent plus que 30% de la population mondiale.  

Aujourd’hui, certains parlent de réformer le fonctionnement du Conseil de sécurité en ajoutant comme nouveaux membre permanents d’autre pays ayant une réelle influence dans les relations internationales, tels que le Japon, l’Allemagne, l’Inde ou encore le Brésil.  

  • Utilisation abusive du véto 

Les membres permanents du Conseil de Sécurité ont précédemment été accusés d’abuser de leur droit de véto pour protéger leurs intérêts nationaux, et ce, même à l’encontre des objectifs de maintien de la paix et de la sécurité internationale. Par exemple, des pays membres ont souvent utilisé leur véto pour bloquer des projets de résolutions condamnant leurs alliés ou leurs propres actions controversées. 

Rappelons-nous qu’en avril 2017, la Russie s’est opposée à un projet de résolution présenté par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, laquelle demandait une enquête internationale et la coopération de Damas à la suite d’une attaque chimique, à Khan Cheikhoun, attribuée au régime de Bachar al-Assad. La résolution exigeait des détails sur les activités militaires syriennes le jour de l’attaque et un accès aux bases aériennes. Cependant, la Russie, alliée de Bachar el-Assad, a bloqué l’adoption de la résolution, malgré les appels à la justice. 

En conclusion, bien que le droit de véto ait été conçu pour assurer la participation et l’engagement des grandes puissances dans la structure des Nations unies, son exercice est devenu un sujet de préoccupation en raison du pouvoir d’obstruction totale conféré à certains États, pouvant entrainer injustice et inefficacité.  

Les appels à réformer ou à abolir le droit de véto des 5 membres permanents du Conseil sont donc fréquents dans les débats sur la réforme de l’ONU et la gouvernance mondiale.

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« L’Office des étrangers n’a aucune compétence en matière de nationalité et ne peut donner d’ordre aux communes »- Julien Wolsey (avocat au barreau de Bruxelles)  

Bx1, 7 décembre 2023

En décembre 2023, l'Office des étrangers a demandé à plusieurs communes belges de retirer la nationalité belge accordée à des enfants de parents palestiniens nés en Belgique. Cette démarche, justifiée par la volonté de prévenir l'obtention opportuniste de la nationalité, soulève des doutes quant à sa légalité. En effet, l'Office outrepasse ses compétences légales en matière de nationalité. Selon la loi, seul l'officier d'état civil du lieu de naissance est habilité à prendre de telles décisions.

Bruyère Duvieusart-Zimmermann, étudiante en droit, UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain et Diletta Tatti, le 3 avril 2024.

Début décembre 2023, la nouvelle a fait la une de nombreux journaux : plusieurs communes ont reçu des courriers de l’Office des étrangers leur demandant de retirer la nationalité belge octroyée à des enfants nés en Belgique, de parents palestiniens. 

L’Office des étrangers estime, selon les dires de la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor (CD&V), qu’il y aurait trop de familles palestiniennes venant en Belgique afin d’y obtenir la nationalité belge. En effet, la Palestine n’étant pas reconnue comme un État souverain par la Belgique, les enfants naissant sur le territoire obtiennent la nationalité afin qu’ils ne soient pas reconnus apatrides. À cette fin, les femmes de ces familles viendraient accoucher sur le territoire belge afin que leur enfant obtienne la nationalité pour ensuite faire une demande de regroupement familial. 

Afin de lutter contre ce phénomène, l’Office a décidé de mener une enquête concernant une potentielle autre nationalité de ces enfants. Dans plusieurs cas, après recherche, il a conclu que les parents, ayant la nationalité palestinienne, pouvaient également l’obtenir pour leurs enfants par une démarche administrative. L’Office a alors pris la décision d’envoyer un courrier aux communes concernées, indiquant que l’enfant pouvait bénéficier d’une autre nationalité et n’encourait donc plus de risque d’apatridie, et que, de ce fait, la nationalité belge devait être retirée.   

Il est important de rappeler que l’Office des étrangers assure la gestion des flux migratoires en prenant toute décision concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement ou encore l’éloignement. La nationalité n’apparaît pas, tant au niveau de l’attribution qu’au niveau du retrait dans ses compétences. 

Très vite, une question s’est posée : l’Office des étrangers est-il compétent en matière de nationalité ?   

Pour rappel, la Palestine n’est pas officiellement reconnue par la Belgique comme étant un État souverain. De ce fait, la nationalité belge de ces enfants palestiniens est accordée dans le but d’éviter qu’ils ne se retrouvent apatrides.   

La Belgique ayant signé la Convention de New York relative au statut des apatrides de 1961, s’est engagée à lutter contre ce phénomène et à mettre en place des mesures afin de le limiter. Dans ce but, l’article 10 du Code de la nationalité belge définit les critères pour l’attribution de la nationalité belge aux enfants. Selon le paragraphe 1er, un enfant né en Belgique sans autre nationalité avant l’âge de dix-huit ans ou avant son émancipation est belge. Toutefois, s’il peut obtenir une autre nationalité, ses représentants légaux doivent entreprendre des démarches administratives. En cas de doute sur sa nationalité, le procureur du Roi est consulté. Le paragraphe 3 stipule qu’un enfant ayant acquis la nationalité belge la conserve jusqu’à ce qu’il soit établi qu’il possède une autre nationalité avant ses 18 ans ou son émancipation. 

Quelle autorité détient la compétence de retrait de nationalité dans le cas présent ? 

En ce qui concerne la nationalité attribuée selon l’article 10 du Code de la nationalité belge, seul l’officier d’état civil du lieu de naissance est compétent   pour se prononcer sur le retrait de celle-ci, depuis les modifications apportées à ce code en date du 31 décembre 2022.  

Ce dernier peut, en cas de doute, demander l’avis de deux autorités : le ministre de la Justice et le procureur du Roi. Afin de clarifier l’autorité compétente en fonction des situations, le législateur a créé, par la loi du 6 décembre 2022, une autorité centrale en matière de nationalité au sein du Service Public Fédéral Justice. Cette dernière a une compétence générale et légale d’avis, sauf lorsque le Code de la nationalité ou la loi accordent expressément la compétence au procureur du Roi (qu’elle soit obligatoire ou facultative).  

L’Office des étrangers n’a dès lors aucune compétence, de principe ou d’avis, concernant la nationalité. 

Revenons à l’article 10 du Code de la nationalité précité. Il en ressort qu’en “cas de doute sur l’absence de nationalité de l’enfant, l’officier de l’état civil demande l’avis du procureur du Roi”. Le Code ayant expressément prévu la compétence d’avis (non contraignant) du procureur du Roi, aucune autre autorité n’est compétente. 

 L’Office des étrangers est-il donc compétent ?  

Il en ressort une fois de plus que l’Office des étrangers n’est pas compétent pour donner des avis, encore moins des instructions aux autorités communales concernant l’exécution de l’article 10 du Code de la nationalité, et de ce fait dépasse le cadre de ses attributions. De plus, l’Office envoyait ces courriers aux communes dans lesquelles résidaient ces enfants, alors que seul l’officier d’état civil du lieu de naissance est compétent concernant l’article 10 précité. Cette pratique n’est donc pas légale. 

Par ailleurs, la mission palestinienne auprès de l’Union européenne a précisé qu’un enfant, né en Belgique de parents ayant la nationalité palestinienne, n’obtient pas la nationalité de ses parents. Ce dernier ne peut obtenir la nationalité qu’en se rendant dans les territoires palestiniens pour l’inscription au registre de l’état civil.  

Enfin, le Centre fédéral de la migration (M.Y.R.I.A) rappelle dans un communiqué de presse du 21 décembre 2023 que dans l’examen de tels dossiers, une obligation pèse sur l’autorité compétente de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant  . Bien que l’Office précise avoir commencé l’envoi de ces courriers depuis le mois d’août, il convient de relever, compte tenu de la situation actuelle en Palestine, que la prise en compte de l’intérêt de l’enfant est encore plus primordiale. 

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« La Justice française émet un mandat d’arrêt contre Bachar al-Assad »

France 24, 15 novembre 2023

Le 15 novembre 2023, la Justice française a émis un mandat d'arrêt international contre le dirigeant syrien Bachar al-Assad pour complicité de crimes contre l'humanité et pour crimes de guerre, liés à des attaques chimiques en Syrie durant l'été 2013. Ce mandat fait suite à une plainte, déposée en 2021, accusant le président syrien, son frère Maher et deux généraux d'avoir utilisé des armes chimiques interdites à Douma et dans la Ghouta orientale (région en Syrie) en août 2013, provoquant la mort de plus de 1 000 civils.

Le conflit syrien, débuté en 2011, a déjà entraîné la perte de plus de cinq cent mille vies et a complètement fragmenté le pays.

Mais qu’est-ce qu’un mandat d’arrêt international ? Bachar al-Assad peut-il réellement se faire arrêter ?

Bastien Henry de Frahan, étudiant en droit à l’Université UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l’Université UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 21 février 2024. 

LE MANDAT D’ARRET INTERNATIONAL :  

Un mandat d’arrêt international constitue une mesure juridique, émanant d’un pays, sollicitant l’interpellation d’un individu à l’étranger en vue de son extradition vers ledit pays, afin qu’il puisse être jugé pour des infractions pénales graves ou purger une peine de prison. Un mandat d’arrêt international n’est autre qu’une expression qui renvoie dans les faits à une demande d’arrestation et d’extradition classique d’un individu recherché à l’étranger. 

Ce dispositif est habituellement mobilisé dans le contexte de délits majeurs tels que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le terrorisme ou encore la corruption internationale. Lorsqu’un mandat d’arrêt international est émis par un juge d’instruction, il est généralement diffusé par l’intermédiaire d’Interpol, l’organisation internationale de police criminelle, pour faciliter la coopération entre les pays. Les autorités du pays dans lequel la personne visée par le mandat se trouve, peuvent être appelées à arrêter cette personne en vue de son extradition vers le pays émetteur du mandat d’arrêt international. 

Les mandats d’arrêt internationaux sont des instruments importants de la coopération internationale en matière de justice. Ils sont utilisés pour lutter contre l’impunité dans le cas de crimes graves qui transcendent les frontières nationales.  

Cependant, il est important de noter que l’expression « mandat d’arrêt international » peut parfois être trompeuse. Un mandat d’arrêt international n’a pas d’existence propre en terme juridique. En réalité, un mandat d’arrêt international est un mandat d’arrêt national qui n’a de caractère international que parce qu’il fait l’objet d’une diffusion internationale par le biais d’Interpol. Cette diffusion informe les autres États de l’émission dudit mandat, mais elle n’oblige pas ces États à le reconnaître et à lui donner effet sur leur propre territoire. Les États conservent la faculté d’apprécier s’il est approprié de diffuser ce mandat d’arrêt sur leur territoire par le biais de leur système interne de diffusion des demandes d’arrestation. Ainsi, bien que les juges d’instruction d’un état (comme la France) aient la faculté de délivrer des mandats d’arrêt ciblant des individus résidant à l’étranger, il est important de souligner que ces mandats ne revêtent pas automatiquement un caractère international. Leur statut international dépend de la volonté de coopération des autres États impliqués.  

À cette fin, des accords, qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux, rassemblent des États, favorisant ainsi une coopération accrue et une efficacité améliorée en ce qui concerne l’arrestation et l’extradition des individus recherchés à l’étranger. Voici quelques exemples de l’importance de ces accords : 

Enfin, n’oublions pas que la Cour pénale internationale (CPI) peut également émettre de tels mandats d’arrêts afin d’arrêter et de juger des personnes qui auraient commis un crime de droit international humanitaire (tel que le crime de génocide,…). 

MAIS ATTENTION : NE PAS CONFONDRE « MANDAT D’ARRÊT INTERNATIONAL  » ET « MANDAT D’ARRÊT DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE » :  

Comme mentionné précédemment, l’émission de mandats d’arrêt internationaux n’est pas exclusivement réservée aux États. La Cour pénale internationale (CPI) possède également cette compétence. Cependant, il convient de souligner que le mandat d’arrêt international et le mandat d’arrêt de la CPI sont deux instruments juridiques distincts, bien qu’ils soient tous deux liés à la poursuite pénale à l’échelle internationale. 

La CPI émet des mandats d’arrêt dans le cadre de ses propres enquêtes et poursuites en tant qu’organisation internationale indépendante définie par le Statut de Rome. La compétence de la CPI s’étend aux individus accusés de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et éventuellement d’agression, tel que dispose le Chapitre 2 du Statut de Rome en son article 5.  

Les juges de la CPI sont habilités à émettre des mandats d’arrêt à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir commis ces crimes internationaux. Cependant, la CPI ne dispose pas de son propre mécanisme d’exécution, ce qui signifie que seuls les États parties au Statut de Rome peuvent les mettre en œuvre. En cas de recherche de personnes présumées responsables de crimes et non encore appréhendées, la CPI peut émettre des mandats d’arrêt sur la base d’une enquête, sous réserve de l’approbation de la chambre préliminaire compétente. 

Les États membres de la CPI ont alors l’obligation de coopérer dans l’arrestation et la remise des individus visés par ces mandats. Il est important de noter que les mandats d’arrêt de la CPI sont spécifiques aux affaires traitées par cette Cour et ils sont émis conformément au Statut de Rome. 

En résumé, la distinction principale réside dans le fait que le mandat d’arrêt international est émis par un État souverain en vue de solliciter l’extradition du suspect, tandis que le mandat d’arrêt de la CPI est émis par la Cour elle-même dans le cadre de ses propres poursuites pour des crimes relevant de sa compétence. 

MAIS BACHAR AL-ASSAD POURRAIT-IL RÉELLEMENT SE FAIRE ARRÊTER ?  

Suite à notre analyse, il semble extrêmement improbable, voire impossible, que le président syrien Bachar al-Assad soit arrêté par les autorités syriennes ou françaises. 

En réalité, l’absence de toute convention entre la France et la Syrie concernant une éventuelle procédure d’arrestation ou d’extradition rend cette perspective encore moins envisageable. De surcroît, en tant que président de la Syrie et chef d’État, Bachar al-Assad bénéficie d’une immunité au sein de l’ordre juridique interne de son pays. Par conséquent, il semble peu probable que la police ou l’armée syrienne agissent pour arrêter leur chef. 

En ce qui concerne la Cour pénale internationale, il est à souligner que jusqu’à présent, aucun mandat d’arrêt n’a été émis par celle-ci à l’encontre du président syrien Bachar al-Assad. Toutefois, un tel mandat constituerait un atout significatif : contrairement aux États, la CPI a le pouvoir de poursuivre un chef d’État en fonction. Conformément à l’article 27 du Statut de Rome, la qualité de chef d’État ne confère aucune immunité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour, comme l’illustre la poursuite précédente d’un chef d’État en exercice, M. Omar El-Béchir, alors président du Soudan. 

Mais la tâche semble complexe. La Cour peut se saisir d’une affaire de deux manières : Premièrement, les crimes ont été commis par un ressortissant d’un État partie, ou sur le territoire d’un État partie ou d’un État qui a accepté autrement la compétence de la Cour. Ce n’est pas le cas ici, la Syrie ne figurant pas parmi les 123 États qui ont ratifié le Statut de Rome. Elle n’accorde donc aucune validité aux injonctions de la CPI. 

La deuxième manière, certainement la plus intéressante, est celle où la Cour pourrait se saisir de l’affaire malgré le fait que la Syrie n’ait pas adhéré au Statut de Rome. La Cour pénale internationale, chargée de juger les crimes les plus graves, pourrait être saisie pour les crimes commis en Syrie par le biais d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU (chapitre VII de la Charte des Nations Unies). Cependant, cette voie est bloquée car la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, dispose d’un droit de veto et l’utilise souvent, notamment concernant la Syrie. En raison du refus de la Syrie de reconnaître la CPI, une saisine par le Conseil de sécurité serait la seule option pour mandater la CPI. En 2014, la France a proposé une résolution en ce sens, mais la Russie, alliée de la Syrie, a opposé son veto, suivie par la Chine. Ainsi, l’espoir d’un procès international pour les responsables des crimes en Syrie s’est dissipé. 

Enfin, quand bien même le président syrien serait sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, celui–ci évitera simplement de se déplacer dans d’autres pays ayant ratifié le Statut de Rome sachant qu’il risque alors une arrestation dès lors qu’il pénètre sur le territoire d’un État partie. L’émission d’un mandat d’arrêt par la CPI opère alors comme une « épée de Damoclès » pour celui ou celle qu’elle vise. 

Finalement, l’espoir de voir un jour Bachar al-Assad comparaître devant la Justice demeure ténu. Une lueur d’espoir pourrait néanmoins émerger à la fin de son mandat présidentiel, mais étant donné que la famille des dictateurs « al Assad » dirige la Syrie depuis 1971, les perspectives de changement dans le régime et le système judiciaire demeurent minces. Il semble donc, que dans ce cas-ci en Syrie, justice ne soit jamais et ne sera jamais rendue. 

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Le projet de transfert des compétences des présidents du MR, Ecolo, et PS

Le Soir, 28 septembre 2023

Fin septembre, les présidents des partis Ecolo (Jean-Marc Nollet), MR (Georges-Louis Bouchez) et PS (Paul Magnette) ont annoncé qu’ils travaillaient autour d’un projet commun consistant à transférer des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la Région wallonne et à la Région bruxelloise. Il ne s’agit cependant pas d’un projet aussi simple à mettre en place qu’il n’y paraît.

Aubane Lekime et Joséphine Paternotte, étudiantes en droit, UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain et Jogchum Vrielink professeurs à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, le 20 février 2024. 

En quoi consiste ce projet des Présidents des partis Ecolo, MR et PS ? 

L’objectif de ce projet est de réduire le nombre de ministres, pour gagner en efficacité, en lisibilité et de faire des économies de fonctionnement. 

Concrètement, la FWB garderait quatre compétences : l’enseignement, la culture, laudiovisuel et la recherche (La question du sport semble encore épineuse, mais le projet transfèrerait l’aide à la jeunesse, la santé, les maisons de justice, la petite enfance, l’égalité des chances, la fonction publique ainsi que la formation, aux régions wallonne et bruxelloise). 

Dans les faits, transférer des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux Régions nest pas une idée neuve ni révolutionnaire. L’article 137 de la Constitution le permet, et, par un cret spécial la Communauté française a déjà transféré l’exercice de certaines de ses compétences aux Régions. Ce qui est innovant, cest d’en transférer autant, et de ne laisser que peu de compétences à la FWB. 

 Pourquoi ne pas se calquer sur larchitecture institutionnelle flamande ? 

Du côté flamand, la Communauté flamande a absorbé la Région flamande, ce qui est autorisé en vertu de larticle 137 de la Constitution et a été mis en œuvre par les articles 1er, 19, 50 ainsi que par l’article 76 de la loi spéciale de réformes institutionnelles. 

