En période où les logements se font rares, la secrétaire d’État Nawal Ben Hamou (PS) entend lutter contre les logements inoccupés. Le principal objectif est de remettre des biens sur le marché de la vente ou de la location afin de donner à toutes les personnes la chance de s’en procurer un. Parmi les instruments juridiques à disposition, existe une action en cessation (art. 23 du Code bruxellois du logement), c’est-à-dire une procédure judiciaire qui permet de faire cesser une infraction nuisant aux intérêts communs et, pour les biens inoccupés, de contraindre le propriétaire à mettre fin à la vacance de son logement. L’infraction immobilière peut ainsi cesser, par exemple, lorsque le propriétaire a repris l’occupation de son bien, l’a vendu ou l’a mis en location. Il est intéressant de préciser qu’une des particularités de l’action en cessation est qu’elle peut être lancée par une association. En effet, les associations visées à l’article 134 dudit Code, qui ont pour objectif la défense du droit au logement, peuvent accomplir des missions telles que fixées dans le Code bruxellois du logement. Une autre particularité de l’action en cessation est que le juge peut assortir sa condamnation d’une astreinte.
Cette action est prévue depuis 2009 dans le Code bruxellois du logement, mais, peu de condamnations ont été prononcées jusqu’à présent. La condamnation récente d’un propriétaire mérite dès lors qu’on se penche sur la problématique de l’inoccupation immobilière.
Qu’est-ce que l’inoccupation immobilière et à partir de quand y a-t-il infraction ?
L’interdiction de l’inoccupation immobilière en droit belge, comme dans d’autres pays, trouve son origine dans la volonté de lutter contre la pénurie de logements et d’encourager l’utilisation efficace des biens immobiliers. L’inoccupation immobilière est néfaste tant pour des raisons sociales qu’économiques. Des mesures législatives et réglementaires ont dès lors été introduites pour prévenir et réduire le nombre de vacances immobilières, favorisant ainsi une meilleure utilisation des ressources immobilières.
La compétence du logement a été régionalisée. Il appartient de ce fait aux autorités régionales de légiférer en la matière. Pour la Région de Bruxelles-Capitale, c’est le gouvernement bruxellois qui met en place les mesures relatives à l’inoccupation immobilière.
Au sens de l’article 19/2 du Code bruxellois du logement, un logement inoccupé est “l’immeuble qui n’est pas occupé conformément à sa destination en logement depuis plus de douze mois consécutifs”. Le Code nous précise donc que pour que les services publics puissent agir, l’inoccupation doit durer au minimum douze mois de manière consécutive. L’infraction immobilière démarre de ce fait à partir de la fin du douzième mois d’inoccupation.
L’article 19/3 du Code bruxellois du logement nous donne les critères de présomption d’inoccupation, à savoir les logements : 1° qui ne font l’objet d’aucun titre de résidence principale ; 2° ou aucun bail d’habitation n’a été enregistré ; 3° qui ne disposent pas du mobilier indispensable à son occupation ; 4° ou la consommation d’eau et d’électricité sont inférieur à une certaine valeur par an ; 5° qui ne peuvent pas être mis en location depuis plus de douze mois ; 6° déclarés inhabitables depuis plus de douze mois ; 7° ayant fait l’objet d’un procès-verbal d’infraction urbanistique suite à une modification illicite de la destination.
Comment se déroule la constatation de l’infraction ?
Selon l’article 20 du Code bruxellois du logement, il y a quatre étapes pour qu’un propriétaire soit considéré en infraction.
Tout d’abord, le propriétaire sera confronté à la constatation de l’inoccupation, où un agent du Service régional des logements inoccupés repère les infractions après une plainte ou de sa propre initiative. Il est important de noter que ces agents doivent respecter des plages horaires spécifiques, entre 8 heures et 20 heures, et prévenir les propriétaires avant leur visite.
Une fois l’infraction présumée constatée par procès-verbal, le Service régional des logements inoccupés envoie un avertissement au propriétaire. Si après 12 mois, le logement est toujours inoccupé, la Région bruxelloise informe les propriétaires qu’ils sont en infraction. Le propriétaire du logement inoccupé dispose de 3 mois pour la contester, à partir de l’envoi de l’avertissement. Le propriétaire peut ainsi indiquer que le bien n’était pas inoccupé ou que l’inoccupation était justifiée pour des raisons indépendantes de sa volonté ou pour un cas de force majeure, voire pour des raisons liées à la réalisation de gros travaux. En résumé, lorsqu’un propriétaire a un bien qui reste inoccupé plus de 12 mois, il ne sera pas d’office sanctionné. Il a toujours la possibilité de démontrer qu’il y avait de bonnes raisons que son bien immobilier soit inoccupé. Dans ce cas-là, l’action en cessation prendra fin n’ayant plus d’objet. Néanmoins, si après le délai de 3 mois, le propriétaire n’a pas contesté l’infraction qu’on lui reproche, il se verra imposer une amende administrative. Une fois l’amende envoyée, le propriétaire peut dans un délai de 30 jours, introduire un recours. Le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué à cette fin devra, dans un délai de trente jours à dater de la réception du recours, se prononcer sur l’inoccupation et l’imposition d’une amende. Si aucune décision n’est prise, l’amende ne pourra pas être imposée.
Une fois l’amende imposée, le service régional des logements inoccupés contrôle la situation du logement jusqu’à son occupation. De ce fait, une fois l’occupation constatée, l’infraction cesse.
Quelques chiffres
Le nombre d’habitations inoccupées est difficile à chiffrer mais certains estiment qu’il existe environ vingt mille logements inoccupés en Région bruxelloise. D’après une recherche de la VUB et de l’ULB, entre 17 000 et 26 000 propriétés seraient inoccupées. Il s’agit d’estimations car l’administration régionale n’a pas encore vérifié ces chiffres.
La ministre du Logement Nawal Ben Habou avait mandaté en 2021 des chercheurs de l’ULB et de la VUB pour cibler la vacance immobilière. Trois ans plus tard, après avoir vérifié les données sur le terrain, les résultats sont là. On estime en 2024 qu’en Région bruxelloise 4 500 logements sont vacants sur le marché immobilier et ainsi en infraction. Cette estimation sera réévaluée dans cinq ans.
En date du 30 octobre 2023, sur les dossiers ouverts pour logements inoccupés en Région de Bruxelles-Capitale, 214 propriétaires ont fait l’objet d’une amende administrative à la suite d’un avertissement de la Région bruxelloise, auquel ils n’ont pas répondu. De ces 214 propriétaires ayant fait l’objet d’une amende, nous n’avons pas trouvé d’informations sur le nombre de propriétaires qui ont été condamnés.
Ces infractions semblent de plus en plus fréquentes alors que le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale avait comme objectif, durant cette législature, de lutter contre les inoccupations immobilières. De plus, celui-ci prévoyait une meilleure identification des logements inoccupés afin de mieux pouvoir agir. La condamnation suite à la vacance immobilière est donc importante car pour la première fois, la Région bruxelloise elle-même a introduit l’action (et non plus uniquement une association ou une commune), ce qui laisse espérer une montée en puissance de l’outil. Toutefois, notons que l’action en cessation n’épuise pas la gamme des outils de lutte contre la vacance des logements inoccupés.
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