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Grève de la faim des sans-papiers à Bruxelles : Joachim Coens réclame des hospitalisations forcées, et Egbert Lachaert l’intervention du bourgmestre

RTBF, 19 juillet 2021

Arrêter ou déplacer des grévistes de la faim ne les empêcherait pas de continuer leur grève. Quant à les forcer à se nourrir par une hospitalisation, c’est tout simplement illégal.

Pierre-Olivier de Broux, professeur de droit à l’université Saint-Louis de Bruxelles, le 22 juillet 2021

À l’occasion d’une affaire qui menace le gouvernement fédéral, deux présidents de partis de la majorité invitent à réagir rapidement à la grève de la faim des personnes “sans-papiers” occupant actuellement l’église du Béguinage à Bruxelles, ainsi que les campus de l’ULB et de la VUB. Joachim Coens, président du CD&V, suggère d’hospitaliser de force les grévistes ; alors qu’Egbert Lachaert, président de l’Open VLD, en appelle à l’intervention des autorités locales – sans préciser quelle intervention concrète pourrait être menée. La dégradation gravissime de la santé des grévistes inquiète à raison. Mais le contexte légal ne permet pas si facilement de contraindre ceux-ci à mettre fin à leur action.

La Ville de Bruxelles et son bourgmestre ont des pouvoirs de police limités

Les propos d’Egbert Lachaert, prolongés par des mandataires de l’opposition bruxelloise, laissent croire que le bourgmestre de Bruxelles pourrait agir pour mettre fin à la grève de la faim.

Les pouvoirs de police du bourgmestre dans la Région bruxelloise sont essentiellement régis par la Nouvelle Loi communale (art. 133 à 135). Selon cette loi, le bourgmestre peut notamment fermer un établissement ou prononcer une interdiction temporaire de se rendre ou de rester dans un lieu accessible au public, lorsqu’il existe un trouble à l’ordre public ou en cas d’infraction répétée à un texte légal. Il est également chargé de maintenir le “bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes”. Enfin, sur la base de l’article 31 de la loi sur la fonction de police, le bourgmestre pourrait ordonner l’arrestation administrative des grévistes, en cas d’absolue nécessité, s’il démontre que ces personnes perturbent ou mettent en danger la tranquillité et la sûreté publique.

Le bourgmestre devrait donc démontrer le trouble à l’ordre public ou l’infraction que constitue la grève de la faim des centaines de personnes concernées. Or, aucun texte n’a jamais interdit, en Belgique, une grève de la faim, même si celle-ci devait conduire au décès du gréviste. Si cette grève revêt certes un mobile politique, le calme dans lequel elle se déroule, au sein d’établissements accessibles au public (église et universités), rend tout aussi difficile la démonstration d’un trouble à l’ordre, la tranquillité ou la sûreté publique, du moins aussi longtemps que les responsables des lieux concernés acceptent d’accueillir les grévistes. Enfin, les mesures ici imaginées n’empêcheraient nullement les intéressés de poursuivre leur grève de la faim, soit dans un autre lieu, soit dans les lieux de détention où ils auraient été emmenés. Ces mesures seraient donc inutiles, en plus d’être difficiles à justifier légalement.

En réalité, au nom du “bon ordre”, la seule manière de mettre fin à la grève serait de forcer les grévistes à se nourrir et à boire, vraisemblablement via une hospitalisation et/ou une médication forcée, comme le réclame Joachim Coens. Mais là encore, cela coince juridiquement.

L’hospitalisation ou la médication forcée est en principe interdite

Selon la Cour européenne des droits de l’homme, toute intervention médicale non consentie constitue une ingérence dans le droit à la vie privée. De même, la loi relative aux droits du patient prévoit très explicitement “le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable”. Et ce consentement doit être donné “expressément, sauf lorsque le praticien professionnel, après avoir informé suffisamment le patient, peut raisonnablement inférer du comportement de celui-ci qu’il consent à l’intervention”. Plus clairement encore, l’article 8, §4 de cette loi réaffirme en toute lettre le droit de refuser des soins de santé.