En effet, bien que les néerlandophones constituent une majorité indiscutable en Belgique, leur présence à Bruxelles demeure minoritaire. Cette situation explique pourquoi le mouvement flamand n’a rencontré aucune opposition significative à l’absorption de la Région flamande par la Communauté flamande, qui sert de lien entre les néerlandophones de Flandre et ceux de Bruxelles. 

Une démarche similaire semble très peu probable du côté wallon, pour les raisons suivantes :  

D’abord, pour des raisons démographiques et politiques : au sud du pays, on ne peut sous-estimer le poids des francophones bruxellois. En effet, nous comptons 19 bruxellois sur 94 députés au Parlement de la Communauté française, cest à dire 24%. Tandis quau nord du pays, la proportion de néerlandophones bruxellois dans la Communauté flamande est faible (6 sur 124 députés au Parlement flamand, c’est-à-dire 2,4%). En cas d’un transfert complet des compétences, les élus bruxellois francophones auraient un poids beaucoup plus important sur la Région wallonne, compte tenu de leur présence considérable au sein du parlement wallon. Cette situation semble difficilement acceptable pour les néerlandophones 

Ensuite, pour des raisons fiscales : la Communauté française se trouve dans une impasse en ce qui concerne lexercice de son pouvoir fiscal (qui lui est confépar larticle 170, § 2 de la Constitution), contrairement à la liaison institutionnelle au nord du pays qui a fusionné les budgets de la Région flamande et de la Communauté flamande. Ni la Communauté flamande, ni la Communauté française ne peuvent effectivement prélever des impôts car cela impliquerait de faire payer non seulement les wallons de la région de langue française, mais aussi les francophones de Bruxelles (mais il ny a pas de sous-nationalité). 

La révision constitutionnelle de 1993 a ouvert un mécanisme de transfert, à l’inverse de la fusion, créant ainsi un fédéralisme asymétrique. En effet, la Communauté française a délégué plusieurs de ses compétences à la Région wallonne, tandis que Bruxelles a acquis certaines compétences via la COCOF (article 138, al. 2 de la Constitution). 

 Ce projet est-il faisable ? 

 A Bruxelles, impossible de confier de telles compétences sans l’accord des partis flamands

Les trois chefs de partis en parlent comme un sujet déjà acquis, et insistent sur laccord presque historique entre leurs trois partis, mais semblent peu parler de la Flandre, qui a également son mot à dire dans leur projet. 

En effet, pour transférer des compétences à la Région de Bruxelles, il faut modifier les textes fédéraux : la Constitution ou la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980. Cette modification impliquerait une nouvelle réforme de l’Etat, et pour cela, il faut laccord du nord du pays. 

 Or, comme Céline Romainville l’exprime, il semble peu probable que les partis flamands acceptent de transférer leurs compétences à la Région de Bruxelles-Capitale car cela renforcerait le pouvoir de Bruxelles et affaibliraitle pouvoir de la Flandre. En effet, les néerlandophones étant minoritaires à Bruxelles, cette réforme ne leur serait pas favorable. En outre, cela priverait la Flandre de compétences dont elle dispose actuellement, ce qui ne s’est encore jamais fait. Cependant, les partis flamands se disent prêts à négocier. 

 La COCOF n’est pas faite pour des matières aussi importantes 

Une manière de contourner la réforme est de trouver un arrangement entre francophones. Une solution envisagée par les trois partis serait de transférer les matières vers la COCOF, grâce à l’article 138 de la Constitution. 

De plus, comme le souligne Céline Romainville, la COCOF n’est pas un organe créé pour gérer des compétences aussi importantes et, nayant pas de pouvoir fiscal, elle aurait des difficultés à tenir une situation financière à flot avec ces nouvelles compétences. 

 Ce projet voit le jour trop tard, trop précipitamment 

Il est impossible de parvenir à l’adoption dun décret au cours de cette législature, cest pourquoi les présidents des partis Ecolo, MR et PS envisagent plutôt ladoption dune “résolution. La résolution na pas de caractère constitutionnel. Il sagit plutôt dun engagement politique et informel entre les partis qui y adhèrent. Dans une résolution, il est possible dexprimer des aspirations, même si celles-ci ne relèvent pas nécessairement des compétences dune assemblée. Ainsi, les partis peuvent définir leur vision d’une réforme de lÉtat au travers de cette démarche (à l’instar de la Flandre au début des années 2000). Cependant, il convient de souligner que cela demeure un engagement politique et na pas de portée contraignante. 

L’engagement des présidents de parti à adopter une “résolutionest audacieux, car ils sont incertains des résultats des élections à venir. Cette initiative semble destinée à mettre en lumière les enjeux politiques à l’approche du scrutin. 

En conclusion, la faisabilité du transfert des compétences demeure incertaine et dépend notamment de l’approbation des partis flamands, qui joue un rôle crucial dans le processus. Dans l’attente de leur positionnement, et face aux enjeux actuels, le dénouement de cette question restera suspendu jusqu’à la prochaine législature, (du moins ?).  

 

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Procès sur l’affaire Schild & Vrienden : pourquoi l’immunité parlementaire n’a pas été mobilisée dans cette affaire ? 

Le Soir, 12 septembre 2023

Depuis 2018, le groupe Schild & Vrienden, sous la direction de Dries Van Langenhove (Vlaams Belang), s'est retrouvé au cœur d'une polémique grandissante, suscitant des préoccupations quant à ses actions et déclarations.  En effet, le député Van Langenhove a été inculpé en 2019 pour racisme, négationnisme et infraction à la loi sur les armes. Or, il jouit normalement d’une immunité parlementaire.

Ruben Ngan-be et Safae El Bouzakhi, étudiants en droit, UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain et Jogchum Vrielink professeurs à l’UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 15 février 2024.

Quels sont les faits ? 

Pour retracer les origines de cette controverse, un documentaire diffusé sur la VRT en 2018 a mis en lumière l’existence de Schild & Vrienden, groupe nationaliste flamand, massivement présent sur Facebook. Ce qui a véritablement retenu l’attention, ce sont les messages échangés au sein du groupe, que l’on peut aisément qualifier de racistes, haineux et violents.  

Dries Van Langenhove, leader de ce groupe, a été inculpé en juin 2019 par le juge d’instruction de Gand avec 6 autres membres du groupe pour incitation à la haine et diffusion de messages racistes. Bien que le juge d’instruction lui ait imposé certaines conditions (telle que la visite guidée à la caserne Dossin, mémorial sur l’holocauste), une question cruciale demeure, celle de son immunité parlementaire.  

Immunité parlementaire, un obstacle aux poursuites judiciaires ? 

L’immunité parlementaire se compose de l’irresponsabilité parlementaire (article 58 de la Constitution) et de l’inviolabilité parlementaire (article 59 de la Constitution).  

L’irresponsabilité parlementaire se réfère à l’immunité dont bénéficient les parlementaires pour les opinions ou les votes exprimés dans l’exercice de leurs fonctions. Cela signifie qu’ils ne peuvent être tenus responsables légalement ou poursuivis pour leurs votes ou opinions.  

En revanche, l’inviolabilité parlementaire englobe une protection plus large, incluant l’immunité relative contre les poursuites pénales pour des actions non liées aux fonctions parlementaires, offrant ainsi une sphère d’immunité plus étendue.  

Ces deux principes visent à préserver l’indépendance des parlementaires, mais ils se différencient par leur portée et les situations auxquelles ils s’appliquent.  

Lirresponsabilité parlementaire confère une protection juridictionnelle aux membres du Parlement, les préservant de poursuites liées à leurs activités parlementaires. Le principe est consacré à l’article 58 de la Constitution qui dispose : « Aucun membre de l’une ou de l’autre Chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l’occasion des opinions et votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions « . En d’autres termes, elle leur accorde la liberté d’expression sans craindre de conséquences pénales. Ce principe est une garantie fondamentale, mais son champ d’application soulève plusieurs questions. 

L’irresponsabilité parlementaire en Belgique : depuis quand et pourquoi ? 

L’irresponsabilité parlementaire existe afin de garantir l’indépendance du pouvoir législatif en protégeant les parlementaires contre d’éventuelles pressions ou représailles judiciaires qui pourraient entraver le libre exercice de leurs fonctions.  

Elle a été instaurée dans le contexte de la mise en place des institutions de l’État belge lors de son indépendance en 1831. À cette époque, la Belgique venait de se séparer des Pays-Bas et élaborait sa propre Constitution.  

L’introduction de l’irresponsabilité parlementaire était motivée par la volonté de garantir l’indépendance et la liberté de débat au sein du Parlement. Les rédacteurs de la Constitution cherchaient à protéger les parlementaires, favorisant ainsi un climat propice à des discussions franches et ouvertes.  

Ainsi, l’instauration de cette immunité visait à renforcer la démocratie naissante en Belgique en assurant la libre expression des idées au sein de l’institution parlementaire.  

Jusqu’où les parlementaires peuvent-ils invoquer le principe d’irresponsabilité parlementaire ?  

La question centrale demeure : jusqu’à quel point les parlementaires peuvent-ils invoquer le principe de l’irresponsabilité parlementaire ? Le cadre de l’exercice des fonctions comprend le travail parlementaire et les réunions officielles des mandataires pendant lesquelles ont, par exemple, lieu des discussions et négociations de propositions de lois, où les représentants politiques débattent des orientations à prendre et cherchent des consensus pour prendre des décisions importantes. Se pose ainsi la question de la protection de l’article 58 de la Constitution pour des propos tenus à l’extérieur du Parlement et en dehors des fonctions parlementaires.  

Quelle différence avec l’inviolabilité parlementaire consacrée à l’article 59 de la Constitution ? 

L’inviolabilité parlementaire implique que, durant la période de session, les membres du Parlement ne peuvent être traduits directement devant une cour ou un tribunal sans l’autorisation de l’assemblée à laquelle ils appartiennent, sauf en cas de flagrant délit. Aussi, l’article 59 de la Constitution couvre tout ce qui n’est pas couvert par l’article 58. 

L’inviolabilité parlementaire trouve son fondement dans la nécessité d’assurer l’indépendance du pouvoir législatif à l’égard du pouvoir judiciaire et exécutif. Son origine est intimement liée à la protection contre les poursuites arbitraires, établissant ainsi une barrière essentielle entre les fonctions parlementaires et d’éventuelles interférences externes. Cet équilibre vise à garantir que les parlementaires puissent exercer leurs fonctions sans craindre des actions judiciaires motivées par des considérations politiques, préservant ainsi l’intégrité du processus démocratique.  

Dans le cas de Dries Van Langenhove, des ambiguïtés surgissent. Tout d’abord, son mandat n’avait pas encore débuté au moment des faits. En effet, il a accédé au statut de parlementaire en 2019, alors que les évènements en question ont eu lieu en 2018, ce qui signifie qu’il ne jouissait pas de l’irresponsabilité parlementaire. Cependant, le parquet n’a pas entamé les poursuites rapidement et Mr Van Langenhove a été élu entre-temps, bénéficiant ainsi de la couverture accordée par l’article 59 de la Constitution. Compte tenu des circonstances, le Parlement a pris la décision le 1er décembre 2022, à la majorité des votes, de lever l’immunité parlementaire de Dries Van Langenhove afin de permettre au parquet de mener à bien les poursuites, soulignant ainsi la primauté de la justice et la responsabilité au sein de l’institution parlementaire. 

Conclusion 

La controverse entourant Dries Van Langenhove inculpé pour racisme, négationnisme et violation de la loi sur les armes souligne les défis liés à l’immunité parlementaire en Belgique. La chronologie des évènements et la nature des propos litigieux soulèvent des questions sur les limites de cette immunité, en particulier en ce qui concerne les actes commis antérieurement à son mandat. Cette situation illustre l’équilibre délicat qu’il convient d’opérer entre l’immunité parlementaire, garantie démocratique essentielle, et la responsabilité individuelle dans le contexte des activités extraparlementaires. 

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“Pas d’autre choix que de démissionner. Le ministre Van Quickenborne est politiquement responsable de l’erreur aux conséquences fatales avec deux décès” – Catherine Fonck

Rtbf, le 20 octobre 2023

Le vendredi 20 octobre 2023, la députée Catherine Fonck (Les Engagés) souligne que le ministre de la Justice n’a pas d’autre choix que de démissionner. Selon elle, il est impératif qu'il assume la responsabilité de l'erreur commise par le magistrat du parquet ayant omis de traiter la demande d'extradition du présumé terroriste, à l'origine de l'attentat commis le 16 octobre 2023 sur des ressortissants suédois. Vincent Van Quickenborne devrait pleinement assumer sa responsabilité ministérielle.

Bruyère Duvieusart-Zimmermann et Emmanuelle Galassi, étudiantes en droit à l’UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain et Jogchum Vrielink professeurs à l’UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles, le 13 décembre 2023

Suite à l’abstention d’un magistrat de traiter la demande d’extradition d’Abdesalem Lassoued, l’auteur de l’attentat du 16 octobre 2023, Catherine Fonck, députée du parti Les Engagés, prend position en faveur de la démission du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne. Selon elle, il est légitime qu’il assume la responsabilité politique à la place du magistrat, même s’il n’est pas à l’origine de l’erreur commise. 

Bien que les propos de la députée soient compréhensibles compte tenu des conséquences tragiques de l’erreur judiciaire, il est crucial de distinguer la responsabilité ministérielle de fait (laissée à l’appréciation du ministre, en dehors de toute base légale) de la responsabilité ministérielle de droit (consacrée par les textes légaux). 

Qu’est-ce que la notion de responsabilité politique ? 

La notion de responsabilité politique émerge au 19ème siècle, en pleine période révolutionnaire. L’inscription de cette notion dans la Constitution permet de donner au Parlement la possibilité de renvoyer le gouvernement ou un membre de ce dernier dès qu’ils ne bénéficient plus de leur confiance, choix devant être confirmé par le Roi. De nos jours, la responsabilité politique d’un ministre implique des engagements et des obligations envers le Parlement, mais également envers la société.  

Les ministres doivent rendre des comptes, même lorsque des erreurs sont commises par d’autres. En d’autres termes, le ministre est tenu responsable en cas de manquements. Il est important de noter que la démission d’un ministre est un acte soumis à des règles strictes et que la responsabilité politique seule ne contraint pas automatiquement, d’un point de vue juridique, un ministre à démissionner. 

Que prévoit la constitution ? 

La Constitution et le règlement de la Chambre des représentants prévoient deux situations de démission obligatoire pour un ministre. 

La première se produit lorsque le chef de l’État intervient en révoquant ses ministres, ce qui nécessite un contreseing ministériel (Constitution, art. 96, al.1). En d’autres termes, le Roi peut mettre fin aux fonctions d’un ministre pour autant qu’il y ait un contreseing ministériel. Cette prérogative, héritage du 19ème siècle, est difficilement admissible de nos jours et n’est plus utilisée dans les faits. 

La deuxième possibilité se présente lorsque la Chambre adopte une motion de méfiance individuelle à l’encontre d’un ministre (Règlement de la Chambre des représentants, art.138). Dans ce cas, le ministre visé par la motion doit démissionner et la motion n’a pas besoin d’être constructive (accompagnée de facto d’un successeur). 

Au-delà de ces deux situations spécifiques, il existe diverses circonstances de fait, laissées à l’appréciation personnelle du ministre qui ne sont ni réglementées par la loi ni par la Constitution, pouvant également mener à une démission. En l’absence de règles strictes en la matière, c’est au ministre de juger lui-même s’il peut demeurer en poste. Les démissions historiques de ministres, telles que celles liées à l’affaire Dutroux ou à l’affaire Semira Adamu, ont permis de dégager quatre typologies de démission. Tout d’abord, la démission peut résulter d’une erreur personnelle, qu’elle soit liée à des aspects politiques ou extra-politiques. Ensuite, elle peut être déclenchée par une faute survenue au sein des services relevant de la responsabilité du ministre. Enfin, la démission peut découler de motifs politiques ou encore motivée par des considérations personnelles. 

Obligation de démission ? 

Dans le cas présent, en assumant la responsabilité de l’erreur commise par des services soumis à sa direction, l’ancien ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a choisi de démissionner de sa propre initiative, sans y être légalement contraint. 

Par conséquent, les déclarations de Catherine Fonck selon lesquelles le ministre de la Justice n’avait pas d’autre choix que de démissionner ne sont pas en adéquation avec ce qui est prévu par la Constitution et le règlement de la Chambre des représentants. La décision de l’ancien ministre relevait d’un choix personnel et volontaire. 

Contacté par nos soins, Catherine Fonck n’a pas répondu à nos sollicitations.

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“EVRAS : plusieurs institutions islamiques en recours devant la Cour Constitutionnelle” 

Le Soir, 2 octobre 2023

Le 2 octobre 2023, les institutions islamiques formant le Conseil de Coordination des Institutions Islamiques de Belgique (CIB) ont annoncé, par voie de communiqué, vouloir introduire un recours devant la Cour Constitutionnelle visant à annuler le décret validant l’accord de coopération entre les gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région wallonne et la Commission communautaire française relatif à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) au sein des écoles francophones. Mais le projet EVRAS, de quoi s’agit-il ? Les institutions islamiques peuvent-elles opposer un recours en annulation devant la Cour Constitutionnelle ?

Bastien Henry de Frahan, étudiant en droit, Université UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain et Jogchum Vrielink professeurs à l'UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 12 décembre 2023.

Le projet «  EVRAS  », de quoi s’agit-il ?

La naissance du projet «  EVRAS  »

Le 24 juillet 1997, le Parlement de la Communauté française, également connue sous le nom de Fédération Wallonie-Bruxelles, a adopté le décret « Missions » . Ce décret a pour objectif de définir les missions prioritaires de l’Enseignement francophone, tant au niveau fondamental (maternel et primaire) qu’au niveau des secondaires. Il vise à établir non seulement les missions de l’enseignement francophone, mais aussi ses programmes et les compétences essentielles que les élèves doivent acquérir pour s’insérer socialement dans la société future et poursuivre leurs études. 

L’article 6 de ce décret « Missions » dispose que la Communauté française et tout pouvoir organisateur, pour l’enseignement subventionné, doivent notamment remplir simultanément les missions prioritaires suivantes : 

  • Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chaque élève. 
  • Amener tous les élèves à s’approprier des connaissances et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre tout au long de leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle. 

L’article 8 de ce même décret, modifié en 2012, énonce que pour remplir ces missions prioritaires, la Communauté française et les pouvoirs organisateurs doivent veiller notamment à ce que chaque établissement éduque au respect de la personnalité et des convictions de chacun, au devoir de proscrire la violence tant morale que physique ainsi qu’à la vie relationnelle, affective et sexuelle. 

C’est donc le 12 juillet 2012, que l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) a été intégrée dans le décret « Missions », devenant ainsi l’une des missions prioritaires de l’enseignement francophone. Cependant, bien que l’EVRAS était devenue une mission, son enseignement n’était pas obligatoire, et seulement environ 20% des écoles la proposaient. 

