La Belgique est le quatrième pays d’Europe où la surpopulation carcérale est la plus importante, selon les statistiques du Conseil de l’Europe. De nombreux prisonniers n’y ont pas de lit, et dorment sur des matelas posés à même le sol. Les gardiens se mettent régulièrement en grève, en raison de leurs conditions de travail et du manque d’effectif.
Le problème n’est pas nouveau, loin de là. Suite à sa première condamnation dans l’arrêt Vasilescu c. Belgique du 25 novembre 2014 par la Cour européenne des droits de l’Homme (organe judiciaire du Conseil de l’Europe), la Belgique aurait dû prendre des mesures générales et structurelles pour garantir de meilleures conditions de détention et prévenir la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cependant, elle ne l’a pas fait, et s’en est suivi de nombreuses condamnations par la Cour européenne et par la justice belge. Le tribunal de première instance de Liège et celui de Bruxelles ont en effet condamné l’Etat belge (respectivement en 2018 et 2019) et, plus récemment, le tribunal de première instance du Hainaut a exhorté l’Etat belge, en juin 2023, à réduire la surpopulation carcérale de la prison de Mons.
Quelles sont les conséquences de cette surpopulation ?
L’excès de prisonniers n’est pas qu’une affaire de lits posés par terre : cette situation empêche les agents pénitentiaires de pouvoir travailler correctement et elle est à l’origine de mauvaises conditions de détention, notamment sanitaires. De plus, elle brise la confiance mutuelle entre les Etats membres de l’Union européenne. En effet, une situation comme celle que nous avions vécue en décembre 2022, où la justice néerlandaise refusait le transfert de détenus en Belgique à cause de la surpopulation carcérale, pourrait se répéter, tant que la Belgique ne mettra pas en place de réelles mesures pour y mettre fin.
En mars 2023, la Belgique a soumis un sixième plan d’action au Comité des ministres du Conseil de l’Europe (qui assure le suivi de l’exécution des arrêts de la Cour européenne). Le CCSP, Conseil central de surveillance pénitentiaire, a fait savoir que ce nouveau plan d’action ne permettait pas de résoudre les problèmes de surpopulation carcérale et le Comité des ministres a invité la Belgique à envisager des mesures contraignantes de régulation de la population carcérale.
Mais que s’est-il passé pour que la Belgique soit à nouveau pointée du doigt par le Conseil de l’Europe ?
Le premier septembre 2023, la dernière phase de la réforme « Van Quickenborne », visant à faire exécuter les peines de moins de deux ans (jusqu’ici très peu exécutées), est entrée en vigueur. Si les objectifs de cette réforme sont louables (lutter contre l’impunité et combattre la délinquance), elle n’arrive pas au bon moment, au vu de la situation de nos prisons, comme le soulignent certains directeurs de prison. Ils estiment en effet qu’« aucun effort n’assortit l’entrée en vigueur de la réforme » (Marc Brisy, directeur de la prison de Lantin).
Le Conseil central de surveillance pénitentiaire a directement réagi en soulignant que la réforme ne ferait qu’accentuer la surpopulation carcérale.
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une décision constatant que l’objectif qu’ils avaient recommandé à la Belgique, visant à limiter le nombre de détenus à 10 000, n’est pas maintenu.
En novembre 2023, 11 734 personnes étaient incarcérées, contre 11 224 l’année dernière, sachant que la Belgique n’a qu’une capacité de 10 432 places. Il s’agit donc d’une belle augmentation de prisonniers, alors que notre pays se sait surveillé par le Conseil de l’Europe et que, selon certains, « Les capacités des prisons sont parfois surestimées ! » (Vincent Spronck, pour Le Soir).
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe recommande de privilégier plus souvent les alternatives à la prison (surveillance électronique, la libération conditionnelle,..) ainsi que de créer une voie de recours pour les prisonniers souhaitant dénoncer le caractère inhumain et dégradant de leur incarcération. Il demande également à la Belgique que tous les détenus aient un lit et des sanitaires fermés. De plus, le Comité « appelle le Parlement et Gouvernement et les acteurs de la chaîne pénale à mettre en œuvre, sans délai, les recommandations fermes du Conseil de l’Europe » ainsi qu’à consacrer leurs efforts non pas sur l’augmentation de la capacité carcérale, qui ne résout pas le problème, mais sur la réduction de la surpopulation.
En conclusion, la Belgique est un Etat régulièrement condamné, tant par le Conseil de l’Europe que par sa propre justice pour sa surpopulation carcérale. Cette situation semble malheureusement loin d’être résolue aujourd’hui. Si pour l’instant seules des recommandations sont émises par le Conseil de l’Europe, la Belgique n’est pas à l’abri d’une nouvelle condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitement inhumain et dégradant.
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