Le lundi 28 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a publié sur son compte Facebook une allocution vidéo, déclarant qu’il souhaitait une adhésion immédiate de l’Ukraine à l’Union européenne via une procédure spéciale. Dans l’état actuel du droit cependant, l’adhésion à l’Union européenne nécessite de suivre une procédure lourde mêlant critères juridiques et volonté politique.
La politique d’élargissement de l’Union européenne est régie par le traité sur l’Union européenne. La première étape est le dépôt de candidature par le pays souhaitant adhérer à l’Union. Pour être candidat, il faut être un État européen, donc situé géographiquement en Europe, respectant les valeurs du traité, notamment la démocratie, le respect des droits humains et l’État de droit. L’Ukraine n’est à cet égard pas exemplaire, étant catégorisée en 2021 comme un “régime hybride” selon l’indice de démocratie du magazine britannique The Economist, avec une note de 5,57 sur 10. Cependant, le gouvernement ukrainien s’était engagé en 2016 dans une réforme profonde de son système judiciaire, hérité de l’ère soviétique, et dans la lutte contre la corruption.
D’ABORD PASSER PAR LE STATUT DE CANDIDAT OFFICIEL…
Le 28 février 2022, suite à la publication de son message vidéo sur Facebook, Volodymyr Zelensky a ainsi signé une demande officielle d’adhésion à l’Union européenne, adressée au Conseil européen.
Selon le traité sur l’Union européenne, l’Ukraine peut se voir reconnaître le statut officiel d’État candidat, après un vote positif du Parlement européen à la majorité de ses membres et une approbation à l’unanimité du Conseil européen. Le statut de candidat, cependant, n’engage juridiquement pas à une adhésion rapide (la Turquie est officiellement candidate depuis 1999).
L’étape suivante est l’ouverture de négociations d’adhésion proprement dites. Il faut d’abord que le Conseil européen valide le respect par l’État candidat des “critères de Copenhague” définis en 1993 : institutions démocratiques stables, économie de marché viable, ou encore capacité à assumer ses engagements européens et à assimiler de nouveaux membres.
Pour cela, l’État candidat doit accepter d’adopter l’ensemble de la législation européenne et de la jurisprudence de la Cour de justice l’Union. Ce sont pas moins de 35 chapitres qu’il faut analyser et respecter : respect des droits fondamentaux, des règles du marché intérieur, etc. L’Ukraine ne part pas de rien. En 2013, elle était sur le point de signer un accord d’association avec l’Union européenne, accord pour lequel le pays avait dû intégrer dans son droit une grande partie des règles européennes. Sous la pression de la Russie, l’Ukraine avait alors renoncé à signer cet accord, déclenchant alors le soulèvement “Euromaïdan” qui aboutit à la fuite du président prorusse Viktor Ianoukovitch. En 2014, le nouveau président signa finalement cet accord.
À l’issue de la phase d’intégration du droit de l’Union dans le droit ukrainien, un traité d’adhésion est signé entre les dirigeants des États membres et de l’État candidat, qui devient alors État adhérent. Ce traité doit ensuite être ratifié par les parlements de l’État adhérent et de l’ensemble des 27 États membres. Un seul État peut donc bloquer une adhésion. La procédure est souvent longue.
… IL FAUDRAIT REVOIR RAPIDEMENT LA PROCÉDURE D’ADHÉSION
Les “critères de Copenhague” étant issus d’une déclaration du Conseil européen, ils n’ont pas de valeur juridique contraignante. Il suffirait donc au Conseil européen de revenir sur ces critères par une nouvelle déclaration pour les assouplir, afin de faciliter l’adhésion, décidée à l’unanimité. Suivant cette déclaration, l’appréciation par la Commission du respect de ces critères serait plus rapide et favorable à l’État candidat.
UNE DES CONSÉQUENCES D’UNE ADHÉSION ACCÉLÉRÉE
Cependant, il faut souligner que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, alors même qu’elle subit une invasion militaire, impliquerait l’activation de la “clause d’assistance mutuelle” présente dans le traité sur l’Union européenne, qui prévoit qu’“en cas d’agression armée sur le territoire d’un État membre, les autres États membres doivent lui porter assistance par tous les moyens en leur pouvoir”. Cela pourrait donc entraîner tous les pays de l’Union européenne dans la guerre contre la Russie, à moins que ne soit décidée une procédure d’“opt out” , c’est-à-dire que l’Ukraine ne bénéficierait pas de cette clause.
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