La seule exception admise à ce principe est l’incapacité (temporaire ou permanente) d’une personne à exprimer sa volonté, et ce pour autant qu’aucune volonté n’ait été exprimée au préalable par écrit. Dans la situation des grévistes de la faim, la volonté de la plupart d’entre eux semble particulièrement claire, et nullement affectée d’une incapacité, ni psychologique ni médicale ni de quelque ordre que ce soit. Soutenir le contraire serait abusif – comme le rappelle utilement une avocate dans la presse – : c’est la détresse qui fait agir ces personnes, et non une incapacité psychologique à comprendre le danger dans lequel elles se mettent. Cette volonté doit donc être respectée aussi longtemps que les grévistes conservent la capacité d’exprimer leur volonté. Si la situation dramatique persistait, et que certains grévistes perdaient conscience, par exemple, ils devraient être soignés – au nom de la préservation du droit à la vie et de l’assistance à personne en danger –, sauf s’ils ont fait savoir par écrit au préalable qu’ils refusaient les soins nécessaires.

Heureusement, à l’heure d’écrire ces lignes, la grève en cours depuis près de deux mois vient d’être suspendue, après qu’un dialogue enfin constructif ait pu être noué entre les grévistes et les autorités fédérales compétentes.

Contactés, Joachim Coens et Egbert Lachaert, n’ont pas répondu à nos sollicitations

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Critiques européennes contre la réforme de la justice en Pologne : pour le Gouvernement polonais, ces questions relèvent “exclusivement du domaine national”

La Croix, le 1er Avril 2021

La majorité conservatrice au pouvoir en Pologne a lancé il y a quelques années une réforme de la justice qui porte atteinte à l’indépendance et à l’impartialité de ses juges. Or, ces deux principes sont protégés par le droit de l’Union européenne, dont la Commission européenne a l’obligation d’assurer le respect. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement polonais, la justice n’est pas qu’une question nationale, mais également européenne.

Solweig Bourgueil, master Droit de l'Union européenne, Université Paris-Est-Créteil // Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP, université Paris-Saclay, le 8 avril 2021

À la suite d’une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne, le porte parole du Gouvernement polonais, Piotr Müller, a déclaré, relayé par le journal La Croix le 1er avril dernier, que “la réglementation des questions liées au système judiciaire relève exclusivement du domaine national”. En cause, la création d’une nouvelle chambre à la Cour suprême polonaise permettant de lever l’immunité des juges.. Pour le Gouvernement polonais, l’Union européenne n’aurait pas son mot à dire sur cette nouvelle réglementation. Pourquoi c’est faux ?

L’Union européenne a l’obligation de s’assurer que la justice nationale est indépendante et impartiale

Ce n’est pas la première fois que le Gouvernement polonais conteste le droit de regard de l’Union européenne sur le fonctionnement de sa justice. Ce qui lui est reproché, c’est un système judiciaire qui serait partial car lié au parti au pouvoir. Or, les garanties d’indépendance et d’impartialité des juges sont protégées par le Traité sur l’Union européenne (article 19), que la Cour de justice de l’Union européenne a interprété comme lui confiant le soin de vérifier que cette indépendance et cette impartialité sont bien respectées dans les États membres. Et ce n’est pas tout : l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union garantit lui aussi le droit d’accès à un tribunal impartial. Dans une décision datant de 2018 et visant le Portugal, la Cour de justice avait rappelé la nécessité pour les juges nationaux d’être indépendants et impartiaux. Pour les juges européens, la baisse de rémunération des juges portugais, décidée par l’ancien Premier ministre social-démocrate Pedro Pasos Coelho pour réduire les dépenses publiques alors que le pays se remettait d’une violente crise économique, pouvait porter atteinte à leur impartialité.


… À LIRE : Pour le ministre de la justice de la Pologne, les Polonais pourraient être contraints par l’Union européenne « d’introduire des mariage homosexuels, avec adoption d’enfants, avortement et euthanasie » [FAUX]


En ce qui concerne la Pologne, dont le Gouvernement n’a pas souhaité répondre à nos questions, la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l’Union européenne en octobre 2019, car elle considérait que la réforme de la justice mise en œuvre par le parti au pouvoir Droit et justice (PiS) dirigé par l’un des frères Kaczyński, violait le principe d’État de droit. Résultat, en avril 2020, la Cour de justice a ordonné à la Pologne de suspendre l’activité de la nouvelle chambre disciplinaire de la Cour constitutionnelle, pour violation du principe d’indépendance. Mais en vain, le Gouvernement polonais refusant de respecter cette injonction. Cette nouvelle saisine de la Cour intervient alors que le juge polonais Igor Tuleva, figure de l’opposition à la réforme de la justice, doit bientôt comparaitre devant la chambre disciplinaire. Dans le cas où son immunité serait levée, il risquerait la prison. 