Face à ce constat, en juin 2013, un protocole d’accord relatif à la généralisation de l’EVRAS a été signé entre les trois gouvernements francophones (la Région Wallonne, la Commission Communautaire Française (COCOF) et la Fédération Wallonie-Bruxelles). Ce protocole a défini l’EVRAS et les objectifs poursuivis, ainsi que les thématiques à aborder lors des animations liées à l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle. Cependant, il a fallu attendre l’approbation d’un décret pour que la mise en œuvre de l’EVRAS soit effective. 

Finalement, c’est le jeudi 7 septembre 2023 que le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a promulgué le décret approuvant l’accord de coopération entre les différentes entités fédérées. L’EVRAS deviendra enfin obligatoire dans toutes les écoles primaires et secondaires francophones dès cette rentrée des classes 2023-2024. Les élèves de 6ème primaire devront suivre 2 heures d’animations obligatoires, tout comme ceux de 4ème secondaire. Devenant partie intégrante du programme scolaire, ces animations seront dorénavant obligatoires pour tous les élèves, sans exception. 

Mais en quoi consiste le projet « EVRAS »?

Selon l’initiateur de ce projet, à savoir la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) est un processus éducatif abordé dans les écoles francophones, qui se concentre sur des thèmes tels que la sexualité, les relations et les émotions. 

L’accord de coopération qui le définit précise que l’EVRAS vise à renforcer les compétences des jeunes pour prendre des décisions éclairées, favorisant le bien-être dans leur vie relationnelle, affective et sexuelle, ainsi que le respect de soi et des autres. Il s’agit d’accompagner les jeunes vers l’âge adulte en tenant compte de multiples dimensions, y compris les aspects relationnels, affectifs, sociaux, culturels, philosophiques et éthiques de la sexualité. 

Comme explicité dans ce même accord, l’EVRAS comprend plusieurs aspects : elle commence par une éducation affective, encourageant la compréhension des émotions et la capacité à les exprimer. Ensuite, elle enseigne le domaine relationnel, couvrant des thèmes comme la communication, le respect de soi et des autres, la prévention de la violence, et la déconstruction des stéréotypes sexistes et homophobes. Elle aborde également la vie affective et sexuelle dans un contexte de diversité culturelle. Enfin, l’EVRAS inclut l’apprentissage de la sexualité, en encourageant la connaissance et le respect de son propre corps, la prévention des risques sexuels, et une réflexion sur les aspects sociaux et culturels de la sexualité, y compris la pornographie. 

Les animations EVRAS sont dispensées par des personnes compétentes et formées, et sont adaptées en fonction de l’âge des enfants. Les sujets abordés au cours de ces animations sont choisis en réponse aux questions et aux besoins des enfants. 

Mais aujourd’hui, tout le monde n’approuve pas ce changement considérable qu’est l’arrivée de l’EVRAS dans le parcours scolaire des enfants. Comme de nombreuses personnes, certaines institutions islamiques de Belgique s’opposent à ces animations affirmant qu’elles violent la Constitution et en particulier son article 24 relatif à la neutralité de l’enseignement. 

Les institutions islamiques peuvent-elles s’y opposer en introduisant un recours en annulation devant la Cour Constitutionnelle ?  

Oui, la réponse à cette question est positive. Depuis 1988, toutes les personnes physiques ou morales démontrant un intérêt, ont la possibilité de déposer un recours en annulation directement devant la Cour Constitutionnelle. Néanmoins, l’intérêt pour agir doit être réel, actuel et légitime, et la requête doit être présentée dans un délai de 6 mois à partir de la publication de la norme législative contestée. Un critère supplémentaire est requis pour les personnes morales qui souhaitent introduire un recours en annulation : la norme attaquée doit affecter directement leur objet social.  

Il est important de noter que la Cour Constitutionnelle a pour mission de contrôler des normes de nature législative. Par conséquent, elle est compétente pour examiner toutes les normes législatives – lois, décrets et ordonnances – ainsi que les normes liées à l’assentiment d’accords de coopération. Enfin, les normes de contrôle de la Cour s’étendent à l’ensemble du titre II de la Constitution, comprenant ainsi l’article 24 relatif à a neutralité de l’enseignement. La Cour Constitutionnelle contrôle aujourd’hui le respect de l’ensemble du titre II de la Constitution (droits fondamentaux des citoyens), ainsi que des articles 170, 172 et 191 de la Constitution. 

Comme mentionné précédemment, le recours intenté contre l’EVRAS repose sur l’allégation de violation de l’article 24 de la Constitution, qui concerne la neutralité de l’enseignement. Les parties plaignantes avanceront probablement que l’EVRAS porte atteinte aux convictions religieuses et philosophiques des enfants en leur imposant une idéologie particulière.  

Cependant, il est peu probable que la Cour Constitutionnelle donne raison aux institutions islamiques. En effet, selon une vieille jurisprudence qu’est l’arrêt « Kjeldsen Busk Madsen & Pedersen » de 1976 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : ”l’éducation sexuelle ne constitue point une tentative d’endoctrinement visant à préconiser un comportement sexuel déterminé. Elle ne s’attache pas à exalter le sexe, ni à inciter les élèves à se livrer précocement à des pratiques dangereuses pour leur équilibre ». Tant l’État danois que la Cour Européenne des Droits de l’Homme affirment que l’éducation sexuelle vise à informer les élèves et s’inscrit dans une politique d’intérêt public. En conclusion, la Cour rappelle que si les parents ne sont pas d’accord avec l’enseignement dispensé, ils ont la possibilité d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées ou de choisir l’enseignement à domicile. Mais notons que cet arrêt remonte dans le temps et concerne spécifiquement l’État danois ainsi que son système éducatif. La période écoulée depuis lors et les différences entre le système éducatif danois et celui de la Belgique pourraient alors être des éléments propices à la discussion. 

Par conséquent, comme tout individu ou toute association, les institutions islamiques ont le droit de soumettre une demande d’annulation concernant le décret d’approbation de l’accord de coopération établissant l’EVRAS. À présent, il ne reste plus qu’à attendre le recours et la décision des juges pour déterminer si leur demande est justifiée ou non : affaire à suivre ! 

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Comment pense-t-on le financement des cultes en Belgique aujourd’hui ?

Godvergeten, VRT Canvas le 5 septembre 2023

Suite à l'émission ‘Godvergeten’ qui est parue sur la chaîne VRT il y a quelques semaines, la Flandre est bouleversée et révoltée. L’émission dénonce les abus sexuels commis par l’Église catholique et le manque de soutien apporté aux victimes qui ont osé dénoncer les faits. On peut se poser la question suivante : Comment l’État peut-il continuer à financer le culte catholique et ses ministres des cultes, après de telles dénonciations ? Une commission d’enquête parlementaire a été établie investie de différentes missions, dont celle de réfléchir au financement des cultes.

Léa Sessa et Zoé Verstraete, étudiantes en droit, UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Jogchum Vrielink professeur à l’UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles et Adriaan Overbeeke professeur à la Vrije Universiteit Amsterdam et chercheur à l’UAntwerpen, le 30 novembre 2023

La répartition des compétences en matière de financement des cultes, qui diffère selon les entités du pays, est une matière complexe en Belgique. Cet article a pour but d’illustrer comment fonctionne ce financement aujourd’hui et quelles sont les alternatives envisageables pour le futur.

Comment est réparti le financement des cultes en Belgique ?

En Belgique il y a 6 cultes reconnus ainsi que la conception philosophique non-confessionnelle. Le bouddhisme n’est pas reconnu, mais l’ASBL « Union bouddhique Belge » perçoit quand même une subvention. 

En principe, les droits garantis aux cultes sont repris aux articles 19, 20 et 21 de la Constitution et le financement des cultes est repris à l’article 181, §1 de la Constitution. Son financement est néanmoins étalé et divisé entre l’État fédéral, les communautés et les régions, les provinces et les communes. Elles sont toutes responsables d’une partie du financement des cultes, depuis la réforme de 2001. 

 L’État fédéral est compétent s’agissant de la reconnaissance des cultes (Loi spéciale du 8 août 1980, art. 6 §1er, VIII, 6°) et du traitement des pensions des ministres des cultes (art. 181 de la Constitution). Les régions sont compétentes en matière de fabrication des structures de gestion pour des communautés cultuelles reconnues (par exemple, l’église), d’établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus (Loi spéciale du 13 juillet 2001) et en matière de reconnaissance des communautés locales. Suite à la répartition des compétences en Belgique, directement et indirectement, certaines matières sont également devenues des compétences communautaires et des compétences régionales. Par exemple, le transfert de la compétence de l’enseignement aux communautés a un impact sur le statut des professeurs de religion qui est défini par décrets (S. WATTIER, Le financement public des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelle, Bruxelles, Bruylant, 2016, p.104 à 128.).

Les communes ont l’obligation de “pourvoir au logement des personnes placées à la tête des paroisses et des succursales par le chef diocésain” et “l’indemnité du logement qui sera due lorsque le logement ne peut être fourni en nature”. Les provinces sont compétentes pour ces deux mêmes matières à l’égard des ministres des cultes islamique et orthodoxe (Art. 69, 9° de la loi provinciale) (S. WATTIER, ibidem, p.132 et 133.).

 Toutefois, il faut noter que l’Église catholique a, lors de la création de la Belgique, bénéficié d’un arrangement différent.  Afin de créer une communauté locale, il existait un principe administratif qui prévoyait qu’il fallait 200 à 250 croyants dans la commune tandis que l’Église catholique pouvait obtenir une paroisse dès lors qu’il y avait au moins 600 habitants dans la commune, peu importe leur religion. Cette différence provient du fait qu’à la création de la Belgique, pratiquement toute la population était catholique. Néanmoins, nous avons évolué vers une société pluraliste mais aucun changement n’a été apporté. Il faut également noter qu’il n’existe pas de base juridique à cette exception, il s’agit seulement d’une pratique administrative (S. WATTIER, ibidem, p.692 et 693.). 

Comment pourrait-on modifier le système belge ?

Le financement des cultes et des communautés non-confessionnelles par l’État belge est aujourd’hui jugé dépassé par certains et de plus en plus de personnes appellent au changement. 

Mais comment pourrait-on modifier ce système de financement mis en place depuis des centaines d’années? Le financement des cultes est inscrit aux articles 24, § 1 et § 3 ainsi qu’à l’article 181, § 1 de la Constitution; pour changer le contenu de ces articles, une révision de la Constitution est donc nécessaire, ce qui n’est pas si facile à faire. 

Conformément à l’article 195 de la Constitution, pour pouvoir entamer une procédure de révision, le pouvoir législatif fédéral doit déclarer quels articles de la Constitution sont révisables. Après cette déclaration, la Chambre des représentants et le Sénat sont dissous de plein droit entraînant de nouvelles élections. Ce ne sont que les nouvelles chambres législatives qui seront compétentes pour procéder à la révision des articles qui figurent dans la déclaration de révision (M. UYTTENDAELE et M. VERDUSSEN, « Révision de la Constitution » dans M. Uyttendaele et M. Verdussen, (dir.), Dictionnaire de la Sixième Réforme de l’Etat, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 735.).  

Pour changer le système actuel de répartition du financement il faudrait donc ouvrir les articles 24 et 181 de la Constitution à révision et ceux-ci pourront potentiellement être révisés à la suite des prochaines élections législatives. 

Mais quelles alternatives au système belge pourrait-on envisager ? 

Certains pays comme l’Italie et l’Espagne ont, quant à eux, opté pour un système d’assignation fiscale. Chaque personne choisit de payer un petit montant d’impôt au culte ou à une organisation non-confessionnelle de son choix. Ce système entraînerait un grand changement car on passerait d’un financement de postes individuels prédéfinis, l’État belge finance actuellement la pension des ministres des cultes et la pension des déléguées des organisations reconnues par la loi – à un financement où une somme globale serait attribuée à un culte qui devra ensuite la répartir de manière autonome (S. WATTIER, op. cit., p. 818-819.).

Ce changement de système apporterait aussi son lot de questions concernant sa compatibilité avec notre Constitution car plusieurs droits fondamentaux qui y sont consacrés, comme le respect à la vie privée, le droit de ne pas révéler ses croyances et biens d’autres encore pourraient potentiellement entrer en conflit avec l’assignation fiscale. Celle-ci nécessite en effet de choisir une croyance à subventionner et donc de révéler sa « croyance » ou « non-croyance » (S. WATTIER, op. cit., p. 818-819.). 

En France, on peut observer un système encore différent puisque l’État et l’Église sont complètement séparés. Cette abstention de financement est consacrée à l’article 2 de la loi française du 9 décembre 1905. On peut y lire que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Alors que pour l’État belge, la laïcité laisse sous-entendre un traitement égalitaire entre les religions et les organisations non-confessionnelles de l’État, pour la France, elle signifie une abstention complète (p. 91) de tout financement des cultes par l’État. Cette séparation complète reste néanmoins théorique car en pratique on peut observer certaines formes de financement (p.99) prévues par la loi comme l’entretien des lieux de cultes érigés avant 1905 ou encore le financement de l’enseignement privé catholique. En Alsace-Moselle (p.101), les cultes catholique, israélite, protestant, protestant réformé et luthérien sont même reconnus et financés car le régime en place est encore celui du Concordat de 1801, remis en vigueur le 15 septembre 1944. 

Il existe donc des alternatives au système belge de financement des cultes direct, notamment l’assignation fiscale ou la séparation complète de l’État et de l’Église. Ces systèmes, bien qu’envisageables, comportent néanmoins également des désavantages qu’il convient de prendre en compte s’agissant d’une éventuelle réforme.

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“Surpopulation carcérale : la Belgique à nouveau tristement mise en lumière par le Conseil de l’Europe” 

Le Soir, 4 octobre 2023

Le Conseil de l’Europe a, une nouvelle fois, appelé la Belgique à prendre des mesures urgentes pour lutter contre la surpopulation carcérale. Mais que se passe-t-il réellement dans nos prisons? La Belgique risque-t-elle des sanctions de la part du Conseil de l’Europe ?

Joséphine Paternotte, étudiante en droit, UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain professeure à l'UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles, le 23 novembre 2023.

La Belgique est le quatrième pays d’Europe la surpopulation carcérale est la plus importante, selon les statistiques du Conseil de l’Europe. De nombreux prisonniers n’y ont pas de lit, et dorment sur des matelas posés à même le sol. Les gardiens se mettent régulièrement en grève, en raison de leurs conditions de travail et du manque d’effectif 

Le problème n’est pas nouveau, loin de là. Suite à sa première condamnation dans l’arrêt Vasilescu c. Belgique du 25 novembre 2014 par la Cour européenne des droits de l’Homme (organe judiciaire du Conseil de l’Europe), la Belgique aurait dû prendre des mesures générales et structurelles pour garantir de meilleures conditions de détention et prévenir la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cependant, elle ne l’a pas fait, et s’en est suivi de nombreuses condamnations par la Cour européenne et par la justice belge. Le tribunal de première instance de Liège et celui de Bruxelles ont en effet condamné l’Etat belge (respectivement en 2018 et 2019) et, plus récemment, le tribunal de première instance du Hainaut a exhorté l’Etat belge, en juin 2023, à réduire la surpopulation carcérale de la prison de Mons. 

Quelles sont les conséquences de cette surpopulation ?  

L’excès de prisonniers n’est pas qu’une affaire de lits posés par terre : cette situation empêche les agents pénitentiaires de pouvoir travailler correctement et elle est à l’origine de mauvaises conditions de détention, notamment sanitaires. De plus, elle brise la confiance mutuelle entre les Etats membres de l’Union européenne. En effet, une situation comme celle que nous avions vécue en décembre 2022, où la justice néerlandaise refusait le transfert de détenus en Belgique à cause de la surpopulation carcérale, pourrait se répéter, tant que la Belgique ne mettra pas en place de réelles mesures pour y mettre fin.   

En mars 2023, la Belgique a soumis un sixième plan d’action au Comité des ministres du Conseil de l’Europe (qui assure le suivi de l’exécution des arrêts de la Cour européenne). Le CCSP, Conseil central de surveillance pénitentiaire, a fait savoir que ce nouveau plan d’action ne permettait pas de résoudre les problèmes de surpopulation carcérale et le Comité des ministres a invité la Belgique à envisager des mesures contraignantes de régulation de la population carcérale.  

Mais que s’est-il passé pour que la Belgique soit à nouveau pointée du doigt par le Conseil de l’Europe ?  

Le premier septembre 2023, la dernière phase de la réforme « Van Quickenborne », visant à faire exécuter les peines de moins de deux ans (jusqu’ici très peu exécutées), est entrée en vigueur. Si les objectifs de cette réforme sont louables (lutter contre l’impunité et combattre la délinquance), elle n’arrive pas au bon moment, au vu de la situation de nos prisons, comme le soulignent certains directeurs de prison. Ils estiment en effet qu’«  aucun effort n’assortit l’entrée en vigueur de la réforme  » (Marc Brisy, directeur de la prison de Lantin). 

Le Conseil central de surveillance pénitentiaire a directement réagi en soulignant que la réforme ne ferait qu’accentuer la surpopulation carcérale. 

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une décision constatant que l’objectif qu’ils avaient recommandé à la Belgique, visant à limiter le nombre de détenus à 10 000, n’est pas maintenu.   

En novembre 2023, 11 734 personnes étaient incarcérées, contre 11 224 l’année dernière, sachant que la Belgique n’a qu’une capacité de 10 432 places. Il s’agit donc d’une belle augmentation de prisonniers, alors que notre pays se sait surveillé par le Conseil de l’Europe et que, selon certains, « Les capacités des prisons sont parfois surestimées ! » (Vincent Spronck, pour Le Soir). 

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe recommande de privilégier plus souvent les alternatives à la prison (surveillance électronique, la libération conditionnelle,..) ainsi que de créer une voie de recours pour les prisonniers souhaitant dénoncer le caractère inhumain et dégradant de leur incarcération. Il demande également à la Belgique que tous les détenus aient un lit et des sanitaires fermés. De plus, le Comité « appelle le Parlement et Gouvernement et les acteurs de la chaîne pénale à mettre en œuvre, sans délai, les recommandations fermes du Conseil de l’Europe  » ainsi qu’à consacrer leurs efforts non pas sur l’augmentation de la capacité carcérale, qui ne résout pas le problème, mais sur la réduction de la surpopulation.   

En conclusion, la Belgique est un Etat régulièrement condamné, tant par le Conseil de l’Europe que par sa propre justice pour sa surpopulation carcérale. Cette situation semble malheureusement loin d’être résolue aujourd’hui. Si pour l’instant seules des recommandations sont émises par le Conseil de l’Europe, la Belgique n’est pas à l’abri d’une nouvelle condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitement inhumain et dégradant. 

