Les vagues pandémiques successives n’empêchent pas la poursuite des activités de la Chambre et la tenue des séances plénières. Des mesures sanitaires de précaution sont mises en place pour assurer le bon fonctionnement des travaux parlementaires, même si ces mesures peuvent susciter l’indignation de certains parlementaires, en particulier au sein de la NVA, comme Theo Francken ou Peter De Roover, notamment à l’égard de la limitation physique du nombre de députés à la Chambre. Sollicité par ce dernier, l’Institut Fédéral pour la protection et la promotion des Droits Humains (IFDH) a lui-même émis des doutes sur le maintien des mesures prises, à tout le moins au moment où la limitation était de 41 députés. Que faut-il en penser?
La restriction du nombre de parlementaires présents ne porte pas atteinte au droit du Parlement de se réunir si la décision est prise de manière autonome…
La Chambre a en effet décidé mi-octobre de limiter à 67 sur 150 le nombre de parlementaires présents dans l’assemblée. Pour Théo Francken – 11 sur les 24 parlementaires de son parti peuvent être présents – ce nombre reste tellement peu élevé que la mesure n’est pas démocratique. La décision vient de la Conférence des présidents, qui est l’un des principaux organes de la Chambre (article 14 du Règlement de la Chambre des représentants), notamment chargé de l’organisation des travaux de la Chambre (article 16 du même Règlement). C’est à ce titre que, le 12 octobre dernier, la Conférence a décidé que la mesure de limitation du nombre de députés demeurait nécessaire au regard de la situation sanitaire et des mesures d’application à Bruxelles, passant toutefois de 41 à 67 députés admis en salle. La décision prise par la Conférence s’appuie sur des mesures en vigueur à Bruxelles (ici et ici) – où se situe la Chambre des représentants – relatives à la crise sanitaire. Ces mesures étaient par ailleurs plus sévères, en tout cas au moment de la décision de la Conférence des présidents, qu’ailleurs en Belgique, mais peuvent être réévaluées à mesure de l’évolution de la pandémie, comme la décision portant sur la modification du nombre de députés (de 41 à 67) présents le confirme.
En d’autres mots, cette décision ne porte en principe pas atteinte au droit du Parlement de se réunir, ni à l’autonomie du Parlement, dans la mesure où cette décision a été prise de manière autonome par la Chambre et constitue une modalité du droit de réunion au Parlement qui s’inscrit dans le cadre des exceptions prévues par le Règlement de la Chambre.
Mais, selon l’Institut Fédéral des droits humains – qui analyse la décision antérieure de modification du Règlement de la Chambre limitant à 41 le nombre de parlementaires présents – cette décision ne devrait pas se fonder sur un ‘simple’ arrêté de police bruxellois. Pour l’Institut, les mesures de distanciation sociale imposées en août par les autorités régionales ne s’appliquent pas au Parlement qui doit rester autonome pour ses décisions. Le Parlement est bien sûr tout à fait libre de s’inspirer de ces mesures locales applicables, mais sans se fonder sur celles-ci. Il adopte ses propres mesures – comme la décision du 12 octobre – en toute autonomie, dans le respect de la procédure prévue par le Règlement de la Chambre.
…ni au droit des parlementaires d’exercer leur mandat tant qu’elle reste proportionnée
Indépendamment de la décision de la Conférence des Présidents, le Règlement de la Chambre encadre les modifications des modalités de réunion dans les cas où « une situation grave et exceptionnelle qui menace la santé publique et qui empêche des membres de la Chambre d’être physiquement présents » (article 42, 3bis du Règlement).
Il est ainsi possible pour les élus de suivre les débats en ligne et de voter à distance (article 58, § 3, du même Règlement). L’organisation du vote par bulletin électronique permet de préserver le caractère individuel du mandat des élus et de respecter l’exigence des quorums de présence prévus par la Constitution. Les parlementaires d’un même groupe politique ont par ailleurs la possibilité de se relayer au cours d’une séance plénière et le temps de parole en plénière est organisé par groupe politique, et non par orateur considéré individuellement (exception faite des élus indépendants). Enfin, la présence physique des élus n’a pas été restreinte en commission.
Cependant, ces restrictions pourraient paraître disproportionnées. Selon l’IFDH, vu la possibilité d’organiser d’autres évènements de masse dans le pays – mais justement il est question de prendre des mesures spécifiques pour Bruxelles – et le taux très élevé de vaccination auprès des parlementaires, la quota maximum de parlementaire en séance plénière pose un “grave inconvénient pour le fonctionnement parlementaire”. Le passage de 41 à 67 députés – intervenu après l’avis de l’IFDH – et l’ensemble de modalités prévues pour permettre aux parlementaires d’exercer leur mandat valablement, tout comme l’évolution constante de la pandémie, permet de maintenir une balance entre le droit individuel des parlementaires et les mesures sanitaires. Comme le souligne la Commission de Venise (un organe d’avis du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles), la présence physique des parlementaires est essentielle, mais “une crise peut altérer le fonctionnement normal d’un parlement” et des solutions – proportionnées – sont alors envisageables (§ 75 de son rapport).
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