A l’occasion d’un commentaire du projet de réforme des pensions de la ministre Lalieux (PS), le président du Mouvement réformateur (MR), Georges-Louis Bouchez, a déclaré : “aujourd’hui, si vous restez au chômage 30 ans, vous aurez une pension supérieure à celle d’un indépendant qui a travaillé 29 ans”. Cette sortie faisait suite à une proposition de l’OpenVLD d’ouvrir le droit à la pension minimum garantie des salariés aux personnes démontrant une carrière effective de minimum 20 années. Par ces propos, les deux partis libéraux du pays relançaient les débats relatifs au projet, inscrit dans l’accord de gouvernement, de porter cette pension à 1.500 euros nets pour une carrière complète. Ils voulaient faire savoir que s’ils sont d’accord pour augmenter la pension minimale, cela doit s’accompagner à leurs yeux d’un renforcement (drastique) des conditions d’accès pour les salariés.
Indépendants et salariés : les périodes d’inactivité prises en compte différemment pour la retraite
Pour comprendre la portée de ces propositions et la comparaison dressée par Georges-Louis Bouchez entre un chômeur et un indépendant, il faut rappeler une différence importante entre le régime de sécurité sociale des salariés et celui des travailleurs qui sont leur propre patron. Dans les deux régimes, le bénéfice de la pension minimale est suspendu à une même condition de carrière de 30 ans minimum. Par contre, la manière de calculer cette carrière diffère. Les salariés peuvent faire valoir des « périodes assimilées » à du travail effectif, dont les périodes de chômage qui sont indemnisées sans limite de temps en Belgique. Les indépendants peuvent également faire valoir l’assimilation de certaines périodes, mais dans une moindre mesure. Sont ainsi assimilables les périodes d’incapacité de travail ou le congé de maternité, comme pour les salariés. Toutefois, les périodes d’octroi du droit passerelle (sorte d’équivalent de l’assurance chômage des salariés) sont non seulement limitées à 24 mois maximum sur l’ensemble de la carrière, mais en outre elles ne sont pas prises en compte pour le calcul de la carrière.
La comparaison opérée par Georges-Louis Bouchez est donc correcte. Un indépendant qui cesserait volontairement (et donc pas pour cause de maladie ou d’accident) son activité après 29 ans aurait une carrière trop courte d’une année pour bénéficier de la pension minimale. Un chômeur indemnisé depuis 30 ans, lui, remplit la condition de 30 années de carrière grâce à la prise en compte des périodes de chômage. Mais ce que ne dit pas le raisonnement, c’est qu’il suffirait à l’indépendant de cotiser une année encore pour bénéficier de cette prestation minimum. Il aurait alors droit à une pension, d’un montant égal, il est vrai, à celle du chômeur (sauf bien entendu à s’être ouvert un droit à la pension plus important grâce aux revenus plus élevés perçus pendant sa carrière). Ce montant est actuellement de 1.380 euros par mois environ pour un isolé, pour une carrière de 45 ans. Avec 30 ans de carrière, on atteint un montant proratisé de 2/3 du montant maximum, c’est-à-dire 920 euros.
Le problème est-il dans le montant de la pension ou dans les différences de prise en compte des périodes d’inactivité ?
En définitive, le président du MR avait donc raison, mais sa comparaison repose sur une situation (qu’on espère) peu probable étant donné qu’un indépendant travaillant depuis 29 ans, à condition d’être un tant soit peu informé, choisirait certainement de cotiser une année supplémentaire pour s’ouvrir le droit à la pension minimum. Cette comparaison pouvait par ailleurs laisser entendre que la différence essentielle entre salariés et indépendants se situe dans le montant de la pension minimum garantie à laquelle les uns et les autres ont droit, alors qu’elle se trouve en réalité dans la possibilité de faire valoir ou non certaines périodes de non-travail pour la condition de carrière, laquelle est (actuellement) identique dans les deux régimes. Bien compris, le rapprochement des droits du chômeur et de l’indépendant ouvre donc plutôt selon nous au débat suivant : veut-on barrer l’accès du chômeur de 30 ans à la (modeste) pension minimale commune aux deux régimes ou souhaite-t-on au contraire en faciliter l’octroi aux indépendants, par exemple en prenant en compte les périodes de bénéfice du droit passerelle (dont la durée maximale pourrait par ailleurs être allongée) pour le calcul de la pension ?
Contacté par nos soins, Georges-Louis Bouchez n’a pas répondu à nos sollicitations.
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