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Procès des attentats de Bruxelles : pas de recours en cassation  

Le Soir, le 2 octobre 2023

Après la déclaration de culpabilité des accusés, les regards se sont tournés vers la question des peines, où le parquet a réclamé la réclusion à perpétuité, notamment pour Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, alias l’homme au chapeau.

Pour les avocats de la défense, leurs clients ne devaient pas être soumis à une nouvelle peine en raison de leur précédente condamnation pour les attentats du 13 novembre 2015. En effet, la cour d’assises parisienne les a condamnés le 29 juin 2022 à la réclusion à perpétuité.

L’argumentation de la défense repose sur l’article 62 du Code pénal belge, suscitant un débat juridique avec le parquet sur la question épineuse du concours d’infractions.

Le 15 septembre 2023, la cour d’assises de Bruxelles a condamné Mohamed Abrini à 30 ans de réclusion et n’a pas prononcé de peine à l’égard de Salah Abdelsam en raison du concours idéal d’infractions formé avec sa précédente condamnation, par le tribunal correctionnel de Bruxelles en 2018 à 20 ans d’emprisonnement pour tentative d’assassinat à caractère terroriste et possession illégale d’armes à feu (fusillade de la rue du Dries).

Les condamnés n’ont pas introduit de pourvoi en cassation, de sorte que la décision de la cour d’assises est désormais définitive.

Johan Alvarez, étudiant en droit, UCLouvain Saint-Louis Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, le 16 novembre 2023.

Comprendre le concours d’infractions  

Pour bien appréhender le concours d’infractions, il est essentiel de dissiper une confusion couramment opérée avec la récidive. Contrairement à la récidive, qui se produit lorsque quelqu’un commet une infraction après avoir déjà été condamné pour une autre infraction, le concours d’infractions survient lorsqu’une personne est accusée de plusieurs infractions distinctes, sans qu’aucune de ces infractions n’ait donné lieu à une condamnation préalable.  

Prenons un exemple pour illustrer la distinction. Si une personne est condamnée pour un vol avec violences et est ensuite arrêtée pour un vol de véhicule, il s’agit d’un cas de récidive, car il y a eu une condamnation antérieure pour le vol avec violences. En revanche, si une personne est accusée à la fois de vol de véhicule et de fraude fiscale, sans avoir été condamnée précédemment pour l’une de ces infractions, cela constitue un concours d’infractions.  

Cette distinction est cruciale dans le système judiciaire, car elle influe sur la manière dont les tribunaux déterminent les peines applicables.  

Concours matériel versus concours idéal  

Il est important de distinguer deux types de concours d’infractions. 

D’une part, le concours matériel. Ce type de concours se produit lorsque les infractions poursuivies sont indépendantes les unes des autres. Par exemple, si une personne commet un vol avec violences, un viol et un homicide, ces infractions ne sont pas liées entre elles par une même intention délictueuse.  

D’autre part, le concours idéal qui  se produit lorsque les infractions sont reliées entre elles par une intention criminelle commune. Par exemple, si une personne commet une série de vols dans le but de financer sa consommation de drogues. Dans cette situation, on considère que toutes les infractions reflètent la même intention délictueuse et que ces multiples infractions ne forment entre elles qu’un fait pénal unique.  

L’enjeu de cette distinction est crucial dans cette affaire.  

Dans le procès des attentats de Bruxelles, la cour d’assises juge des actes commis à Bruxelles en 2016, formant un concours d’infractions avec ceux commis à Paris en 2015, pour lesquels Salah Abdeslam et Mohamed Abrini ont déjà été condamnés en France. En effet, au moment où ils ont commis les attentats à Bruxelles, ils n’ont pas encore été condamnés pour les faits commis à Paris, de sorte qu’il faut ici parler de concours d’infractions et non de récidive. 

Reste à savoir si le concours d’infractions doit être qualifié de matériel ou d’idéal. 

Pour la défense des accusés, les attentats de Paris et de Bruxelles forment un concours matériel d’infractions. Elle considère dès lors qu’aucune peine ne peut être prononcée en Belgique puisque leurs clients ont déjà été condamnés à la peine la plus forte en France, soit la réclusion à perpétuité. 

Leur argumentation se fonde sur l’article 99 bis alinéa 1 du Code pénal qui prévoit que les condamnations prononcées par les juridictions pénales des autres Etats membres, produisent les même effets que les condamnations prononcées par les juridictions pénales belges.    

 Or, en cas d’un concours matériel, notre droit prévoit que seule la peine la plus forte peut être prononcée (article 62 du Code pénal). Dans ce cas, la cour d’assises belge doit tenir compte de la condamnation prononcée par la cour d’assises parisienne. 

L’arrêt de la cour d’assises de Bruxelles 

La cour d’assises belge affirme que les actes pour lesquels comparaissent les accusés constituent “la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse étant inscrits dans une vague d’attentats commandités depuis la Syrie par l’État islamique et exécutée sur le sol européen”.  

La cour considère ainsi que les actes commis à Paris et à Bruxelles forment un concours idéal d’infractions et que, dans ce cas, elle n’est pas tenue par les condamnations prononcées par les juridictions pénales étrangères selon l’article 99 bis, alinéa 2, du Code pénal, mais uniquement de celles prononcées par les juridictions belges. 

Il convient dès lors de différencier le cas de Salah Abdeslam de celui de Mohamed Abrini. 

Salah Abdeslam a été condamné en 2018 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles à une peine de 20 ans de prison pour la fusillade rue du Dries. Ce premier fait forme avec les attentats de Bruxelles un concours idéal d’infractions. Sa condamnation de 2018 ayant été prononcée par une juridiction belge, la cour d’assises doit en tenir compte. 

Ainsi, la cour estime que la peine de 2018 “assure une juste répression de l’ensemble des infractions” et n’a pas prononcé de nouvelle peine à son encontre.  

Dans le cas de Mohamed Abrini, si la cour estime également que l’ensemble des faits constitue un concours idéal d’infractions, elle n’est pas liée par la condamnation française. Comme l’explique Benoît Dejemeppe, dans plusieurs arrêts belges et européens, la jurisprudence a néanmoins précisé que les juges belges devaient «  tenir compte d’une autre manière  » des condamnations prononcées dans un autre État membre de l’Union européenne, par exemple en diminuant la peine. La cour d’assises a ainsi tenu compte de la décision française au titre de «  circonstance atténuante  » pour condamner Mohamed Abrini, non à la réclusion à perpétuité, mais à une peine de 30 ans de réclusion. 

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« Droit à l’accueil : une illégalité qui traduit un choix politique condamnable »

Le Soir, 07 octobre 2023

Le 29 août 2023, Nicole de Moor (CD&V), secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration, a annoncé une décision temporaire visant à ne plus accepter les hommes seuls dans le réseau Fedasil, l’agence chargée de l'accueil des demandeurs d’asile en Belgique.
La justification de cette décision est la constante augmentation des demandes d’asile de familles avec enfants, ce qui, selon Madame de Moor, nécessite une priorité pour éviter que des enfants ne se retrouvent sans abri pendant l’hiver.
Cette décision a suscité l’indignation et huit associations ont décidé de saisir le Conseil d’Etat en introduisant une requête en suspension de l'exécution de cette mesure.

Johan Alvarez et Thomas Thiry, étudiants en droit, UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Jogchum Vrielink professeur à l’UCLouvain Saint-Louis – Bruxelles et Benoit Dhondt, avocat en droit des migrations et des réfugiés - Bruxelles, le 17 octobre 2023.

La requête en suspension d’extrême urgence : un enjeu crucial 

Lorsqu’une requête en annulation est soumise au Conseil d’Etat, il est important de noter que cette démarche n’a pas d’effet immédiat sur la décision contestée. En conséquence, ladite décision demeure en vigueur, continuant ainsi à produire ses effets en attendant l’issue de la procédure. Cependant, il faut reconnaitre que les délais inhérents à un recours en annulation devant le Conseil d’Etat peuvent s’étirer sur une période relativement longue, atteignant généralement un an et demi. Il en est de même pour la requête en suspension ordinaire laquelle peut atteindre un délai allant de quatre à six mois en principe.

Par conséquent, il peut survenir des situations où une décision préjudiciable conserve son impact pendant cette période, occasionnant des dommages graves et irréparables.

Pour faire face à de telles circonstances, la loi prévoit la possibilité d’introduire une requête en suspension d’extrême urgence. Cette procédure exceptionnelle ne s’applique que dans des cas particuliers et est soumise à des conditions spécifiques. Tout d’abord, elle exige que l’urgence soit manifeste, rendant impossible le traitement de l’affaire par le biais d’une procédure d’annulation classique.

De plus, il est nécessaire qu’au moins un argument sérieux soit avancé pour étayer la possibilité d’annuler la décision contestée.

La politique européenne en matière d’accueil des demandeurs d’asile

L’Union européenne s’est engagée à établir un régime d’asile européen harmonisé avec une procédure d’asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale.

Dans cette perspective, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté, le 27 janvier 2003, une directive ayant pour objectif d’établir des normes minimales en ce qui concerne l’accueil des demandeurs d’asile au sein des États membres.

Dix années plus tard, le 26 juin 2013, l’Union européenne a adopté une directive exigeant des États membres qu’ils garantissent la mise en œuvre de conditions matérielles d’accueil adéquates. Cela inclut notamment la création de centres d’hébergement offrant un niveau de vie satisfaisant.

Ces dispositions s’appliquent de manière universelle, à l’ensemble des demandeurs de protection internationale dès leur arrivée sur le territoire des États membres.

Par ailleurs, bien que cet argument n’ait pas été porté par les parties demanderesses, il est important de noter que dans la mise en œuvre du droit européen, la Belgique est tenue de respecter la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne laquelle interdit formellement toute discrimination fondée notamment sur le sexe.

La garantie du droit d’accueil dans la législation belge

Nicole de Moor l’affirme elle-même en citant le Conseil d’État : “chaque personne qui demande l’asile en Belgique a droit à l’accueil”. Cette affirmation se fonde sur l’article 3 de la loi de 2007 qui consacre le principe de non-discrimination et d’égalité en soulignant que tout demandeur d’asile jouit du droit à l’accueil. Ce n’est pas un souhait ou une simple requête, c’est un droit.

Ce droit à l’accueil, tel que défini par le législateur, englobe principalement une assistance matérielle, comme précisé à l’article 2 de la loi de 2007. Cette assurance couvre la garantie d’accès à des besoins fondamentaux tels que le logement, la nourriture et les vêtements. Elle englobe également l’accès à un soutien médical, social et psychologique, la fourniture d’une allocation quotidienne, l’assistance juridique, l’accès à des services tels que l’interprétation ou la formation, ainsi que la possibilité d’adhérer à un programme de retour volontaire.

Bien qu’il soit effectivement possible de restreindre ce droit matériel, de telles restrictions ne sont permises que dans trois cas spécifiques : lorsque le demandeur de protection internationale refuse de s’inscrire dans le lieu d’inscription obligatoire, ne respecte pas certaines obligations procédurales ou présente une demande ultérieure.
Ces décisions de limitation de l’aide matérielle doivent être justifiées, proportionnées et être prises objectivement sur base de la situation personnelle du demandeur d’asile.

Dans une décision du 12 novembre 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a toutefois précisé que même lorsqu’une telle sanction vient à être prise, les États membres doivent garantir “en permanence et sans interruption” un niveau de vie digne conformément à l’article 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et “qu’une sanction qui priverait le demandeur d’asile, même temporairement, de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil n’est pas compatible avec la directive”.

Ainsi, une décision de limitation du droit d’accueil généralisée ne peut être prise en toute légalité.

Au contraire, la CJUE dans une décision du 27 février 2014, a précisé que la directive de 2003 s’oppose à ce “qu’un demandeur d’asile soit privé, fut-ce pendant une période temporaire, après l’introduction d’une demande d’asile, de la protection des normes minimales établies par cette directive”.

Dans cette même décision, la CJUE rappelle que la circonstance que les structures d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile soient saturées ne permet pas aux États membres de se soustraire à leurs obligations de fournir des conditions matérielles d’accueil. En effet bien que les États membres ne soient pas en mesure de fournir ces conditions d’accueil en nature, la directive leur laisse la possibilité de fournir ces conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières.

Décision du Conseil d’État

Le 13 septembre 2023, le Conseil d’Etat a tranché en faveur des demandeurs d’asile en accédant à la requête en suspension. Il a basé sa décision sur la loi belge du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile, qui garantit à tout demandeur d’asile un accueil conforme à la dignité humaine, dès l’introduction de sa demande.

Le Conseil d’Etat estime que l’application de la loi du 12 janvier 2007 “ne permet pas à la partie adverse de priver du droit à l’accueil une catégorie de demandeurs d’asile, constituée par les hommes seuls, pour résoudre les difficultés auxquelles elle indique être confrontée.”.

Malgré cette décision, Nicole de Moor a maintenu sa position affirmant sur X que “la suspension du Conseil d’Etat ne garantit pas que nous ayons soudainement de la place pour tout le monde”, maintenant ainsi le Gouvernement belge dans une position illégale.

Toutefois, dans un article du 28 septembre 2023, le journal De Morgen affirme avoir eu accès à l’instruction de Madame de Moor à Fedasil et que celle-ci ne prévoit pas d’interdire l’accès aux hommes seuls mais uniquement de prioriser les familles pour les places actuelles. Il est donc important à ce stade d’attendre de voir la future décision du Conseil d’État quant à la demande d’annulation. En effet, s’il s’avère que cette catégorie de personnes est accueillie conformément aux exigences de la loi, alors il se pourrait que la demande initiale soit devenue sans objet.

Les implications et le respect de l’État de droit

La décision du Conseil d’État ordonne l’exécution immédiate de son arrêt dans l’attente d’une décision qui statuera sur la requête en annulation au maximum dans les 6 mois suivant ce premier arrêt.

En cas de non-respect de cette décision, les parties requérantes sont autorisées à solliciter la section de législation du Conseil d’Etat pour imposer une astreinte à l’État, afin de garantir l’application de cette décision.

Dans un article publié le 7 avril 2023, le journal Moustique rappelle que “L’État belge et Fedasil ont déjà été sanctionnés 8.600 fois par différents tribunaux du travail pour ne pas avoir logé, nourri et blanchi des demandeurs d’asile” et qu’il en résulte 168 millions d’euros d’astreintes que les deux parties refusent de payer.

Par ailleurs, les individus qui ont subi un préjudice en raison de cette politique jugée illégale peuvent poursuivre l’Etat en invoquant sa responsabilité extracontractuelle, bien que l’immunité ministérielle couvre la secrétaire d’Etat.

Cette situation fait écho à la condamnation récente de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’Homme en juillet 2023 qui a souligné une “carence systémique” dans l’exécution des décisions de justice.

Dans une tribune publiée le 20 septembre 2023 dans “De Standaard”, plusieurs professeurs d’université ont dénoncé “un gouvernement fédéral qui persiste à violer l’un des principes démocratiques parmi les plus élémentaires”.

En somme, la Belgique, autrefois perçue comme un exemple de démocratie et de respect des droits de l’homme, voit sa politique d’asile sous un nouveau jour, remettant en question ses engagements européens et les principes de l’État de droit qui sont au cœur de sa tradition politique à savoir le respect des décisions de justice.

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La Région bruxelloise va octroyer un droit de préférence aux locataires d’un logement mis en vente

Le Soir, 15 juin 2023

Être propriétaire permet-il de tout décider concernant son bien ? Et notamment à qui on veut le vendre ? Selon, la secrétaire d’Etat bruxelloise, Nawal Ben Hamou, la réponse est non. En effet, un projet d’ordonnance est actuellement soumis au Parlement, qui vise à accorder un droit de préférence aux locataires lorsque leur propriétaire souhaite vendre son bien. Ce projet porte donc directement atteinte au droit de propriété.

Rania Sabaouni, étudiante en droit à l’Université Saint-Louis - Bruxelles, sous la supervision de Nicolas Bernard, professeur de droit des biens à l’Université Saint-Louis - Bruxelles, le 28 juillet 2023

L’atteinte d’un droit de préférence au droit de propriété n’est pas contestée mais, selon Nawal Ben Hamou, elle est justifiée. Elle souhaite, par cette mesure, favoriser l’accès à la propriété et rétablir l’égalité entre les locataires et les propriétaires, tout en protégeant les locataires de l’envolée des prix des logements à Bruxelles.  

Comment ça marche ?   

Le droit de préférence projeté s’inspire d’un mécanisme prévu en France depuis 1989. Lorsque le bailleur souhaite mettre en vente son bien loué, il devra en informer préalablement son locataire, en lui transmettant une offre de vente. Le locataire aura alors un délai de 30 jours afin de se positionner par rapport à l’offre. Si celle-ci lui convient, il devient le nouveau propriétaire du bien. Sinon, le propriétaire peut se tourner vers d’autres acquéreurs.  

Mais même dans ce cas, le propriétaire reste tenu d’informer son locataire de sa volonté de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux que sa première offre ; et le locataire pourrait donc encore activer son droit de préférence parce que le prix a baissé.  

L’atteinte au droit de propriété est-elle proportionnée ?   

Le syndicat national des propriétaires, tout comme les fédérations des agents immobiliers, s’opposent fermement au projet. Ils prétendent que cela constitue une atteinte tout à fait disproportionnée au droit de propriété. Parmi les nombreuses préoccupations exprimées, il y a d’une part le risque de diminution de la valeur des biens loués (et de la hausse corrélative du prix des logements libres ou neufs). Et les propriétaires craignent, d’autre part, la complexité administrative inhérente à la mise en œuvre du droit de préférence. 

Le droit de propriété, garanti par l’article 16 de la Constitution, l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et l’article 1er du protocole 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, n’est pas pour autant absolu et se heurte à de nombreuses limitations, au nom de l’intérêt général. 

De telles limitations doivent cependant, selon la Cour européenne des droits de l’homme (§73 de l’arrêt référencé), “être mises en œuvre d’une manière non discriminatoire et satisfaire à l’exigence de la proportionnalité”. Pour ce faire, il faut s’assurer, tout d’abord, que la mesure a un but légitime. Du point de vue du gouvernement bruxellois, son intention de favoriser l’accès à la propriété au moyen d’un droit de préférence constitue une mesure appropriée pour atteindre un but légitime. 

Plus délicate et discutée ici, est la question de savoir si la mesure est “nécessaire dans une société démocratique”, et s’il n’y a pas d’autres manières d’atteindre le même but, en limitant moins le droit de propriété. Des conditions ont ainsi été ajoutées afin de réduire l’impact sur le droit de propriété. En effet, par exemple, seuls les locataires disposant de baux de longue durée pourront prétendre à ce droit. Les baux d’une durée égale ou inférieure à trois ans ne sont donc pas concernés. Par ailleurs, si un propriétaire souhaite vendre son bien à un membre de sa famille, le droit de préférence du locataire ne s’applique pas. Ou encore pas de droit de préférence en cas de vente d’un immeuble composé de multiples appartements. Toutes ces conditions permettent de limiter l’atteinte aux intérêts des propriétaires, et servent à justifier la proportionnalité de cette atteinte. Suffisamment? Question à laquelle seule la Cour constitutionnelle peut réellement répondre…   

Droit de préemption ou droit de préférence ? 

