Comprendre le concours d’infractions
Pour bien appréhender le concours d’infractions, il est essentiel de dissiper une confusion couramment opérée avec la récidive. Contrairement à la récidive, qui se produit lorsque quelqu’un commet une infraction après avoir déjà été condamné pour une autre infraction, le concours d’infractions survient lorsqu’une personne est accusée de plusieurs infractions distinctes, sans qu’aucune de ces infractions n’ait donné lieu à une condamnation préalable.
Prenons un exemple pour illustrer la distinction. Si une personne est condamnée pour un vol avec violences et est ensuite arrêtée pour un vol de véhicule, il s’agit d’un cas de récidive, car il y a eu une condamnation antérieure pour le vol avec violences. En revanche, si une personne est accusée à la fois de vol de véhicule et de fraude fiscale, sans avoir été condamnée précédemment pour l’une de ces infractions, cela constitue un concours d’infractions.
Cette distinction est cruciale dans le système judiciaire, car elle influe sur la manière dont les tribunaux déterminent les peines applicables.
Concours matériel versus concours idéal
Il est important de distinguer deux types de concours d’infractions.
D’une part, le concours matériel. Ce type de concours se produit lorsque les infractions poursuivies sont indépendantes les unes des autres. Par exemple, si une personne commet un vol avec violences, un viol et un homicide, ces infractions ne sont pas liées entre elles par une même intention délictueuse.
D’autre part, le concours idéal qui se produit lorsque les infractions sont reliées entre elles par une intention criminelle commune. Par exemple, si une personne commet une série de vols dans le but de financer sa consommation de drogues. Dans cette situation, on considère que toutes les infractions reflètent la même intention délictueuse et que ces multiples infractions ne forment entre elles qu’un fait pénal unique.
L’enjeu de cette distinction est crucial dans cette affaire.
Dans le procès des attentats de Bruxelles, la cour d’assises juge des actes commis à Bruxelles en 2016, formant un concours d’infractions avec ceux commis à Paris en 2015, pour lesquels Salah Abdeslam et Mohamed Abrini ont déjà été condamnés en France. En effet, au moment où ils ont commis les attentats à Bruxelles, ils n’ont pas encore été condamnés pour les faits commis à Paris, de sorte qu’il faut ici parler de concours d’infractions et non de récidive.
Reste à savoir si le concours d’infractions doit être qualifié de matériel ou d’idéal.
Pour la défense des accusés, les attentats de Paris et de Bruxelles forment un concours matériel d’infractions. Elle considère dès lors qu’aucune peine ne peut être prononcée en Belgique puisque leurs clients ont déjà été condamnés à la peine la plus forte en France, soit la réclusion à perpétuité.
Leur argumentation se fonde sur l’article 99 bis alinéa 1 du Code pénal qui prévoit que les condamnations prononcées par les juridictions pénales des autres Etats membres, produisent les même effets que les condamnations prononcées par les juridictions pénales belges.
Or, en cas d’un concours matériel, notre droit prévoit que seule la peine la plus forte peut être prononcée (article 62 du Code pénal). Dans ce cas, la cour d’assises belge doit tenir compte de la condamnation prononcée par la cour d’assises parisienne.
L’arrêt de la cour d’assises de Bruxelles
La cour d’assises belge affirme que les actes pour lesquels comparaissent les accusés constituent “la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse étant inscrits dans une vague d’attentats commandités depuis la Syrie par l’État islamique et exécutée sur le sol européen”.
La cour considère ainsi que les actes commis à Paris et à Bruxelles forment un concours idéal d’infractions et que, dans ce cas, elle n’est pas tenue par les condamnations prononcées par les juridictions pénales étrangères selon l’article 99 bis, alinéa 2, du Code pénal, mais uniquement de celles prononcées par les juridictions belges.
Il convient dès lors de différencier le cas de Salah Abdeslam de celui de Mohamed Abrini.
Salah Abdeslam a été condamné en 2018 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles à une peine de 20 ans de prison pour la fusillade rue du Dries. Ce premier fait forme avec les attentats de Bruxelles un concours idéal d’infractions. Sa condamnation de 2018 ayant été prononcée par une juridiction belge, la cour d’assises doit en tenir compte.
Ainsi, la cour estime que la peine de 2018 “assure une juste répression de l’ensemble des infractions” et n’a pas prononcé de nouvelle peine à son encontre.
Dans le cas de Mohamed Abrini, si la cour estime également que l’ensemble des faits constitue un concours idéal d’infractions, elle n’est pas liée par la condamnation française. Comme l’explique Benoît Dejemeppe, dans plusieurs arrêts belges et européens, la jurisprudence a néanmoins précisé que les juges belges devaient « tenir compte d’une autre manière » des condamnations prononcées dans un autre État membre de l’Union européenne, par exemple en diminuant la peine. La cour d’assises a ainsi tenu compte de la décision française au titre de « circonstance atténuante » pour condamner Mohamed Abrini, non à la réclusion à perpétuité, mais à une peine de 30 ans de réclusion.
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