Quelles sanctions l’Union peut-elle infliger en cas de justice défaillante ?

L’Union européenne, avec ses moyens et le soutien du droit, tente de préserver l’impartialité et l’indépendance de cette justice qui doit être d’abord au service des individus, pas du gouvernement. Et si la Pologne refuse de se plier à la règle, la Cour de justice de l’Union pourra toujours lui infliger une amende dissuasive, et la Commission suspendre le versement des subventions européennes.


… À LIRE : Manon Aubry estime que « rien ne nous empêche de ne pas respecter les traités européens » [FAUX]


La sanction de la Pologne serait une victoire pour l’État de droit. Cependant il ne faut pas négliger le délai pouvant aller jusqu’à deux ans entre la requête de la Commission et la réponse des juges européens, laissant le temps au gouvernement Polonais d’adopter des mesures de plus en plus éloignées des valeurs de l’Union.

Mise à jour le 12 avril 2021 à 16h27 : Sur une remarque d’une lectrice chercheuse en droit européen, le rôle de l’article 19 TUE a été replacé dans un contexte nouveau tel que voulu par la Cour de justice de l’Union européenne.

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Pour le ministre de la justice de Pologne, les Polonais pourraient être contraints par l’Union européenne “d’introduire des mariages homosexuels, avec adoption d’enfants, avortement et euthanasie”

Communiqué sur la page Facebook de Solidarna Polska, le 15 novembre 2020

Le projet européen dans le cadre du plan de relance de 750 milliards d’euros conditionne le versement des aides européennes au respect de l’Etat de droit. Ce projet ne traite aucunement la question du mariage homosexuel, de l’adoption, de l’avortement ou encore de la culture. Il vise avant tout l’indépendance des médias et de la justice.

Solweig Bourgueil, étudiante en Master droit européen à l’université Paris-Est Créteil, sous la direction de Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP (Paris-Saclay), le 20 novembre 2020

Zbigniew Ziobro, le dirigeant du parti Solidarna Polska (Pologne Solidaire) et ministre de la justice polonais, craint dans un communiqué du 15 novembre 2020 repris par le quotidien “Le Monde”, que les Polonais soient “contraints, par exemple, d’introduire des mariages homosexuels, avec adoption d’enfants, avortement et euthanasie sur demande, des changements inacceptables dans l’éducation, la culture, dans la sphère du média ou des changements désintégrant l’État polonais dans le domaine de la justice”. C’est pourquoi il soutient le véto de la Pologne sur une partie du plan de relance européen de 750 milliards d’euros, en réaction à un projet d’acte législatif qui permettrait de ne pas verser à un État membre qui viole l’État de droit des aides de ce plan.

L’accord législatif entre le Parlement et le Conseil du 6 novembre dernier permettrait de suspendre le versement des aides européennes à un État s’il n’assure pas, par exemple, l’indépendance de la justice ou la lutte contre la fraude fiscale, qui sont des exigences de tout État de droit, c’est-à-dire un système dans lequel tous sont soumis au respect du droit La suspension de l’aide pourrait avoir lieu dès lors que ces violations portent atteinte ou risquent sérieusement de porter atteinte au budget de l’Union. Cela exclut donc des sujets comme le mariage des personnes de même sexe ou l’euthanasie, qui non seulement ne sont pas envisagés par le projet d’acte législatif, mais en plus n’ont pas vraiment de rapport avec les atteintes au budget de l’Union, ni d’ailleurs avec l’État de droit.

Ce qui est donc plutôt visé, c’est ce qui permet à une démocratie pluraliste de fonctionner correctement et dans le contexte de la crise sanitaire, l’indépendance de la justice ou le pluralisme des médias ont une importance particulière. En effet, avec un budget historique de 1824,3 milliards d’euro dont environ 160 milliards d’euros en subventions et prêts prévus pour la Pologne, il est nécessaire de garantir l’État de droit pour être en mesure par exemple d’examiner les agissements des autorités polonaises, comme l’avait fait, en Hongrie cette fois, le journaliste d’investigation Szabolcs Panyi dans l’affaire de détournement de fonds européens au profit du dirigeant hongrois Viktor Orban. Il en va de même pour l’indépendance des juges, consacrée par le droit de l’Union, permettant la protection des droits fondamentaux et, dans le cas présent, pour éviter la corruption en cas de détournements de fonds européens. 