Dernière explication juridique : les commentaires de ce projet dans les médias recourent à deux expressions comparables, mais pourtant juridiquement distinctes : le “droit de préférence” et le “droit de préemption”. Le droit de préférence du locataire est une première en Belgique (rien de comparable n’existe en Flandre ni en Wallonie), mais il s’inspire d’autres mesures comparables en droit belge, qui organisent un droit de préemption. Il s’agit par exemple de la loi sur le bail à ferme. Lorsqu’un propriétaire d’un bien rural (un champ ou une prairie), qui est loué dans le cadre d’un bail à ferme, décide de le mettre en vente, il existe un droit de préemption octroyé au « fermier” (le locataire qui l’exploite, pour l’agriculture ou l’élevage, par exemple). 

Quelle différence, alors? Le droit de préemption permet à un acheteur d’acquérir un bien en priorité sur toute autre personne, et ce le plus souvent lorsqu’un contrat de vente a déjà été conclu avec un tiers. Le titulaire du droit de préemption peut alors acquérir le bien aux conditions de ce contrat. En revanche, le droit de préférence oblige le propriétaire à négocier en premier lieu avec le titulaire du droit de préférence, mais ne le contraint pas à vendre si les négociations n’aboutissent pas. Ainsi, le droit de préférence semble un peu moins contraignant que le droit de préemption. Un argument supplémentaire pour convaincre que la mesure est proportionnée?

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Pour Germain Mugemangango (PTB), il faut supprimer les facilités fiscales et sociales “pour faire pression » sur le groupe Delhaize 

La Libre, le 22 mars 2023

Le député wallon Germain Mugemangango (PTB) propose de supprimer toute aide économique, fiscale ou sociale dont bénéficie le groupe Delhaize pour combattre le projet de Delhaize de franchiser tous ses magasins. Selon lui : “ils font cette opération pour dégager un milliard d’euros pour racheter leurs propres actions. En d’autres termes, c’est un cadeau qui est fait aux actionnaires”. De telles suppressions, qui ne sont pas prévues par la loi, et prises pour "faire pression" sur le groupe Delhaize, seraient abusives.

Charlotte Gallée, étudiante en droit à l'Université Saint-Louis – Bruxelles // Pierre-Olivier de Broux, professeur de droit public à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, le 25 juillet 2023

Le 7 mars 2023, le groupe Delhaize a annoncé vouloir franchiser tous ses magasins en Belgique. Concrètement, cela correspond au transfert de 128 magasins à un indépendant ou à une autre entreprise, qui géreront le ou les magasin(s) racheté(s) en conservant seulement la marque “Delhaize”. 

Suite à cette décision, le député wallon ne mâche pas ses mots : “Delhaize bénéficie de facilités fiscales et sociales incroyables en Belgique. […] Ils ont droit à des réductions de cotisations sociales, des facilités fiscales, des aides régionales… Pourquoi donne-t-on autant d’argent public pour des emplois qui ne sont pas durables ?”. 

Quelles sont les facilités fiscales et sociales dont bénéficie le groupe Delhaize ? 

Le groupe Delhaize est une multinationale qui dispose d’un siège social en Belgique. Ceci leur permet effectivement de bénéficier d’un certain nombre de facilités fiscales et sociales. 

Ainsi, par exemple, diverses réductions de cotisations sociales sont régulièrement octroyées aux entreprises, pour favoriser leur compétitivité. Le législateur a ainsi accordé à toutes les grandes entreprises une réduction de 7,07% des montants dus pour les deux premiers trimestres de l’année 2023. 

Deuxième exemple : des facilités fiscales, particulièrement nombreuses et variées, peuvent s’appliquer aux entreprises, notamment les entreprises multinationales. Un mécanisme fiscal a par exemple été créé en 2006 (et sera supprimé en 2023) pour permettre la déduction fiscale d’une partie des montants investis par les sociétés dans du “capital à risque”, en principe au sein de leur propre société. Il s’agit d’une mesure qui était présentée par l’administration fiscale comme “novatrice et stimulante en matière de loi fiscale internationale”. 

La troisième affirmation du député PTB, relative à l’existence d’éventuelles aides régionales, est en revanche bien plus difficile à démontrer. Il semble très peu probable que le groupe Delhaize puisse bénéficier des régimes d’aides économiques directes (la grande distribution en est souvent privée), et Delhaize est le plus souvent exclue des autres aides économiques spécifiques. Par exemple, pour bénéficier d’une intervention de la Région wallonne dans la facture énergétique, suite à la guerre en Ukraine, l’entreprise demanderesse ne peut pas verser de dividendes (à savoir une part de ses bénéfices) à ses actionnaires. Delhaize, qui distribue chaque année des dividendes, ne peut donc pas bénéficier de ce type d’aides régionales. 

Supprimer les facilités de Delhaize serait abusif 

Supprimer tous les mécanismes fiscaux ou sociaux grâce auxquels le groupe Delhaize bénéficie d’argent public serait tout simplement contraire à chacune des lois concernées. Pour rendre possible la proposition du député PTB, il faudrait modifier chaque législation, en prévoyant les conditions dans lesquelles l’avantage fiscal ou social serait supprimé. Actuellement, ce n’est pas le cas, du moins pas pour les motifs invoqués par Germain Mugemangango. La proposition du député PTB est donc à tout le moins illégale. 

Mais en demandant la suppression de tous les avantages existant “pour faire pression” sur le groupe Delhaize, la proposition est même abusive. Les avantages sociaux et fiscaux ont été prévus dans un but d’intérêt général déterminé par chaque législateur. Ils ne peuvent donc être supprimés que dans la mesure ou ce but d’intérêt général n’est plus rencontré – c’est bien ce que fait le législateur fédéral en supprimant le mécanisme fiscal de “déduction pour capital à risque” à partir de 2023 pour TOUTES les entreprises.

Or, ici, la proposition vise une situation particulière – la restructuration du groupe Delhaize – et serait appliquée dans un but étranger à celui de la mesure sociale ou fiscale concernée. Le ministre qui suspendrait ou supprimerait telle ou telle aide individuelle, pour “faire pression” sur Delhaize, commettrait donc, comme nous l’avons déjà expliqué dans une autre situation, un détournement de pouvoir. 

Contacté par nos soins, Germain Mugemangango précise : “S’il est vrai qu’on ne peut agir de manière rétroactive, la seule volonté politique de vouloir changer les dispositions légales pour le futur constitue déjà une réponse politique à la situation. […] Sur le fond, il n’y a pas de difficultés légales à conditionner les aides de quelque manière que ce soit et notamment en partant du souci du maintien de l’emploi”.

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Le chef de corps de la zone de police Bruxelles-Midi disqualifie des propos racistes attribués au policier inculpé dans l’affaire ‘Adil’

Le Soir, 17 mai 2023

Le 16 mai, la chambre du conseil de Bruxelles devait se prononcer sur le renvoi devant le tribunal correctionnel des deux policiers inculpés dans l’ ‘affaire Adil’, ce jeune anderlechtois décédé à l’issue d’une course poursuite en 2020. Les policiers ont cependant demandé plus de temps pour examiner deux nouvelles pièces : le témoignage d’une policière et une plainte interne à la police qui imputent des propos racistes et xénophobes au principal policier mis en cause. Interrogé sur ces faits, le chef de corps de la zone Midi qualifie les propos de ‘beauf’ et de ‘déplacés’, mais sans intention raciste. Cette appréciation doit être recadrée en rappelant que le racisme et la xénophobie sont punis en droit belge

Diletta Tatti, assistante et chercheuse, Université Saint-Louis – Bruxelles, membre du Groupe de recherche en matière pénale et criminelle (GREPEC), le 6 juin 2023

Des propos explicites

Les propos attribués au policier et repris dans l’article du journal Le Soir sont très explicites : ‘bougnoule’, ‘bouns’ ou encore ‘vous enculez des chèvres dans vos pays d’origine, je ne comprends pas que vous ne mangez pas de porc’. Ils auraient été adressés à des collègues policiers d’origine étrangère, qui les auraient dénoncés à leur hiérarchie. À propos des faits ayant entraîné la mort du jeune Adil, le policier se serait en outre vanté ‘d’en avoir sorti un de la rue’.

Interrogé sur les faits, le chef de corps de la police Bruxelles-Midi explique ne pas avoir été personnellement à connaissance des plaintes, mais indique que le policier a fait l’objet d’un ‘recadrage’ par sa hiérarchie et a été muté de service, à la suite de quoi il n’a plus fait l’objet de plaintes. Aucune sanction disciplinaire n’a été prise.

À la suite de la parution de l’article, une enquête interne a été ouverte au niveau de la zone de police. Cependant, si ces propos sont avérés, on ne peut donner raison au chef de corps lorsqu’il les banalise et dit qu’ils ne sont pas racistes. Il est également problématique qu’aucune suite n’ait été donnée avant, ces faits étant passibles de poursuites pénales. Un détour par la législation belge en la matière nous semble nécessaire.

La loi antiracisme

La loi du 30 juillet 1981 a pour objectif de lutter contre des actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. Cette loi est fondée sur plusieurs critères protégés, ce qui signifie qu’il est interdit de discriminer des personnes ou des groupes de personnes sur la base de ces ceux-ci. Ces critères sont : la nationalité, une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

La loi prévoit des peines pour les personnes qui se rendent coupables de discrimination sur la base des critères protégés. Les peines prévues par la loi sont comprises entre un mois et un an d’emprisonnement, ou une amende comprise entre deux cent et huit mille euros.

Par ailleurs, la loi prévoit des peines plus sévères si l’auteur ou l’auteure de la discrimination représente l’autorité publique. Sont visés : les fonctionnaires, les officiers publics ou encore les agents de l’autorité ou de la force publique. Les policiers tombent donc dans cette catégorie, et encourent une peine d’emprisonnement de deux mois à deux ans s’ils sont reconnus coupables d’une discrimination envers une personne, un groupe, une communauté ou ses membres, en raison de l’un des critères protégés.

Le racisme comme circonstance aggravante

Le droit belge ne s’arrête pas là. Il faut en effet rappeler que la peine attachée à plusieurs infractions prévues dans le Code pénal est aggravée si celui ou celle qui commet l’infraction l’a fait dans un but discriminatoire. Parmi les mobiles aggravants, on retrouve la haine, le mépris ou l’hostilité à l’égard d’une personne en raison de sa prétendue race, de sa couleur de peau, de son ascendance, de son origine nationale ou ethnique ou encore de sa nationalité. L’aggravation de la peine s’applique notamment aux infractions de coups et blessures volontaires, de harcèlement, ou encore de non-assistance à personne en danger.

Des peines qui visent à éviter la récidive

Enfin, une loi de 2019 prévoit que le juge qui condamne à une peine alternative (peine de travail ou peine de probation autonome) pour des infractions à caractère raciste ou xénophobe peut donner des indications quant au contenu de la peine, qui devra s’effectuer en lien avec la problématique du racisme et de la xénophobie.

Cette loi fait suite aux recommandations du centre Unia qui souhaitait limiter la récidive en assurant une prise en charge adaptée des auteurs et auteures de ce type d’infractions, notamment par un accompagnement, une formation, ou encore un parcours de sensibilisation au racisme, à la xénophobie ou à la lutte contre les discriminations de manière générale.

Cette loi a surtout une portée symbolique : le juge peut toujours proposer des mesures alternatives en rapport avec la problématique particulière liée à une infraction. Elle montre cependant que la lutte contre le racisme et la xénophobie est une préoccupation constante du législateur.

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Yvan Verougstraete, vice-président du parti “Les engagés”, propose un référendum à deux tours à propos de mesures à prendre pour le climat par les entités fédérées et fédérale.  

La Libre, 23 mars 2023

Pour dénoncer la suppression du mécanisme de répartition des efforts climatiques à fournir par les entités fédérées et fédérale, Yvan Verougstraete propose de mettre en place un “haut conseil climatique” chargé de préparer des scénarios de mesures à prendre par les différentes entités. Ensuite, c’est la population qui choisirait le meilleur scénario, propose-t-il, par un référendum ou une consultation populaire à deux tours. Or, en droit belge, le référendum comme la consultation populaire sont en principe inconstitutionnels.

Lucia Naredo et Rania Sabaouni, étudiantes en droit à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, sous la supervision de Pierre Olivier de Broux, professeur en droit public à l’Université Saint-Louis, le 16 mai 2023

Les Engagés cherchent à instaurer un référendum à deux tours à propos de la répartition de la charge entre le fédéral et le fédéré concernant les mesures à prendre pour protéger le climat. Concrètement, il faut en effet déterminer comment la Belgique va respecter son engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre, par exemple. Et pour cela, il faut non seulement déterminer les actions à effectuer par secteur (la part des entreprises, des logements particuliers, du transport, etc.), mais aussi leur impact et leur répartition géographique (les mesures qui seraient relatives à l’agriculture n’auraient forcément pas le même impact sur la contribution flamande ou bruxelloise, puisqu’il n’y a pratiquement pas d’agriculture à Bruxelles). Pour choisir le scénario idéal, Yvan Verougstraete propose de recourir au referendum (ou à la consultation populaire). Cette idée se heurte cependant à un obstacle de taille : la Constitution.  

Avant tout, qu’est-ce qu’un référendum ?   

Un référendum est une invitation faite à l’ensemble de la population d’adopter ou de rejeter une option politique. Suite à un référendum, l’autorité qui l’a organisé est liée, en droit, par le résultat. La consultation populaire est un processus identique, mais qui n’est pas juridiquement contraignant : en droit, l’autorité qui l’a organisée peut prendre une décision finale différente (même si, politiquement, c’est souvent très improbable). 

Ces deux procédures sont souvent appréciées pour leur caractère plus démocratique et participatif à l’égard du citoyen. Le référendum n’est cependant pas autorisé en Belgique, et la consultation populaire ne l’est que de manière très exceptionnelle. 

Que prévoit la Constitution ?  

L’article 33 de la Constitution prévoit que les pouvoirs sont exercés conformément aux règles de la Constitution. Or, aucune règle constitutionnelle ne confère de pouvoir directement à la population belge. Le seul pouvoir du citoyen consiste à participer aux élections. Comme l’ont affirmé et réaffirmé depuis longtemps de nombreux experts, la Constitution ne permet donc pas l’organisation d’un référendum en Belgique.  

Il est vrai que, depuis 2014, la Constitution prévoit en son article 39bis que les Régions peuvent organiser des consultations populaires. Cette modification de la Constitution a donc confirmé que, dans toutes les autres situations, tant le référendum que la consultation populaire sont interdits. L’article 39bis impose en outre que la consultation populaire porte sur des matières exclusivement régionales. Or, la proposition qui concerne ici la répartition des efforts à fournir entre les trois régions et l’État fédéral, est par nature relative à une question qui n’est pas exclusivement régionale.  

Le projet des Engagés est donc inconstitutionnel dès le départ, ce qui peut à juste titre susciter des débats sur la place de cette procédure démocratique dans notre système politique. 

Contacté par nos soins, Yvan Verougstraete est d’accord avec l’analyse, mais souligne que “c’est le propre des politiques de proposer et de modifier les législations. Ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas possible aujourd’hui que l’on ne doit pas le défendre”. Lorsque nous rappelons qu’il faut modifier la Constitution, il ne s’agit selon lui que d’une question de “procédure” et des “majorités à obtenir pour pouvoir faire le changement”. S’il est rassurant que le vice-président des Engagés se dise averti des lourds obstacles juridiques qui pèsent sur sa proposition, il doit néanmoins en informer son public pour rester crédible. 

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Caroline Désir affirme qu’il n’y a actuellement « aucun cadre ni réglementation commune pour outiller ou orienter les écoles en vue de gérer des situations de harcèlement”

Le soir, le 24 mars 2023

Caroline Désir affirme qu’il n’y a actuellement "aucun cadre ni réglementation commune pour outiller ou orienter les écoles en vue de gérer des situations d’harcèlement”. Or, il existe des dispositifs juridiques permettant d’orienter les établissements scolaires pour faire face au harcèlement.

Surlignage réalisée par Rania Sabaouni, étudiante en droit à l’Université Saint-Louis –Bruxelles, supervisé par Christine Guillain, professeure à l’Université Saint-Louis – Bruxelles.

Le harcèlement scolaire est un fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans notre société. Ces derniers temps, les mouvements tels que « Move tegen pesten » ou les hashtags luttant contre le harcèlement scolaire, ont suscité une vive émotion sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte, Caroline Désir, ministre de l’Éducation de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), a affirmé qu’il n’y a “aucun cadre ni réglementation commune pour outiller ou orienter les écoles en vues de gérer des situations d’harcèlement”.

Toutefois, il est important de souligner que sur le plan juridique, il n’y a pas « rien ». En effet, plusieurs textes de loi existent pour encadrer la gestion de la violence et du harcèlement dans les établissements scolaires. Tout d’abord, l’article 3 du décret du 13 septembre 2008 qui porte création de centres psycho-médico-sociaux, permettant d’orienter les écoles afin de gérer les situations d’harcèlement.

Ensuite, un arrêté du gouvernement de la Communauté française du 15 septembre 2022 fixe les orientations et thèmes prioritaires de la formation professionnelle continue des membres de l’équipe éducative des écoles, jusqu’en 2030. Parmi ces priorités, figure la prévention, la gestion et la prise en charge des problématiques de violence et de harcèlement entres élèves, dont le cyberharcèlement (art. 17, c et d.).

Enfin, un autre arrêté du gouvernement de la FDW du 18 janvier 2008 impose, en son article 2, à l’école d’adopter un règlement d’ordre intérieur afin d’ériger certains comportements en “faits graves » dont “le fait d’exercer sciemment et de manière répétée sur un autre élève ou un membre du personnel de l’établissement une pression psychologique insupportable, par menaces, insultes, injures, calomnies ou diffamation » ou encore “le racket à l’encontre d’un autre élève de l’établissement ». Ces faits peuvent justifier l’exclusion définitive de l’élève. Malgré ces textes de loi, la gestion du harcèlement scolaire reste un défi de taille pour les écoles. Selon le rapport d’étude réalisé par le groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, le harcèlement est un problème qui touche de nombreux milieux, celui du travail, de l’école ou encore celui de la communauté en ligne. Les conséquences de ce phénomène peuvent être importantes pour les victimes, qui subissent des atteintes à leur santé mentale et physique, à leur bien-être, leurs relations interpersonnelles, leur travail ou leur scolarité. Les facteurs de risque pour le harcèlement sont multiples, pouvant être liés au genre, à l’âge, à l’orientation sexuelle, à la race ou encore, au statut socio-économique. Le rapport souligne la nécessité de prendre en compte ces facteurs pour mieux comprendre et prévenir le harcèlement. Les programmes de prévention et d’intervention doivent dès lors être adaptés en fonction du contexte et des facteurs de risque spécifiques, afin d’avoir un impact sur les taux de harcèlement et de diminuer les effets préjudiciables sur les victimes.

