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La déclaration de révision de la Constitution, portée par la législature précédente sous la majorité Vivaldi, propose une série de modifications touchant à divers aspects fondamentaux de la gouvernance et des droits des citoyens. Parmi les points saillants, figurent l’articulation d’une nouvelle structure étatique pour la prochaine législature, des dispositions renforçant les droits fondamentaux et consacrant la transition climatique, ainsi que des réflexions sur le rôle futur du Sénat. Cette initiative, approuvée dans sa majorité, a suscité un débat vif au sein de l’assemblée, reflétant les enjeux multiples liés à cette révision constitutionnelle. La clôture de cette session législative marque également la fin d’une ère, avec la dissolution récente du Parlement, un moment symbolique et une étape de notre processus actuel de révision. Mais concrètement comment avons-nous fait jusqu’alors ?
Décryptage de l’article 195 : Comment fonctionne la procédure de révision constitutionnelle en Belgique ?
La Constitution belge est une constitution rigide, ce qui signifie qu’elle ne peut être révisée que par un processus spécifique et plus exigeant que celui utilisé pour adopter une loi ordinaire. L’article 195 de la Constitution régit cette procédure de révision, qui se déroule en trois étapes :
- Déclaration de révision : Les trois branches du pouvoir législatif (la Chambre des représentants, le Sénat et le Roi) doivent d’abord déclarer qu’il y a lieu de réviser certaines dispositions de la Constitution. Cette déclaration est adoptée à la majorité simple et doit désigner précisément les articles ou parties d’articles à réviser. Cette étape ne précise pas la manière dont la révision doit être effectuée, laissant le pouvoir constituant libre de modifier les articles de façon indépendante.
- Dissolution et renouvellement des chambres : Une fois la déclaration publiée au Moniteur belge, les chambres législatives sont automatiquement dissoutes, entraînant de nouvelles élections. Cette dissolution sert deux objectifs : elle empêche les parlementaires de déclarer à la légère qu’il y a lieu à révision de la Constitution et permet à la population de s’exprimer sur la révision proposée lors des élections. Toutefois, en pratique, les campagnes électorales qui suivent ne se concentrent généralement pas uniquement sur les questions constitutionnelles.
- Révision proprement dite : Après les élections, les nouvelles chambres, dites « constituantes », sont habilitées à réviser les dispositions désignées dans la déclaration. Pour que la révision soit adoptée, la procédure impose un quorum et une majorité qualifiée :
- Le quorum exige que deux tiers des membres de chaque chambre soient présents pour que la délibération puisse avoir lieu.
- La majorité qualifiée impose que les modifications soient adoptées par au moins deux tiers des suffrages exprimés. Les abstentions sont comptabilisées pour atteindre le quorum, mais ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité qualifiée. En conséquence, seules les voix en faveur ou contre la révision sont considérées pour cette majorité.
Une fois les modifications approuvées par les deux Chambres, elles sont soumises à la sanction royale, acte par lequel le Roi approuve formellement les révisions constitutionnelles. Enfin, les modifications sont publiées au Moniteur belge, ce qui leur confère force de loi.
Quelles sont les modifications prévues ?
La révision de l’article 195 de la Constitution belge est au cœur d’un débat complexe et polarisant. Deux hypothèses principales se dessinent quant aux voies possibles pour cette révision.
Hypothèse 1 : Simplification générale de la procédure de révision constitutionnelle
La première hypothèse propose une révision générale visant à simplifier la procédure de révision constitutionnelle. Cette approche inclurait potentiellement la suppression de l’exigence de déclaration préalable nécessaire pour initier une révision, rendant ainsi le processus plus flexible et moins contraignant. En permettant une adaptation plus rapide de la Constitution aux évolutions sociétales et politiques, cette simplification pourrait renforcer la réactivité des institutions et faciliter les réformes nécessaires.
Cependant, cette simplification comporte des risques importants. En facilitant la modification de la Constitution, il existe un danger d’affaiblissement des protections juridiques fondamentales. Cela pourrait exposer les principes démocratiques à des changements influencés par des majorités parlementaires temporaires, compromettant ainsi la stabilité constitutionnelle et les garanties des droits fondamentaux contenus notamment dans le titre II de la Constitution.
Hypothèse 2 : Révision ponctuelle pour faciliter une réforme de l’État
La seconde hypothèse envisage une révision ponctuelle de l’article 195, spécifiquement conçue pour faciliter une réforme de l’État. Cette approche viserait à surmonter les obstacles procéduraux actuels qui freinent les réformes structurelles profondes. L’objectif est de permettre des modifications ciblées afin d’adapter le fonctionnement de l’État aux besoins contemporains.
Néanmoins, cette révision ponctuelle n’est pas sans dangers. Elle pourrait être perçue comme une manipulation constitutionnelle motivée par des intérêts politiques particuliers, ce qui pourrait nuire à la légitimité démocratique des institutions. De plus, une telle révision pourrait exacerber les tensions communautaires en Belgique et établir un précédent où les modifications constitutionnelles sont orientées non pas pour protéger les droits fondamentaux, mais pour répondre à des objectifs politiques spécifiques. Les francophones y voient un réel risque car selon eux, cela offrirait aux partis néerlandophones, comme le Vlaams Belang et la N-VA, l’opportunité d’utiliser la révision de l’article 195 pour instaurer un régime de confédéralisme, souhaité clairement par la N-VA.
Nuance : l’avis de la Commission de Venise
En 2012, la Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe sur le droit constitutionnel, a examiné une réforme constitutionnelle en Belgique qui utilisait l’article 195 pour rendre révisables des articles qui ne l’étaient pas initialement. Cette approche suscita des critiques, certains la percevant comme une manipulation visant à contourner les procédures normales de révision constitutionnelle.
La Commission de Venise a pris ces critiques en considération, mais a apporté une réponse nuancée. Bien que la méthode employée semble atypique, la Commission a jugé que, juridiquement, elle respectait les normes belges.
En substance, la Commission de Venise a estimé que la démarche belge était juridiquement conforme et qu’elle ne compromettait pas la stabilité du processus de révision constitutionnelle. Les critiques exprimées ont été jugées non pertinentes ou excessives dans le contexte spécifique de la réforme de 2012. Cette analyse a contribué à apaiser les inquiétudes et à orienter le débat sur l’utilisation future de l’article 195 pour des révisions constitutionnelles en Belgique. En dépit des critiques, la Commission a finalement validé la procédure belge, apportant ainsi une légitimité à cette méthode.
Conclusion
En définitive, les déclarations de révision de la Constitution ont été adoptées en mai et juin 2024, avec une attention particulière portée à l’article 195. Cette étape a conduit à la dissolution de la Chambre des représentants et du Sénat, suivie par les élections du 9 juin 2024. Les nouvelles chambres ont été convoquées le 4 juillet 2024 pour la Chambre des représentants et le 18 juillet 2024 pour le Sénat. Elles auront désormais la responsabilité de poursuivre le processus de révision constitutionnelle, marquant ainsi un tournant dans l’évolution du cadre juridique et institutionnel belge.
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