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La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen veut améliorer “l’éducation sur les causes historiques et culturelles du racisme.”

Le Monde, le 16 septembre 2020

L'Union ne peut pas définir les programmes scolaires des États membres, même à la marge. Elle ne peut que les encourager à s’engager dans cette voie, et ce sera à chaque État de décider.

Axel Mouton, étudiant en master droit européen à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sous la direction de Vincent Couronne, chercheur associé au VIP (Paris Saclay), le 21 septembre 2020

Lors du discours sur l’état de l’Union du 16 septembre dernier devant le Parlement européen, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré vouloir s’attaquer à la question du racisme dans les États membres. Pour l’ancienne ministre allemande, il ne faut plus seulement condamner ces actes et propos racistes, mais agir par l’éducation pour « construire une Union véritablement antiraciste ». Or les pouvoirs de l’Union européenne dans le domaine de l’éducation restent très limités, puisqu’elle ne peut rien imposer de contraignant.

Même armées des plus nobles intentions, Madame von der Leyen et sa Commission auront bien du mal à imposer cet aspect de leur plan d’action contre le racisme. Son souhait de vouloir lutter contre le racisme par l’éducation se heurte à la compétence des Etats membres dans ce domaine car ces derniers exercent leur prérogatives nationales par exemple en choisissant les programmes scolaires.

La question de l’éducation est abordée à l’article 165 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il prévoit que soient attribuées à l’Union des compétences pour améliorer par exemple la mobilité des étudiants au sein des États membres. Mais en aucun cas l’Union ne peut imposer une réforme ou une harmonisation. Selon les règles de procédures, la Commission peut certes proposer un texte en matière d’éducation, qui devra obtenir l’aval de la majorité qualifiée des États et du Parlement européen. Mais l’Union ne peut rien adopter de contraignant, elle peut seulement “encourager”, selon les termes de l’article 165 TFUE.

Cela peut parfois être efficace, comme dans le cas du programme Erasmus, souvent considéré comme l’une des grandes réussites de l’Union. On retrouve aussi une compétence de l’Union pour développer la coopération entre les établissements ou l’échange d’information. Mais rien n’octroie le droit à l’Union d’imposer aux États membres de modifier leurs programmes scolaires ni plus largement de s’immiscer dans leurs systèmes éducatifs.

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Olivier Faure au nom du groupe Nouvelle Gauche demande au Gouvernement de « suspendre l’entrée en vigueur provisoire du CETA jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’UE saisie par la Belgique »

Communiqué de presse d’Olivier Faure, 19 septembre 2017

Si un Parlement national suffirait à bloquer la ratification du CETA, il ne peut pas suspendre son application partielle provisoire.

Frédérique Berrod, le 22 septembre 2017

Le CETA est un accord de libre-échange entre le Canada et l’UE que ces deux parties ont signé et ratifié. Comme il implique des compétences qui relèvent encore, au sein de l’UE, des États membres, le CETA doit être ratifié par tous ces États, ce qui impliquera pas moins de 38 parlements nationaux et régionaux. Pour permettre de mettre en application les dispositifs relevant de la seule compétence de l’UE, comme l’élimination des droits de douane, il est prévu, conformément à l’article 30.7 du CETA, une application provisoire. Celle-ci ne peut pas concerner les compétences nationales, comme par exemple les dispositions sur le système juridictionnel des investissements (les contestés « tribunaux arbitraux »).

L’application provisoire a fait l’objet d’une décision du Conseil de l’UE, dans lequel la France a voté sans y mettre de condition, contrairement à l’Allemagne. Le président Macron a, une fois élu, contribué à retarder le moment de cette application, initialement prévue au 1er avril et qui n’est effective que depuis le 21 septembre, pour attendre la décision du Conseil constitutionnel. Mais il n’a pas conditionné l’application provisoire à une décision unilatérale nationale.

Quant à l’avis demandé à la CJUE par la Belgique, il ne concerne pas l’application provisoire mais certains mécanismes du CETA comme le système juridictionnel des investissements. Si la Cour rendait un avis négatif il faudrait en toute hypothèse recommencer la procédure de négociation.

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