Les pouvoirs publics doivent continuer à renforcer le cadre juridique en la matière et à sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés par cette problématique cruciale pour notre société. Malgré les propos galvaudés de la ministre de l’Éducation, Caroline Désir, on ne peut qu’encourager son avant-projet de décret afin de lutter contre le harcèlement relatif à l’amélioration du climat scolaire et la prévention du harcèlement et du cyberharcèlement à l’école qui vient d’être adopté par la FDW.

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Le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a déclaré que “si vous arrivez de manière irrégulière, vous ne pouvez pas demander l’asile”.

Le Monde, 7 mars 2023

Lors d’une conférence de presse se déroulant le 7 mars 2023, le gouvernement britannique a présenté un projet de loi contre l’immigration illégale qui prévoit d’empêcher des migrants de demander l’asile au Royaume-Uni. À cette occasion, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a pris la parole.

Ilias Amechrouk, étudiant en droit, Université Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l’Université Saint-Louis –Bruxelles, le 30 avril 2023.
Le projet de la loi sur l’immigration illégale a été présenté à la Chambre des communes du Royaume-Uni le 7 mars dernier. Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a déclaré, lors d’une conférence de presse tenue à cette occasion, que les personnes qui arrivent de manière irrégulière sur le territoire, ne pourraient plus demander l’asile, ni bénéficier de protections “contre l’esclavage moderne. Vous ne pouvez pas faire de demandes fallacieuses liées aux droits humains et vous ne pouvez pas rester”.

Rishi Sunak a précisé que la future loi permettrait de placer toutes les personnes arrivant illégalement au Royaume-Uni en détention (le gouvernement prévoit la construction de nouveaux centres), puis de les renvoyer dans leur pays s’il est sûr ou, le cas échéant, dans un pays tiers considéré comme sûr, tel le Rwanda.

La future loi obligera le ministre de l’Intérieur à prendre des mesures pour expulser toute personne entrée illégalement au Royaume-Uni, sans autorisation d’entrée ou de séjour et qui ne vient pas directement d’un endroit où elle craint d’être persécutée. La dernière condition implique que le migrant n’ait pas traversé un “État sûr”, listée dans la loi, avant d’arriver sur le sol britannique. C’est, par exemple, le cas des migrants qui traversent la Manche pour arriver au Royaume-Uni, étant donné qu’ils passent par la France, un État listé comme sûr dans la loi.

Un projet qui a suscité des réactions …

Depuis 2018, le Royaume-Uni fait face à un afflux de réfugiés. Le nombre de personnes, qui arrivent par bateaux traversant la Manche, a augmenté ces dernières années jusqu’à atteindre plus de 45 000 migrants en 2022. L’immigration illégale est devenue un enjeu essentiel de la société britannique que le Premier ministre entend combattre.

Le projet de loi a néanmoins été vivement critiqué par plusieurs associations internationales. Yasmine Ahmed, directrice britannique de Human Rights Watch, a ainsi déclaré qu’ “interdire aux gens de demander l’asile est illégal, inapplicable et profondément inhumain”. Steve Valdez-Symonds, directeur des droits des réfugiés et des migrants auprès d’Amnesty International au Royaume-Uni, estime quant à lui qu’il “Il n’y a rien de juste, d’humain, voire de praticable dans ce plan, et il est franchement effrayant de voir des ministres tenter de supprimer les protections liées aux droits humains pour un groupe de personnes qu’ils ont choisi comme bouc émissaire de leurs propres échecs. Enfin, le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies a également fait part de son inquiétude: “cette législation, si elle est adoptée, reviendrait à bannir l’asile, c’est-à-dire qu’elle supprimerait le droit de demander l’asile au Royaume-Uni pour les personnes qui arrivent de manière irrégulière, quelles que soient la légtimité et la pertinence de leur demande, et sans tenir compte de leur situation personnelle”.

Mais qu’en est-il juridiquement ?

Les propos tenus par Rishi Sunak semblent incompatibles avec la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 , un accord international adopté par l’Organisation des Nations unies qui définit les droits des réfugiés dans le monde entier. La Convention définit un réfugié comme étant une personne qui fuit son pays parce qu’elle craint “avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”.

En refusant de prendre en considération les personnes entrées illégalement sur son territoire, le Royaume-Uni refuse de considérer un réfugié tel qu’il est défini par la Convention et manque ainsi à ses obligations internationales.

Par ailleurs, la Convention sur les réfugiés établit un principe fondamental, celui du “non-refoulement » en stipulant que les réfugiés ne peuvent pas être renvoyés dans un pays où leur vie ou leur liberté est menacée. Cependant, le gouvernement affirme que son plan d’envoi des réfugiés vers des pays, comme le Rwanda, respecte le droit international, en arguant que ce pays est considéré comme un pays sûr.

Enfin, le fait de renvoyer tous les migrants vers leurs pays d’origine ou vers un pays comme le Rwanda pourrait être considéré comme une expulsion collective, une pratique strictement interdite par l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention européenne des droits de l’Homme de 1963 qui impose un examen individuel et différencié de chaque demande d’asile.

La problématique soulevée ici n’est pas neuve. Pour rappel, le 13 avril 2022, le gouvernement britannique a conclu, avec le Rwanda, un protocole d’accord de partenariat en matière d’asile prévoyant que les demandeurs d’asile dont les demandes ne seraient pas examinées par le Royaume-Uni pourraient être transférés au Rwanda. Aucun réfugié n’a pour l’instant été expulsé vers le Rwanda en raison des procédures judiciaires en cours.

Ce fut également le cas du Danemark qui adopta en 2021 une loi permettant de conclure un accord pour qu’un pays tiers, hors de l’Union européenne, accueille les demandeurs d’asile et examine leur dossier. Cette externalisation du traitement des demandes d’asile pose donc d’épineuses questions au plan juridique.

 

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La STIB a mené une enquête sur le port de signes convictionnels 

La Libre, 21 février 2023

La STIB – la société publique bruxelloise de transports en commun – a réalisé l’été dernier une enquête auprès de son personnel portant sur le port de signes convictionnels au travail. Or, selon la Cour européenne des droits de l’Homme, un sondage qui n’a pas d’autre finalité que de conforter les préjugés inégalitaires d’une partie de la population à l’égard d’une minorité est problématique.

Rania Sabaouni et Edouard Van Dievoet, étudiants en droit à l’Université Saint-Louis— Bruxelles, sous la supervision de Sébastien Van Drooghenbroeck, professeur de droit constitutionnel à l’Université Saint-Louis — Bruxelles, le 30 avril 2023.

Suite à une décision rendue par le tribunal du travail de Bruxelles en mai 2021, condamnant l’entreprise bruxelloise de transports publics pour discrimination en raison des convictions religieuses et du genre, la STIB est chargée par le tribunal et par le Gouvernement bruxellois de repenser sa politique de neutralité, afin d’adapter son règlement de travail. Selon la STIB, c’est dans ce cadre que s’est inscrit – parmi d’autres éléments (entretiens individuels, groupes de discussion, journées thématiques) – un questionnaire en ligne sur la “perception des enjeux de la neutralité au sein de la STIB”. 

Certaines questions posées dans ce questionnaire, telle “Je me sentirais à l’aise si mon/ma collègue portait un ou des signes/vêtements à caractère philosophique, politique ou religieux au travail” ou “De manière générale, je préférerais que les signes/vêtements à caractère religieux ne soient pas portés au travail par les collaborateurs et collaboratrices de la Stib” sont particulièrement problématiques. Bien que la réalisation de ce type de sondage apparaisse comme une démarche objective, représentative et utile pour alimenter le débat autour du port de signes convictionnels, elle peut en effet revêtir un caractère discriminatoire.  

Ainsi, dans une affaire très similaire jugée par la Cour européenne des droits de l’homme, le ministère de la Défense du Royaume-Uni a institué un groupe d’évaluation sur la politique relative à l’homosexualité (GEPH), qui avait notamment distribué un questionnaire aux militaires. En analysant les réponses fournies à ce questionnaire, la Cour a estimé que “ces attitudes, même si elles reflètent sincèrement les sentiments de ceux qui les ont exprimées, vont d’expressions stéréotypées traduisant de l’hostilité envers les homosexuels à un vague malaise engendré par la présence de collègues homosexuels. Dans la mesure où ces attitudes négatives correspondent aux préjugés d’une majorité hétérosexuelle envers une minorité homosexuelle, la Cour ne saurait les considérer comme étant en soi une justification suffisante aux ingérences dans l’exercice des droits susmentionnés des requérants, pas plus qu’elle ne le ferait pour des attitudes négatives analogues envers les personnes de race, origine ou couleur différentes” (§ 97). La Cour affirme ainsi de manière assez explicite qu’on ne peut faire dépendre l’exercice des droits fondamentaux d’une minorité de la population (qu’il s’agisse d’une minorité religieuse, sexuelle,…) de l’avis ou du malaise de la majorité de cette population.  

Ces considérations valent également pour la préoccupation de la majorité du personnel relative au prosélytisme au travail (selon le questionnaire de la STIB, 76,5 % de ses membres demandent à en être protégés). Le prosélytisme est l’attitude qui consiste à tenter de convertir d’autres personnes à sa foi. Elle est inhérente à la liberté de religion (et d’expression), protégée par l’article 9 de la CEDH, qui implique la liberté de manifester sa religion. La Cour européenne des droits de l’homme (§46 de cet arrêt) reconnait toutefois que l’article 9 ne protège pas le “prosélytisme de mauvais aloi, tel qu’une activité offrant des avantages matériels ou sociaux ou l’exercice d’une pression abusive en vue d’obtenir des adhésions à une Église”. En outre, le prosélytisme peut se heurter à un droit dit absolu (qui ne peut être limité), celui de la liberté de conscience, également protégé par l’article 9 de la CEDH. La liberté de religion peut donc être limitée en faveur de la liberté de conscience, pour autant que cette mesure soit nécessaire à la protection des droits et libertés d’autrui. En revanche, une telle limitation ne saurait être justifiée par des préjugés ou un malaise de la majorité à son égard. 

C’est pour ces raisons que l’enquête menée par la STIB devra être utilisée avec la plus grande prudence, et qu’elle ne pourrait pas fonder des mesures ayant pour objet de limiter des libertés fondamentales. Son futur règlement de travail ne pourra pas s’appuyer sur une vision stéréotypée majoritaire chez son personnel, qui violerait la liberté de religion d’une minorité de ses membres. Le risque est grand, sinon, de traiter cette minorité de manière discriminatoire.

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Procès des attentats terroristes de Bruxelles : État des lieux sur le traitement des accusés 

Le Soir, 13 mars 2023

À l’occasion du procès des attentats de Bruxelles, la Cour d’assises de Bruxelles est devenue le lieu d’un second débat judiciaire relatif aux conditions de transfert et de détention des accusés. En effet, des mesures de sécurité de taille ont été mobilisées dans le cadre de ce procès qualifié d’historique : port d’un masque occultant lors des transferts et fouilles à nu avec génuflexions. Soutenus par leurs avocats, les accusés ont introduit une action en référé contre le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, pour se plaindre de traitements inhumains et dégradants et demander leur cessation immédiate.

Un état des lieux s’impose.

Amal Talhi, étudiante en droit, Université Saint-Louis - Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l'Université Saint-Louis - Bruxelles, le 19 avril 2023

Fouilles à nu et génuflexions 

Pour bien comprendre les enjeux de ce débat, il convient de rappeler en quoi consiste une fouille à nu. Basée sur l’article 28, § 3 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, la fouille à corps est une mesure de sécurité qui permet d’inviter, et a fortiori de contraindre, le détenu à se déshabiller afin d’inspecter, de manière externe, les cavités et ouvertures de son corps. L’objectif est de vérifier, pour reprendre les termes de la loi, que la personne n’a pas caché d’objet dangereux ou pouvant favoriser son évasion. Par souci de discrétion et de dignité, une telle mesure doit avoir lieu dans un espace fermé et par des membres du personnel de même sexe que le détenu.  

Dans le cadre du procès des attentats de Bruxelles, cette pratique, dispensée par la police fédérale, est accompagnée de génuflexions. Celles-ci semblent être opérées quotidiennement sur les accusés, lors de leur transfert au bâtiment Justicia à Evere où se tient le procès des attentats, en raison du contexte terroriste. Les accusés et leurs avocats ont introduit une demande en référé devant le tribunal de première instance de Bruxelles afin d’interdire à l’État belge d’imposer à chaque accusé une fouille avec mise à nu intégrale, remise de leurs vêtements pour inspection et impliquant plusieurs génuflexions, sans motivation adéquate. 

Se basant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le tribunal civil francophone de Bruxelles a considéré, dans une ordonnance du 29 décembre 2022, que pareilles fouilles constituent, par nature, des mesures humiliantes et embarrassantes pour les personnes qui doivent les subir. Le tribunal précise que ces fouilles ne sont pas toujours illégitimes et peuvent même s’avérer nécessaires pour assurer la sécurité, défendre l’ordre ou prévenir les infractions pénales. Elles constituent néanmoins un traitement inhumain et dégradant, prohibé par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, lorsqu’elles présentent un caractère prolongé, quotidien, général et systématique, qu’elles ne paraissent pas justifiées par un impératif de sécurité convainquant, dès lors qu’elles s’ajoutent à de nombreuses autres mesures de sécurité et qu’elles ne reposent pas sur une appréciation concrète des circonstances et de la menace que représente chacun de ceux qui doivent les subir individuellement, et que leurs modalités concrètes sont laissées à l’appréciation des fonctionnaires de police qui les pratiquent, si bien que les variations qu’elles présentent peuvent donner un sentiment d’arbitraire à ceux qui les subissent  

L’État belge a fait appel de cette ordonnance. Dans la foulée, le ministre de la Justice a adopté, le 2 janvier 2023, une nouvelle directive relative au transfèrement par la police fédérale des justiciables, dans laquelle il rappelle que la procédure de fouille est adaptée afin d’éviter le déshabillage complet du détenu.  

Entretemps, une délégation du Conseil Central de Surveillance Pénitentiaire (CCSP) s’est rendue à la mi-janvier à la prison de Haren en vue d’assister à une fouille à nu imposée aux détenus. Le constat est sans appel : nonobstant l’ordonnance du tribunal, il est toujours demandé aux détenus de faire des génuflexions afin de démontrer qu’ils ne cachent rien dans les replis de leur anatomie et qu’ils restent intégralement nus durant la fouille sans possibilité de soustraire leurs parties intimes à la vue des policiers. Suite à ces constatations, le Conseil a émis plusieurs recommandations. Parmi elles, l’exigence qu’une fouille au corps soit décidée sur la base d’indices individualisés, l’identification des policiers qui procèdent à ces fouilles et un déshabillage dit par étapes (permettant d’avoir une partie du corps couverte pendant que l’autre est fouillée).  Le but étant de prévenir tout geste humiliant ou à caractère vexatoire, d’autant que ces fouilles se déroulent quotidiennement multipliant le risque d’incidents.  

Dans un arrêt du 13 mars 2023, la Cour d’appel de Bruxelles a confirmé l’ordonnance du tribunal de première instance. Les fouilles à nu avec génuflexions auxquelles sont soumis les accusés avant leur transfert de la prison vers le bâtiment Justicia, où se déroule le procès, doivent immédiatement cesser. La Cour va même plus loin et affirme que les fouilles corporelles litigieuses avec génuflexions, pratiquées par les officiers de police sont illégales dès lors qu’elles ne trouvent appui ni dans l’article 28, § 3 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992, ni dans les travaux préparatoires relatifs à cette disposition, ne répondant ainsi pas aux exigences de l’article 8, § 2 de la Convention EDH qui précise que toute ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée doit être prévue dans un texte légal. 

En effet, selon la Cour d’appel, si la disposition légale invoquée par l’État belge prévoit certes la possibilité de soumettre les individus à des fouilles à nu, elle n’autorise pas que la personne puisse être contrainte par les officiers de police à effectuer des génuflexions pour permettre l’examen visuel de ses cavités et orifices. En somme, la Cour d’appel de Bruxelles considère que les fouilles à nu des justiciables avec génuflexions s’opèrent sans base légale et qu’elles sont dès lors illégales et contraires à l’article 8, § 2 de la Convention EDH. Le but étant ici de d’assurer aux intéressés le degré minimal de protection dans une société démocratique.  

Le port de lunettes occultantes durant les transferts 

Outre les fouilles, les accusés se plaignent également des conditions de transfert de la prison vers la Cour d’assises durant lesquels ils font l’objet de privations visuelles. 

Le gouvernement belge les justifie par des motifs d’ordre et de sécurité :  loin de viser à humilier ou à rabaisser les détenus, ces mesures seraient nécessaires afin d’empêcher les détenus de connaître et de repérer les détails du parcours ainsi que les moyens de sécurité déployés et les méthodes utilisées par les policiers, afin de parer à toute tentative d’évasion et réduire les risques d’agression envers les fonctionnaires de police chargés de leur surveillance. Sur ce point, le tribunal donne raison à l’État belge : même si la mesure doit rester exceptionnelle, elle peut être justifiée par la gravité extrême des faits commis, qui justifie qu’un niveau 3 de menace ait été retenu par l’OCAM et paraît raisonnablement proportionnée aux objectifs légitimement poursuivis, étant, par exemple, moins invasive que l’encapuchonnement, tandis qu’une simple opacification des fenêtres des véhicules de transport ne permettrait pas d’atteindre tous ces objectifs . 

Toutefois, sous l’angle du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), pareilles mesures doivent être considérées comme litigieuses. Il ressort en effet des visites faites par le CPT en 2013 et 2017, que la pratique consistant à obstruer la vue/ouïe doit être abolie, car la privation sensorielle intense et continue peut entraîner des pressions psychologiques fortes et à terme, s’apparenter à un traitement inhumain et dégradant 

Dans son arrêt du 13 mars 2023, la Cour d’appel de Bruxelles décide quant à elle, eu égard aux explications de l’État belge, que le port de lunettes occultantes imposées aux accusés n’est justifié que pendant leurs transferts vers le bâtiment Justicia et au retour vers la prison de Haren. L‘imposition de cette mesure à d’autres moments par l’État belge est considérée, par la Cour, comme manifestement déraisonnable, compte tenu des autres moyens déployés, à savoir la présence de nombreux policiers aux différents points de transfert, les masques qui couvrent le visage de chaque policier et les menottes et gilets pare-balles que portent les accusés.  

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Olivier Vandecasteele sauvé par la Cour constitutionnelle ?

