Dans le conflit ukrainien, beaucoup se demandent pourquoi l’OTAN ou l’UE n’interviennent pas militairement. La réponse est assez simple : l’Ukraine n’est membre d’aucune de ces deux organisations et ne peut donc exiger une aide et assistance de la part des États membres d’une ou de l’autre organisation. Justement, dans quelle mesure le fait d’être membre de l’OTAN ou de l’UE a un impact en termes d’assistance militaire ? Quelle est la différence pour par exemple la Turquie, membre de l’OTAN mais pas de l’UE, et la Finlande ou la Suède, toutes deux membres de l’UE mais pas de l’OTAN, même si ces deux pays ont très récemment déclaré vouloir devenir membres de l’OTAN ? Ces deux organisations prévoient une assistance mutuelle en cas d’agression, finalement assez proche sur le plan juridique.
Les États membres de l’UE doivent se prêter aide et assistance en cas d’agression armée
Le Traité de Lisbonne a introduit une politique de sécurité et de défense commune (qui fait partie de la politique étrangère et de sécurité commune introduite en 1992) afin de commencer à développer une stratégie de défense commune aux pays membres de l’Union européenne. La question d’une défense commune avait déjà été débattue dans les années 50, la défense reste encore aujourd’hui une compétence régalienne auquelle les États restent attachés.
C’est ainsi que l’article 42 paragraphe 7 a fait son apparition dans le TUE, le traité sur l’Union européenne. Cette clause prévoit notamment que : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. ». Chaque État membre doit donc décider individuellement quelle mesure d’aide et d’assistance prendre. L’Union européenne ne disposant pas d’une armée propre, elle ne peut décider seule d’une intervention militaire de tous ses pays membres.
Plusieurs États membres de l’UE – mais pas tous – sont également membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le Traité de l’Atlantique Nord (TAN) prévoit aussi une aide mutuelle à l’article 5 : “Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties (…) et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense (…) assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.”
Mais cela ne devrait pas poser de problèmes : si la clause de l’OTAN vient à s’appliquer, la clause d’assistance mutuelle de l’Union européenne ne viendra, elle, pas à s’appliquer, comme le prévoit l’article 42 §7 du TUE lui-même. Le droit de l’Union européenne précise en effet que la règle d’assistance militaire est subsidiaire : cette disposition n’affecte en rien les obligations et engagements souscrits par les États au sein de l’Organisation du Traité Atlantique-Nord qui reste le fondement de la défense collective des États qui en sont membres.
Cette clause d’assistance mutuelle de l’Union européenne dépend aussi de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, consacrant le principe de légitime défense. Mais cela ne veut pas dire que toute assistance doit respecter les conditions de la légitime défense, l’assistance peut aussi être financière, humanitaire, etc. La référence à l’article 51 de la Charte de l’ONU reste volontairement large pour ne pas heurter la neutralité de certains pays de l’UE, notamment la Suède. Toutefois, l’intention formulée très récemment par la Suède à rejoindre l’OTAN vient remettre en question cette politique de neutralité. Cette démarche, également entamée par la Finlande, prouve la plus-value de l’article 5 du traité de l’OTAN, plus que l’article 42 § 7.
En somme, l’article 42§7 du TUE a une portée moins large que l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord. Il vise avant tout à accroitre la coopération entre l’OTAN et la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union. Mais les deux clauses poursuivent en réalité le même but et pourraient avoir les mêmes conséquences maximales, à savoir l’intervention militaire.
En même temps, les membres de ces deux organisations n’ont pas le même poids. Si la plupart des membres de l’UE font partie de l’OTAN, la première puissance militaire mondiale, les États-Unis d’Amérique, ne fait pas pas partie de l’UE, rendant l’article 5 de l’OTAN bien plus fort, en pratique, puisqu’il pourrait activer l’assistance américaine à un conflit, ce que ne pourrait pas l’article 42, § 7 du TUE.
Concrètement, dans l’hypothèse où la Russie attaquerait la Finlande, seuls les pays membres de l’Union devraient lui porter assistance. Si c’est la Pologne qui est attaquée, les membres de l’OTAN comme les Etats-Unis et le Canada seraient aussi impliqués. On comprend alors mieux pourquoi la Suède et la Finlande veulent rejoindre l’OTAN.
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