La répartition des compétences en matière de financement des cultes, qui diffère selon les entités du pays, est une matière complexe en Belgique. Cet article a pour but d’illustrer comment fonctionne ce financement aujourd’hui et quelles sont les alternatives envisageables pour le futur.
Comment est réparti le financement des cultes en Belgique ?
En Belgique il y a 6 cultes reconnus ainsi que la conception philosophique non-confessionnelle. Le bouddhisme n’est pas reconnu, mais l’ASBL « Union bouddhique Belge » perçoit quand même une subvention.
En principe, les droits garantis aux cultes sont repris aux articles 19, 20 et 21 de la Constitution et le financement des cultes est repris à l’article 181, §1 de la Constitution. Son financement est néanmoins étalé et divisé entre l’État fédéral, les communautés et les régions, les provinces et les communes. Elles sont toutes responsables d’une partie du financement des cultes, depuis la réforme de 2001.
L’État fédéral est compétent s’agissant de la reconnaissance des cultes (Loi spéciale du 8 août 1980, art. 6 §1er, VIII, 6°) et du traitement des pensions des ministres des cultes (art. 181 de la Constitution). Les régions sont compétentes en matière de fabrication des structures de gestion pour des communautés cultuelles reconnues (par exemple, l’église), d’établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus (Loi spéciale du 13 juillet 2001) et en matière de reconnaissance des communautés locales. Suite à la répartition des compétences en Belgique, directement et indirectement, certaines matières sont également devenues des compétences communautaires et des compétences régionales. Par exemple, le transfert de la compétence de l’enseignement aux communautés a un impact sur le statut des professeurs de religion qui est défini par décrets (S. WATTIER, Le financement public des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelle, Bruxelles, Bruylant, 2016, p.104 à 128.).
Les communes ont l’obligation de “pourvoir au logement des personnes placées à la tête des paroisses et des succursales par le chef diocésain” et “l’indemnité du logement qui sera due lorsque le logement ne peut être fourni en nature”. Les provinces sont compétentes pour ces deux mêmes matières à l’égard des ministres des cultes islamique et orthodoxe (Art. 69, 9° de la loi provinciale) (S. WATTIER, ibidem, p.132 et 133.).
Toutefois, il faut noter que l’Église catholique a, lors de la création de la Belgique, bénéficié d’un arrangement différent. Afin de créer une communauté locale, il existait un principe administratif qui prévoyait qu’il fallait 200 à 250 croyants dans la commune tandis que l’Église catholique pouvait obtenir une paroisse dès lors qu’il y avait au moins 600 habitants dans la commune, peu importe leur religion. Cette différence provient du fait qu’à la création de la Belgique, pratiquement toute la population était catholique. Néanmoins, nous avons évolué vers une société pluraliste mais aucun changement n’a été apporté. Il faut également noter qu’il n’existe pas de base juridique à cette exception, il s’agit seulement d’une pratique administrative (S. WATTIER, ibidem, p.692 et 693.).
Comment pourrait-on modifier le système belge ?
Le financement des cultes et des communautés non-confessionnelles par l’État belge est aujourd’hui jugé dépassé par certains et de plus en plus de personnes appellent au changement.
Mais comment pourrait-on modifier ce système de financement mis en place depuis des centaines d’années? Le financement des cultes est inscrit aux articles 24, § 1 et § 3 ainsi qu’à l’article 181, § 1 de la Constitution; pour changer le contenu de ces articles, une révision de la Constitution est donc nécessaire, ce qui n’est pas si facile à faire.
Conformément à l’article 195 de la Constitution, pour pouvoir entamer une procédure de révision, le pouvoir législatif fédéral doit déclarer quels articles de la Constitution sont révisables. Après cette déclaration, la Chambre des représentants et le Sénat sont dissous de plein droit entraînant de nouvelles élections. Ce ne sont que les nouvelles chambres législatives qui seront compétentes pour procéder à la révision des articles qui figurent dans la déclaration de révision (M. UYTTENDAELE et M. VERDUSSEN, « Révision de la Constitution » dans M. Uyttendaele et M. Verdussen, (dir.), Dictionnaire de la Sixième Réforme de l’Etat, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 735.).
Pour changer le système actuel de répartition du financement il faudrait donc ouvrir les articles 24 et 181 de la Constitution à révision et ceux-ci pourront potentiellement être révisés à la suite des prochaines élections législatives.
Mais quelles alternatives au système belge pourrait-on envisager ?
Certains pays comme l’Italie et l’Espagne ont, quant à eux, opté pour un système d’assignation fiscale. Chaque personne choisit de payer un petit montant d’impôt au culte ou à une organisation non-confessionnelle de son choix. Ce système entraînerait un grand changement car on passerait d’un financement de postes individuels prédéfinis, l’État belge finance actuellement la pension des ministres des cultes et la pension des déléguées des organisations reconnues par la loi – à un financement où une somme globale serait attribuée à un culte qui devra ensuite la répartir de manière autonome (S. WATTIER, op. cit., p. 818-819.).
Ce changement de système apporterait aussi son lot de questions concernant sa compatibilité avec notre Constitution car plusieurs droits fondamentaux qui y sont consacrés, comme le respect à la vie privée, le droit de ne pas révéler ses croyances et biens d’autres encore pourraient potentiellement entrer en conflit avec l’assignation fiscale. Celle-ci nécessite en effet de choisir une croyance à subventionner et donc de révéler sa « croyance » ou « non-croyance » (S. WATTIER, op. cit., p. 818-819.).
En France, on peut observer un système encore différent puisque l’État et l’Église sont complètement séparés. Cette abstention de financement est consacrée à l’article 2 de la loi française du 9 décembre 1905. On peut y lire que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Alors que pour l’État belge, la laïcité laisse sous-entendre un traitement égalitaire entre les religions et les organisations non-confessionnelles de l’État, pour la France, elle signifie une abstention complète (p. 91) de tout financement des cultes par l’État. Cette séparation complète reste néanmoins théorique car en pratique on peut observer certaines formes de financement (p.99) prévues par la loi comme l’entretien des lieux de cultes érigés avant 1905 ou encore le financement de l’enseignement privé catholique. En Alsace-Moselle (p.101), les cultes catholique, israélite, protestant, protestant réformé et luthérien sont même reconnus et financés car le régime en place est encore celui du Concordat de 1801, remis en vigueur le 15 septembre 1944.
Il existe donc des alternatives au système belge de financement des cultes direct, notamment l’assignation fiscale ou la séparation complète de l’État et de l’Église. Ces systèmes, bien qu’envisageables, comportent néanmoins également des désavantages qu’il convient de prendre en compte s’agissant d’une éventuelle réforme.
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