Le Soir, 3 mars 2023

Dans notre surlignage du 15 novembre 2022, nous avons fait état de la suspension, le 8 décembre 2022, par la Cour constitutionnelle, de la loi du 30 juillet 2022 portant assentiment au traité belgo-iranien organisant le transfèrement des condamnés.

La Cour constitutionnelle vient de rejeter, dans son arrêt n°36/2023, le recours en annulation à l’encontre de cette loi.

Quelles sont les conséquences de cet arrêt ? Cela signifie-t-il qu’Olivier Vandecasteele pourra prochainement être libéré ?

Cathy Bodson, étudiante en droit, Université Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, le 10 mars 2023

La plus haute instance juridique belge a rejeté, le 3 mars 2023, le recours en annulation à l’encontre du 30 juillet 2022 portant, notamment, assentiment  au Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées. 

Quelles sont les motivations de la décision de la Cour constitutionnelle ?  

Les parties à l’origine du recours en annulation invoquaient une violation du droit à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la loi attaquée permettrait “le transfèrement […] d’une personne qui a été condamnée pour avoir commis des infractions terroristes avec le soutien de l’Iran”, alors que “la Belgique sait ou devrait savoir que le transfèrement […] sera suivi de sa grâce et de sa libération dès son arrivée sur le territoire iranien”.

La Cour rappelle les limites de sa juridiction: elle ne peut se prononcer que sur la constitutionnalité d’une norme de droit. Or, le recours en annulation ne porte pas sur la loi elle-même, mais sur son application. La Cour se déclare dès lors incompétente pour se prononcer sur une éventuelle inconstitutionnalité de l’application d’une norme, s’agissant de la prérogative d’un juge.

Deux autres moyens ont été soulevés par les requérants qui ont également été rejetés par la Cour constitutionnelle.  

D’une part, l’autorité de la chose jugée des condamnations ne serait pas préservée. Les parties requérantes “font grief au traité du 11 mars 2022 de ne pas prévoir, d’une part, que les autorités compétentes de l’État d’exécution [à savoir l’Iran] sont tenues de respecter les constatations de faits auxquelles ont abouti les juridictions de l’État de condamnation [à savoir la Belgique] et, d’autre part, que la peine d’emprisonnement ne peut être convertie en une simple peine pécuniaire”. À ce sujet, la Cour constitutionnelle rappelle que les transfèrements interétatiques n’ont pas pour objectif de modifier la nature ou la durée de la condamnation ou de remettre en question la culpabilité du condamné. 

D’autre part, les victimes ne disposeraient pas d’un droit à un recours effectif quant à la décision de transfèrement. Bien que la Cour admette qu’il n’y ait aucun recours actuellement prévu, contrairement à ce qui est prévu pour les victimes en matière d’exécution des peines, elle précise qu’il s’agit d’une lacune dans la législation belge et non d’une inconstitutionnalité découlant du traité belgo-iranien. Évoquant l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un recours effectif, la Cour invite le Gouvernement belge à veiller à ce que les victimes soient informées d’une décision de transfèrement.  

Et après ?  

Si le recours en annulation a été rejeté par la Cour constitutionnelle, elle assortit cependant sa décision d’une réserve imposant au Gouvernement belge de veiller à ce que les victimes soient informées de toute décision concernant un transfèrement. Celle-ci vise à permettre aux victimes de pouvoir exercer un recours effectif, en soumettant la décision au contrôle de légalité d’un juge. 

Le conditionnement, par la Cour, du transfèrement d’un condamné à l’information des victimes, laisse ainsi planer le doute sur un retour effectif d’Olivier Vandecasteele en Belgique. 

En effet, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) a annoncé avoir l’intention d’user du “droit de contrôle octroyé aux victimes par la Cour pour empêcher la libération de ce terroriste”. Pour le CNRI, la libération d’Assadolah Assadi constituerait “une violation de la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies contre le terrorisme et encourage[rait] le régime des mollahs à poursuivre et intensifier les prises d’otages et le terrorisme”.  

De son côté, le cabinet du Premier ministre a déclaré que “les mesures nécessaires vont maintenant être prises pour finaliser le traité, en tenant compte de l’arrêt de la Cour constitutionnelle”. Il se réjouit qu’un tel outil juridique existe, afin de “permettre le retour d’Olivier Vandecasteele”. Quant à l’Iran, il se dit prêt à procéder à l’échange de prisonniers avec le diplomate Assadolah Assadi.  

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La N-VA désire que « le parlement puisse, par exemple avec l’accord de deux tiers de ses membres, rejeter un arrêt de la Cour constitutionnelle ».

De Standaard, 28 février 2023  

Selon la N-VA, le contrôle des lois par la Cour constitutionnelle mettrait à mal la démocratie. Ces juges, non élus, limiteraient la marge de manœuvre des parlementaires en faisant preuve d’activisme. Ce serait spécialement le cas lorsqu’ils jugent sur des droits sociaux et économiques (allocations familiales, remboursement des soins, etc).

La N-VA propose alors la mise en place d’un "Volksberoep" ou "Recours du peuple". Si la Cour constitutionnelle devait annuler une loi, le parlement pourrait renverser l’arrêt de la Cour constitutionnelle avec l’accord d’au moins deux tiers de ses membres. Ce mécanisme rendrait le pouvoir à celles et ceux qui ont été élu·es par le peuple, comme ce serait déjà le cas au Canada ou existe la notwithstanding clause / clause dérogatoire. 

Les constats de la N-VA qui justifieraient ce "Volksberoep" doivent être nuancés ou même réfutés. Ce "Volksberoep" est, quant à lui, inconstitutionnel.

Pierre Bellemans, assistant en droit constitutionnel à l’Université Saint-Louis Bruxelles, le 20 mars 2023

La Cour constitutionnelle est activiste : théoriquement peu probable et pratiquement faux.

D’un point de vue théorique, la Cour constitutionnelle, en raison de sa composition et de son mode décision, peut difficilement être qualifiée d’activiste. 

Celle-ci compte douze juges. Six juges sont d’anciens et anciennes parlementaires, 6 juges sont des juristes de profession. Six juges sont francophones, six autres sont néerlandophones. Un tiers des juges au minimum doit être de l’autre sexe (ex : minimum quatre juges hommes sur les douze juges). Ces juges ont été élus à vie par le parlement à une majorité des deux tiers. Cette majorité renforcée permet de dépasser les clivages linguistiques et partisans. Cette composition a pour objectif d’assurer un équilibre idéologique au sein de la composition de la Cour et de garantir sa légitimité de celle-ci. 

Le mode de décision de la Cour rend aussi tout activisme impossible. Celle-ci statue à sept minimum et par consensus. En d’autres termes, les juges qui sont de langues différentes et d’idéologie différentes, doivent se mettre d’accord avant de rendre un arrêt. 

En somme, la composition de la Cour constitutionnelle reflète le paysage idéologique de notre pays et le mode de décision assure qu’aucune idéologie ne surpasse une autre. 

En pratique enfin, la Cour n’annule que très rarement des lois. Il s’agit de l’exception et lorsqu’elle annule c’est souvent pour permettre à la Belgique de respecter le droit international. De plus, celle-ci module expressément la portée de son contrôle en fonction de la nature du droit en cause afin de laisser une plus grande marge d’appréciation à l’État. La Cour se montre plus réticente à sanctionner une loi sur base de la violation du droit à l’aide sociale que sur base du non-respect du principe d’égalité et non-discrimination.  

« Certains juges semblent avoir très peu de foi en ceux qui sont directement élus par le peuple, et décident à leur place… » : faux.  

Avant toutes choses, la Cour constitutionnelle vérifie que les lois respectent la Constitution, et notamment les droits fondamentaux. La Cour constitutionnelle est la seule à assurer ce contrôle. Ce pouvoir découle directement de la Constitution  

En général, la Cour constitutionnelle se limite à annuler la loi, mais ne l’écrit pas elle-même. La séparation des pouvoirs est donc respectée. Une fois qu’un arrêt d’annulation est rendu, les élu·e·s peuvent adopter une nouvelle loi sur le même sujet. Ils doivent seulement respecter ce qu’a dit la Cour dans son arrêt. D’ailleurs, la Cour constitutionnelle émet souvent dans ces arrêts d’annulation des pistes que le législateur pourrait suivre afin de réparer ses erreurs. Ce contrôle découle du concept d’État de droit. Celui-ci exige que tout le monde (les élu.es, les citoyen.nes, les juges, …) respecte les règles de droit. Il s’agit d’une garantie contre l’arbitraire et l’abus de pouvoir des parlementaires. 

L’État de droit est une condition indispensable de la démocratie. Sa fragilité a été révélée par les régimes dont les lois, adoptées par les élus du peuple, ont mis en place des systèmes autoritaires et/ou racistes. C’est pour prévenir ces dérives que la grande majorité des démocraties, ont décidé de se munir d’une Cour constitutionnelle. Celle-ci veille à ce qu’un groupe d’élu·e·s n’adoptent pas une loi qui serait contraire aux droits les plus fondamentaux, par exemple d’une minorité linguistique. 

« Dans l’État de droit, la démocratie doit primer«  : à nuancer.  

Cette phrase avance, à tort, que le « Volksberoep » serait une avancée démocratique. Pour l’instant, la seule manière de renverser, indirectement, un arrêt de la Cour constitutionnelle est de modifier la Constitution. Or, une telle modification passe par une procédure lourde et stricte. Celle-ci demande notamment la tenue d’élections afin que les citoyen·ne·s puissent donner leur avis sur cette modification. Grâce à ces élections, les citoyen·ne·s peuvent, par exemple, voter pour un ou une élu·e en fonction de sa promesse de campagne concernant la modification de la Constitution en question. Les citoyen·ne·s ont donc la possibilité de se prononcer en faveur ou en défaveur d’une telle modification de la Constitution avec l’effet que cela entraine sur la lecture qu’en fait la Cour constitutionnelle. 

La N-VA propose que les élu·e·s puissent, par le biais d’une loi, renverser un arrêt d’annulation de la Cour constitutionnelle. Or, dans ce cas, les citoyen·ne·s ne peuvent pas se prononcer sur l’opportunité du « Volksberoep » par le biais des élections. Le mécanisme est donc moins démocratique que celui existant aujourd’hui.  

De plus, l’État de droit nécessite le respect du principe de la séparation des pouvoirs. Or, le système proposé créé un déséquilibre dans la séparation des pouvoirs. Le Roi, le parlement et les juges sont indépendants. Par exemple, la Cour constitutionnelle se limite à défaire les lois, sans toutefois les écrire. Avec le mécanisme du « Volksberoep », les parlementaires peuvent juger à la place de la Cour et lui imposer leur version finale. L’équilibre est donc rompu. 

Enfin, comme le souligne Patricia Popelier, professeure à l’Universiteit Antwerpen1, la Démocratie et l’État de droit ne doivent pas spécialement primer l’un sur l’autre. La première légitimise les élu·e·s, le second empêche leurs excès de pouvoir.  

Le « Volksberoep » tel que présenté aujourd’hui par la N-VA n’est pas comparable au mécanisme de la notwithstanding clause / clause dérogatoire en vigueur au Canada.  

Le mécanisme canadien permet aux législateurs canadiens de maintenir une loi qui a été jugée contraire aux droits fondamentaux. Ce système est fort critiqué et souvent utilisé sur des questions communautaires. En toute hypothèse, une telle loi ne peut durer que cinq ans, soit la durée d’une législature. Ainsi, les citoyen·ne·s peuvent sanctionner ou redonner leur confiance aux parlementaires qui ont utilisé la clause dérogatoire. On retrouve ici la garantie démocratique de la participation directe des citoyen·ne·s, tout comme pour la modification de la Constitution belge. Une garantie qui n’est pas prévue par la N-VA. 

Par quelque côté qu’on l’aborde, la proposition de la N-VA est donc inconstitutionnelle. Et s’il fallait admettre alors une modification de la Constitution, une telle modification porterait en réalité atteinte tant à la démocratie qu’à l’État de droit.

(mise à jour du 23 mars 2023) Contactée par nos soins, la N-VA reconnaît la nécessité de modifications structurelles des textes constitutionnels pour mettre en oeuvre ses propositions, en soulignant que « c’est précisément la tâche de chaque parti politique de faire des propositions qu’il estime bénéfiques pour la société, quel que soit le processus à suivre ». Elle ajoute que ses propositions « sont actuellement soumises à la démocratie interne du parti et sont le fruit d’un travail d’étude solide et d’exercices de réflexion créative ». Cette réponse s’abstient cependant de réagir à la violation potentielle de l’Etat de droit que nous dénonçons.

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La Belgique ne devrait appliquer que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par lesquels elle a été condamnée. Une proposition de Sander Loones (NV-A).

De Standaard, 28 février 2023

Depuis plusieurs années, la N-VA, parti nationaliste flamand, dénonce les “juges militants” de la Cour européenne des droits de l’homme, qui font du droit international un carcan qui empêche les Etats de prendre des dispositions qui leur semblent logiques. C’est la raison pour laquelle Sander Loones, député NV-A, propose que la Belgique ne soit contrainte d’appliquer que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par lesquels elle est condamnée. Un arrêt contre un autre État membre du Conseil de l’Europe ne devrait avoir aucun impact sur l'État belge, selon lui. Une telle affirmation est pourtant contraire aux traités européens.

Cathy Bodson, étudiante en droit, Université Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Pierre-Olivier de Broux, professeur à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, le 22 mars 2023

« Pourquoi nous soumettons-nous aux jugements de Strasbourg relatifs à d’autres pays, dans lesquels nous ne sommes pas nous-mêmes impliqués ?” : ce sont les mots prononcés par Sander Loones, député N-VA, à propos des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).   

Comme explicité par nos homologues français au sujet des propos de Nicolas Dupont-Aignan, de Marine Le Pen et de Guillaume Peltier, un telle question pose problème au regard du droit européen.  

Quelle est la valeur de la jurisprudence de la CEDH en Belgique ?  

Un arrêt de la CEDH a force obligatoire et l’état concerné doit exécuter la décision de la cour, ce qui est spécifié par l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme 

Dans l’affaire Irlande c. Royaume-Uni de 1978, la CEDH rappelle le rôle de ses arrêts : ils “servent non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les États, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de Parties contractantes”.  

Cela signifie donc que les juridictions nationales doivent “se plier à l’autorité de la chose jugée interprétée”, bien qu’une marge d’appréciation, “qui dépend des circonstances de l’affaire et des droits et libertés en cause”, soit laissée aux magistrats, en vertu du Protocole n°15 de la convention européenne des droits de l’homme.  

La proposition de la N-VA pourrait-elle être appliquée ?  

Si la proposition de Sander Loones était suivie par le monde politique belge, il y aurait deux manières de l’appliquer.   

La Belgique pourrait demander une modification de la Convention européenne des droits de l’homme et, plus précisément de son article 46. Cette modification devrait faire l’unanimité des membres du Conseil de l’Europe. Cependant, comme les Surligneurs France le soulignaient en 2022, “cela reviendrait à vider de son sens la Convention européenne des droits de l’homme puisque les États n’auraient plus à respecter son interprétation par la Cour”. Une telle révision semble dès lors peu probable.  

La deuxième possibilité pour la Belgique serait d’activer l’article 58 de la Convention européenne des droits de l’homme et ainsi se délier des obligations qui y sont prévues, en ce compris l’article 46, moyennant un délai de préavis de 6 mois. Toutefois, comme le mentionnent nos homologues français, “le Conseil de l’Europe a pris l’habitude de conditionner l’adhésion de ses membres à la ratification de la Convention européenne des droits de l’homme. Donc si un pays décide de sortir de la Convention, il paraîtrait logique qu’il soit aussi exclu du Conseil de l’Europe”.  

Sander Loones a-t-il vraiment envisagé toutes les conséquences d’une telle proposition ?

Contactée par nos soins, la N-VA n’a pas répondu à nos sollicitations.

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La requête en récusation du juge d’instruction Michel Claise 

Le Soir, 23 février 2023

Michel Claise, le juge d’instruction belge chargé de l’affaire du Qatargate, un dossier de corruption présumée au sein du Parlement européen, a dû se retirer provisoirement de l’affaire en raison d’une accusation de partialité formulée par Marc Tarabella, un eurodéputé inculpé dans le cadre de cette affaire. En effet, son avocat, Maxime Töller, accuse le juge Claise de présumer de la culpabilité de son client, en ayant utilisé le présent au lieu du conditionnel, dans la motivation du mandat d’arrêt décerné à l’encontre de son client. Mr Töller soutient ainsi : “Il s’agit de la façon dont le mandat d’arrêt est formulé. Il n’y a pas d’utilisation du mode conditionnel. Il n’est pas acceptable que dans le premier acte de procédure rédigé à l’encontre de M. Tarabella, on se base sur le principe qu’il est coupable, qu’il a accepté de l’argent. Nous contestons tout ce qui lui est reproché”.

Qu’est-ce qu’une requête en récusation ? Pourquoi en parle-t-on dans cette affaire ?

Charlotte Gallée, étudiante en droit, Université Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Christine Guillain, professeure à l’Université Saint-Louis –Bruxelles, le 19 avril 2023.

Michel Claise, le juge d’instruction belge chargé de l’affaire du Qatargate, un dossier de corruption présumée au sein du Parlement européen, a dû se retirer provisoirement du procès en raison d’une accusation de partialité formulée par Marc Tarabella, un eurodéputé inculpé dans le cadre de cette affaire. En effet, Maxime Töller, l’avocat de M. Tarabella accuse le juge Claise de présumer de la culpabilité de son client en ayant rédigé son mandat d’arrêt au présent au lieu du conditionnel. “Il semble considérer pour acquis les faits à charge sur lesquels il enquête”, dit Mr Töller. 

Mise en contexte : L’affaire du Qatargate 

Il s’agit d’un scandale de corruption au sein du Parlement européen. L’affaire a éclaté en décembre 2022, mais les faits remontent à 2021. Plusieurs eurodéputés sont accusés d’avoir accepté d’influencer les décisions en faveur du Maroc et du Qatar en échange de sommes d’argent. L’enquête est dirigée par le juge d’instruction Michel Claise, spécialiste de la criminalité financière, et l’Office central pour la répression de la corruption. La justice belge déclare qu’un pays du golf est soupçonné “d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants à des tiers ayant une position politique et /ou stratégique significative au sein du Parlement européen”.  

C’est quoi une requête en récusation ? 

La requête en récusation peut prendre place dès qu’un magistrat, en l’occurrence ici le juge Claise, laisse planer un doute quant à son indépendance ou son impartialité. L’indépendance et l’impartialité sont deux éléments fondamentaux du procès équitable, consacré par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. L’indépendance implique que le juge doit être libre de statuer à l’abri de toute pression, même venant de son chef de corps. Il n’est dépendant de personne, ni des autres pouvoirs, ni de ses collègues. L’impartialité, quant à elle, impose aux juges de mettre de côté leurs croyances et préjugés et de rendre une décision juste et totalement neutre.   

À titre d’exemple, le juge d’instruction Joris Raskin a été récusé en 2018 au cours d’un dossier de fraude et de corruption dans le milieu du football belge (affaire dite du Football gate). Selon les avocats des inculpés, le juge Raskin manquait d’impartialité au cours de son enquête, étant donné qu’il appartenait à la commission des licences de l’Union belge de football. Suite à l’introduction d’une requête en récusation il s’est vu dessaisi de l’affaire. 

Les articles 828 à 847 du Code judiciaire règlent la matière de la récusation. L’article 836 du Code précise, qu’une fois la requête lancée, le juge concerné dispose de deux jours pour faire entendre son point de vue ou, au contraire, s’abstenir. Le juge Claise n’a pas manqué de faire entendre son désaccord sur cette requête. Il nie en effet toute accusation de partialité dans le cadre de cette affaire et ne voit aucune raison qui le pousserait à s’en écarter. 

Qu’en est-il aujourd’hui ? 

La Cour d’appel de Bruxelles a rendu son jugement le 14 mars 2023, Michel Claise n’est pas écarté de l’affaire du Qatargate. La requête en récusation a été rejetée par la Cour qui considère que le juge d’instruction n’a pas violé la présomption d’innocence de Marc Tarabella et n’a dès lors pas préjugé de sa culpabilité en rédigeant son mandat d’arrêt au présent.  

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Deux députées du MR portent plainte pour injure publique qualifiable de délit de presse, la cour d’assises peut-elle être saisie ? 

RTBF, 22 février 2022

À la suite d’un montage "injurieux et calomnieux" et des insultes à répétition sur les réseaux sociaux, les deux élues du Mouvement Réformateur (MR) Marie-Christine Marghem et Aurélie Czekalski ont porté plainte avec constitution de partie civile entre les mains d'un juge d’instruction.

La Cour de cassation a considéré, à plusieurs reprises, que les propos à caractère haineux et injurieux constituent un délit de presse et doivent dès lors être jugés par la cour d’assises. Cependant, à ce jour, la mise en place d'un procès d’assises reste difficile, particulièrement en ce qui concerne les délits de presse commis sur les réseaux sociaux.

Sefu Asha Amanda, étudiante en droit, Université Saint-Louis – Bruxelles // sous la supervision de Valentin Speleers, assistant à l’Université Saint-Louis - Bruxelles et à l’UCLouvain, Bruxelles, le 27 mars 2023.

Les injures publiques dont sont victimes les deux élues du Mouvement Réformateur peuvent être qualifiées de délit de presse. En effet, dans un arrêt du 7 octobre 2020, la juridiction suprême qu’est la Cour de cassation a considéré que les propos à caractère haineux et injurieux constituent un délit de presse. Seule la cour d’assises est compétente pour juger ce type de faits sur la base de l’article 150 de la Constitution.  

La Cour de cassation a, dans son arrêt du 6 mars 2012, définit le délit de presse comme “l’expression d’une opinion punissable dans un texte reproduit par voie d’imprimerie ou par un procédé similaire. La diffusion numérique constitue un procédé similaire”.  

En 1999, le Constituant a introduit une exception à l’article 150 de la Constitution, en ce qui concerne les délits de presse ayant pour fondement le racisme ou la xénophobie, ceux-ci relevant désormais de la compétence des tribunaux correctionnels. 

La révision de cet article a été faite « sous l’impulsion la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, faite à New York le 7 mars 1966 et approuvée par la loi du 9 juillet 1975« . Le but de cette correctionnalisation a été de mettre fin sans délai à toute forme de discrimination raciale, mais aussi d’éviter la propagation d’idées racistes, xénophobes ou négationnistes.   

Un écho à la récente condamnation, par une cour d’assises, de l’auteur de propos injurieux sur les réseaux sociaux  

Cette actualité fait écho à l’affaire qui a conduit la cour d’assises de Liège à condamner, par arrêt du 13 octobre 2021, un homme reconnu coupable de délit de presse, pour avoir tenu sur les réseaux sociaux, des propos haineux à l’encontre des femmes.   

La lourdeur de la procédure d’assises a-t-elle conduit à une impunité de fait en matière de délit de presse ? 

Par l’exception introduite à l’article 150 de la Constitution, le Constituant a souhaité confier au jury populaire, la compétence exclusive de statuer sur les délits de presse. Pourtant, les poursuites pour délits de presse se comptent sur les doigts d’une main. En effet, la lourdeur de la procédure d’assises ainsi que la difficulté qu’il y a à la mettre en œuvre pousse fortement le parquet à ne pas se saisir de ce type de dossiers.  

Débat au sein du corps électoral : conservation ou suppression de la cour d’assises ? 

Ces dernières années, un débat a pris place au sein du corps législatif belge, sur la suppression éventuelle de la cour d’assises car elle n’est que très rarement mise en place pour connaître de délits de presse.  

Les arguments invoqués pour la suppression de la cour d’assises tiennent essentiellement au temps que doivent consacrer les acteurs mobilisés par les procès d’assises et aux coûts considérables qu’ils génèrent, notamment en termes de sécurité.  

Davantage de poursuites en matière de délit de presse ? 

Le but poursuivi par les deux députées libérales est, notamment, d’inciter la justice à poursuivre les internautes se cachant derrière des pseudonymes.  

En se constituant partie civile et en provoquant l’ouverture d’une instruction, les deux élues veulent éviter que leur plainte soit classée sans suite par le parquet. Si la condamnation par la cour d’assises de Liège des propos tenus sur les réseaux sociaux doit être saluée, la saisine de la cour d’assises pour des délits de presse reste exceptionnelle. Rien n’exclut cependant, dans cette affaire, que les juridictions d’instruction décident de ne pas poursuivre cette affaire devant la cour d’assises, en prononçant un non-lieu. 

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Roberta Metsola déclare que « Le Parlement européen appelle à la création d’un tribunal spécial chargé de traduire en justice tous les responsables de crimes de guerre, des crimes imprescriptibles sur lesquels nous ne pouvons fermer les yeux » 

La Libre, 20 février 2023

Après près d’un de guerre entre la Russie et l’Ukraine, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a lancé un appel en faveur de la création d'un tribunal spécial chargé de juger les crimes de guerre commis par la Russie. Quel rôle joue la Cour pénale internationale ? Et le Parlement européen, que peut-il faire ?

Lucia Naredo, étudiante en droit à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, sous la supervision de Vincent Couronne, le 24 mars 2023

La Cour pénale internationale n’est-elle pas compétente? 

La Cour pénale internationale a été instituée dans le but de lutter contre ces mêmes crimes. 

En effet, dans le Statut de Rome, régissant la CPI, nous retrouvons en son article 5, les quatre catégories de crimes relevant de sa compétence : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.  

La compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les crimes de guerre en Ukraine suscite des interrogations, en raison de l’absence de la Russie et de l’Ukraine en tant que parties au Statut de Rome. Toutefois, conformément à l’article 12, §§ 2 et 3 du Statut de Rome, la CPI peut exercer sa compétence lorsqu’un État l’a acceptée moyennant une déclaration. L’Ukraine a ainsi fait deux déclarations, dont la seconde était pour une durée illimitée, permettant à la CPI de puiser sa compétence dans celle-ci. C’est ainsi que la CPI a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine ce vendredi 17 mars 2023 quand bien même la Russie n’a pas ratifié le Statut créant la CPI ni l’a reconnu.   

Que peut faire l’Europe? 

L’appel de Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, à la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes de guerre commis par la Russie a déclenché des hésitations quant aux actions concrètes que peut entreprendre l’Union européenne. 

 Concrètement, bien que la CPI soit compétente en la matière, le Parlement européen peut, quant à lui, contribuer à l’idée de ne pas laisser ces faits sans punition. C’est dans ce but que le Parlement peut adopter une résolution. Celle-ci permettrait d’interpeller le Conseil de l’Union européenne et l’inviter à prendre une position commune. Le Parlement européen a déjà adopté deux résolutions depuis le début de l’année :  le 19 janvier 2023 et le 16 février 2023 

Selon l’article 26 du Traité sur l’Union européenne, il appartient, en effet, au Conseil de l’UE d’élaborer la politique étrangère et de sécurité commune et de prendre les décisions nécessaires pour la mettre en œuvre. Cet article invite donc le Conseil à adopter des positions ou actions communes, qui, selon l’article 29 du TUE se définit comme étant « une position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique ». Comme par exemple, la position commune du 29 juin 1998 concernant l’interdiction des vols effectués par des transporteurs yougoslaves entre la République fédérale de Yougoslavie et la Communauté européenne ou la position commune relative à la Sierra Leone. L’adoption d’une position commune par le Conseil sur la création d’un tribunal spécial pourrait ainsi être adoptée par tous les États membres au sein des organisations internationales telles que l’ONU.   

Il est inévitable de défendre cette position commune au sein du Conseil de sécurité des Nations unies car c’est le seul à pouvoir créer ce tribunal spécial. En effet, ledit Conseil a pour vocation d’apporter une solution à un problème concernant le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Il l’a déjà fait à deux occasions, une première fois pour la ex-Yougoslavie (TIPY) et une seconde fois pour le Rwanda (TIPR). Pour ce faire, le Conseil de sécurité doit adopter une résolution, appellation donnée aux décisions du Conseil de sécurité. Ces résolutions trouvent leur fondement dans le Chapitre VII de la Charte des Nations unies. Conformément à l’article 27 de la Charte des Nations unies, elles doivent être prises par au moins 9 membres sur les 15 sans qu’il n’y ait de vote négatif de la part d’un des 5 membres permanents.  

En conclusion, lorsque Roberta Metsola appelle à la création d’un tribunal spécial chargé de traduire en justice tous les responsables de crimes de guerre, elle appelle en réalité à l’adoption d’une position commune par le Conseil de l’Union européenne. L’adoption de celle-ci permettrait que les pays membres adoptent ladite position et la défende au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, seul organe capable de créer un tribunal spécial.  

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Pierre-Yves Dermagne souhaiterait : “un système présidentiel belge”, dans lequel “on pourrait envisager une alternance des rôles linguistiques”.

RTL info, 5 février 2023

Lors d’une interview sur le plateau de RTL-TVI, Pierre-Yves Dermagne, le Vice-premier ministre PS, a fait part de son envie d’abolir la monarchie en Belgique. Il souhaiterait instaurer "un système présidentiel, dans lequel on pourrait envisager une alternance des rôles linguistiques". Or, pour changer à ce point le système, c'est une modification radicale de la Constitution qui s’imposerait.

Sherel Mata, étudiante en droit, Université Saint-Louis, sous la supervision de Pierre-Olivier de Broux, professeur en droit public, Université Saint-Louis, le 19 mars 2023.

L’interview du vice-Premier ministre PS, Pierre-Yves Dermagne, a été largement répercutée par la presse (dans LaLibre, Le Soir ou la RTBF, notamment), sans pour autant susciter beaucoup de réactions politiques. Son principal argument, aussi politique que juridique, n’est pas vraiment critiquable : il rappelle son attachement à l’égalité entre les hommes, à laquelle un système de monarchie héréditaire porte par nature atteinte – mais seulement en ce qui concerne la famille royale. Le ministre Dermagne évite cependant toute mention de l’obstacle principal au changement qu’il défend : la révision fondamentale de la Constitution. 

Au niveau de la procédure, tout d’abord. Afin d’insérer le régime présidentiel en Belgique, le processus de réforme constitutionnelle devra être appliquée pour espérer voir une modification du système politique belge. Ce processus commence par une déclaration de révision. Cette déclaration est une liste d’articles de la Constitution dits “ouverts à révision” qui doit être adoptée par le Parlement fédéral (la Chambre des représentant et le Sénat) et par le pouvoir exécutif fédéral (le Roi et son gouvernement). Elle entraîne automatiquement des élections, pour renouveler le Parlement fédéral, et lui permettre de modifier les articles “ouverts à révision”. Si le Parlement décide alors de les modifier, les nouveaux articles devront être adoptés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés dans chacune des deux chambres.  

Au niveau du fond, ensuite. La modification du régime politique belge aurait un impact sur la vie politique ainsi que sur les prises de décisions qui appartiennent actuellement au Roi. Une révision très large de la Constitution devrait être effectuée afin d’introduire le rôle présidentiel dans la Constitution et d’abroger ou de modifier tous les articles relatifs à la famille royale et aux pouvoirs royaux. Dans certains cas, les solutions sont assez simples à adopter, lorsqu’il suffit de remplacer le terme “roi” par celui de “président”.  Tel pourrait être le cas, par exemple, de l’art 110 de la Constitution qui confère le droit de grâce au Roi, droit qui pourrait assez logiquement être confié à un Président.  

En revanche, d’autres règles constitutionnelles seront bien plus compliqués à modifier car le système monarchique diffère fondamentalement du système présidentiel. Par exemple, l’article 85 dispose que le pouvoir royal est héréditaire. Il devra être remplacé par l’organisation d’élections présidentielles, dans un contexte belge très spécifique, et alors que de telles élections sont organisées de manière très différentes dans les multiples systèmes républicains dans le monde. Le Vice-premier ministre PS propose d’ailleurs une alternance linguistique dans le chef du futur Président. Mais comment l’organiser concrètement, dans une Belgique fracturée entre ses deux grandes communautés linguistiques? Les négociateurs d’une future constitution républicaine belge pourrait par exemple s’inspirer du modèle Suisse, dont le Conseil fédéral représente équitablement les différentes régions et communautés linguistiques. Ce conseil élit le président de la Confédération helvétique en son sein, pour un an. Un tel mandat annuel, en Belgique, pourrait ainsi permettre que le rôle présidentiel soit accordé aux trois communautés à tour de rôle. La fondation d’une république belge devrait également prévenir les blocages récurrents du système politique libanais, qui attribue les trois plus hautes fonctions du pays à ses trois communautés confessionnelles. L’alternance linguistique d’un président belge impliquerait en effet de se pencher également sur le rôle et l’appartenance linguistique du Premier ministre. 

Les ambitions de Pierre-Yves Dermagne nécessitent donc une révision majeure de la Constitution, ainsi qu’une très large majorité autour des solutions à apporter à des questions parmi les plus sensibles du système politique belge. Si, certes, le Vice-premier ministre a précisé qu’il n’envisageait pas de sitôt une telle réforme, celle-ci est en réalité très improbable. 

Contacté par nos soins, Pierre-Yves Dermagne n’a pas répondu à nos sollicitations.

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Philippe Defeyt considère les nouvelles mesures du gouvernement concernant le tarif social en matière d’énergie comme “discriminatoires”

La Libre, 7 février 2023

Ce 6 février 2022, le gouvernement De Croo a décidé de restreindre l'accès au tarif social élargi mis en place en réponse à la crise sanitaire puis énergétique. Selon Philippe Defeyt, économiste à l'Institut pour un développement durable, cette mesure est “scandaleusement discriminatoire”. “Un salarié ou un indépendant, qui a les mêmes revenus qu'un chômeur ou un pensionné, sera exclu du tarif social car il n'a pas le bon statut”, a-t-il déclaré.

Lucia Naredo étudiante en droit à l’Université Saint-Louis – Bruxelles et Pierre-Olivier de Broux, professeur à l’Université Saint-Louis-Bruxelles, le 23 février 2023

L’élargissement du tarif social en matière d’énergie décidé en 2021 s’est principalement appuyé sur le critère des revenus. La nouvelle mesure annoncée par le gouvernement entend revenir aux critères antérieurs, basés sur le statut des personnes (la loi vise essentiellement les personnes en situation de handicap et les bénéficiaires d’un revenu garanti aux personnes âgées ou d’un revenu d’intégration). Selon l’économiste, ce changement de critère va se traduire par une exclusion du tarif social de plus de 400 000 familles. Ainsi, par exemple, un indépendant ayant le même revenu qu’une personne en situation de handicap n’aura plus droit au tarif social, dès lors qu’il ne bénéficie plus d’un des statuts prévus par la loi. Philippe Defeyt dénonce cette décision et la qualifie de discriminatoire.  

Toutefois, ce n’est pas parce qu’une mesure peut paraitre injuste ou dénuée de sens qu’elle est discriminatoire. Le principe d’égalité, que nous retrouvons aux articles 10 et 11 de la Constitution interdit la discrimination active ou passive, c’est-à-dire de traiter différemment des personnes se trouvant dans une situation identique ou de traiter de façon identique des personnes se trouvant dans une situation différente. 

Pour être face à une situation discriminatoire il faut que la différence de traitement concerne deux catégories de personnes placées dans une situation comparable, comme le souligne très régulièrement notre Cour constitutionnelle. Afin d’affirmer que des personnes se trouvent dans une situation comparable, il ne suffit pas qu’ils présentent une caractéristique commune. La Cour de justice de l’Union européenne l’a également précisé dans de nombreux arrêts : « l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée ». Le seul fait de percevoir le même revenu ne suffit donc pas à établir qu’ils se trouvent dans une situation comparable. Les personnes qui pourront bénéficier du tarif social ont un statut particulier, obtenu par ailleurs, sur la base d’autres critères prévus par les différentes réglementations applicables. La situation de toutes les personnes percevant le même revenu n’est donc pas en soi comparable. 

En toute hypothèse, une différence de traitement est autorisée lorsqu’elle se fonde sur un critère objectif de distinction. Dans le cas présent, ce critère est le statut spécifique exigé par la loi. Pour être considéré comme objectif, il doit reposer sur des constatations de fait. Tel est indéniablement le cas des statuts octroyés par les CPAS, la direction générale des personnes handicapées ou le Service public fédéral des pensions. Aucun indépendant ni salarié ne peut y prétendre s’il ne répond pas aux critères spécifiques prévus, notamment d’âge ou d’invalidité, par exemple. Il s’agit de critères qui ne laissent aucune place à l’interprétation ou à la discussion. Dans ce contexte, le critère de distinction est donc objectif. 

Même si la mesure annoncée par le gouvernement soulève des questions importantes à propos de l’égalité des droits et de la lutte contre la précarité énergétique, elle ne peut donc pas pour autant être qualifiée de discriminatoire. 

Contacté par nos soins, Philippe Defeyt a défendu de manière circonstanciée les discriminations qu’il dénonce, en soulignant notamment l’importance des “pièges à l’emploi” pour les chômeurs, les salariés et les indépendants qui auraient des revenus inférieurs au revenu d’intégration sociale ou au revenu garanti aux personnes âgées. Il insiste sur le fait que “ces discriminations existaient avant février 2021; on les a juste rétablies”. Il conclut : “Il y a du pain sur la planche pour réformer le tarif social en profondeur (quand ?) et intégrer toutes les aides en matière énergétique”. Si la conclusion de Philippe Defeyt n’est pas critiquable en soi, la démonstration d’une discrimination n’est cependant pas établie par sa réponse, puisqu’il se limite à exposer les différences de revenus entre des catégories de personne qui ne sont pas manifestement comparables. 

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